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Chroniques of the week : magie magiiiiie, et vos mangas ont du génie !

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Chroniques Manga Paoru.fr-003

Cette semaine, mes lectures mangas se sont faites dans une ambiance assez amusante : alors que les feuilles des arbres tombent c’est la magie qui sort de terre pour cette période d’Halloween et les mangas suivent le mouvement, surtout chez Komikku, ou d’une manière beaucoup plus singulière chez Akata. Résultat : des chroniques pleines de sorcières, de forces telluriques, de fées et d’animaux qui parlent… avec Sorcières et ténèbres, aka un ancien manga de Hiroko Nagakura (Rudolf Turkey), avec le 3e tome de The Ancient Magus Bride (un de mes coups de cœur 2015) et celui de Minuscule (as choupinou et beau as ever) en terminant avec l’inattendu et acide tome 2 de Magical Girl Site, de l’auteur de Magical Girl of the End.

En route pour les chroniques, donc, et bonnes lectures !

Sorciere-et-Tenebres-1-komikkuSorcières et ténèbres #1 de Hiroko NAGAKURA : je ne suis pas un grand de Rudolf Turkey (encore que, ça décolle pas mal dans le tome 4) mais j’avais complètement oublié qu’il s’agissait du même auteur et j’ai donc ouvert ce petit pavé de 270 pages sans aucun a priori. Pour 8.95 euros, c’est plutôt un bel objet : on a une couv’ plutôt sympathique et deux posters en fin d’ouvrage dont les couleurs nous plongent assez bien dans l’ambiance halloweenesque du moment : un manga d’saison ma bonne dame ! En plus ce shônen est en deux tomes donc on ne va pas se ruiner.

Si on regarde de plus près le récit maintenant… On découvre Hitsuji, une demoiselle assez originale et on tombe rapidement sous son charme : énergique, optimiste, complètement anti-conformiste avec son amour des choses bizarres et un peu rebutantes, comme les asticots ou les poupées artisanales un brin morbides. C’est sans doute parce qu’Hitsuji est une sorcière blanche qu’elle est un peu à part, élevée par ses trois tantes sorcières elles aussi, mais elle n’en n’est pas moins adorable et rafraîchissante. Elle a d’ailleurs un fan club d’hurluberlus au sein de l’école qui n’est pas mal non plus, dans son genre.

La vie de la demoiselle va changer radicalement le jour où Kokuyô intègre sa classe, et qu’elle tombe amoureuse du garçon au premier regard. Il faut dire que, lui aussi, il dénote : bandé de la tête au pied ce jeune homme au look de momie est en fait un chasseur de sorcières. Il voue une haine farouche à cette caste depuis que l’une d’entre elles a ruiné sa vie et l’a maudit pour en faire un être des ténèbres. Amour impossible ? Non réciproque en tout cas, pour le moment, mais Hitsuji a de l’énergie à revendre et, après tout, c’est une sorcière blanche et non pas une noire maléfique, comme les cibles de Kokuyô. Elle va donc redoubler d’efforts pour le séduire et essayer de calmer la haine de ce dernier, puis peut-être le sortir des ténèbres…

Le topo est assez classique mais le scénario ne fait pas dans la fioriture et l’on démarre très vite sur la love story, ce qui assez inédit pour un shônen, d’ailleurs. La chasse aux sorcières, elle, est là pour apporter des affrontements qui ne sont pas mémorables mais qui confèrent une part d’action et un peu de rythme au titre. La romance, pour revenir sur ce point, s’annonce donc compliquée mais la persévérance, la maladresse, la gentillesse et surtout l’humour insufflés par Nagakura à son héroïne fait qu’on l’encourage rapidement dans sa quête. De son côté Kokuyô tient très bien son rôle d’entité sombre de l’histoire et les sorcières qu’il affronte sont toutes aussi inquiétantes et meurtrières. Certes l’univers n’est pas aussi novateur et détaillé que dans un Soul Eater, mais on retrouve avec plaisir l’univers de la sorcellerie avec ses pentacles, ses poupées maudites et ses monstres magiques protéiformes. La trame de fond est assez développée elle aussi et évoque une grande réunion des sorcières qui implique une catastrophe à venir, sans oublier quelques drames du passé qu’il reste encore à déchiffrer.

Ça tient bien la route donc, des personnages au scénario. Le seul écueil reste un graphisme assez inégal, qui n’est heureusement pas un frein à la transmission des émotions des personnages. On sent juste que c’est une oeuvre de jeunesse, qui date de 2006-2007 pour être exact. Bref, si vous aimez les histoires de sorcières et les jeunes filles maladroites mais souriantes, drôles et pleines d’énergie, c’est pour vous !


The ancient Magus BrideThe Ancient Magus Bride #3 de Koré YAMAZAKI : quand une mangaka grande fan de littérature fantasy, de CLAMP et d’Harry Potter (c’est elle-même qui le dit, ici) nous sort un récit à la fois tendre et intense, comment lui résister ? Nous sommes nombreux, je pense, a avoir craqué dès le premier tome sur ce couple hors norme : le puissant mage gentlemanissime du nom d’Elias, a acheté puis épousé Chisé, une jeune fille souffrant profondément de sa solitude (d’une touchante tristesse, on a envie de lui faire des câlins à cette jolie rousse)… et ce couple improbable fonctionne à merveille. On constate qu’ils sont tous deux gorgés de faiblesses et qu’ils dissimulent de nombreuses cicatrices mais on réalise dans ce 3e opus l’étendue de leur puissance, si effrayante qu’elle peut les ronger, les transformer et, qui sait, les détruire…

Koré YAMAZAKI manie avec beaucoup de talent cet équilibre entre force et fragilité et tisse un fil de plus en plus épais entre nos deux amoureux, qui ont cette lutte interne en commun. En piochant dans des personnages classiques de la littérature fantasy, elle multiplie également les rencontres, chacune allant étoffer par ricochet ses deux personnages principaux : le chien qui garde l’âme d’une maîtresse défunte devient le familier de Chisé, lui conférant aussi bien un nouveau protecteur que quelqu’un dont elle est responsable, à l’opposé de son lien avec Elias. Une façon en tout cas astucieuse de pouvoir s’éloigner de son mage de mari, qui était jusqu’ici son unique protecteur, pour aller découvrir sous un autre regard le monde magique, avec des découvertes qui n’appartiennent qu’à elle, dans une ambiance plus détendue.

C’est aussi une bonne occasion pour en savoir plus sur Elias, sur son passé par exemple, en écoutant les autres parler de lui… Bref, après un premier round qui a vu se succéder la rencontre de la Slay Véga et du Pilum Murialis, la découverte de la magie, le début de la romance mais aussi un Némésis des plus dangereux, on commence à profiter des premières révélations et on continue d’étoffer les relations. Une histoire vraiment très bien menée et qui suscite une bien agréable empathie… Nous voilà enchantés.


Minuscule 3Minuscule #3 de Takuto KASHIKI chez Komikku: L’instant trognon (de pomme, ah ah) des chroniques de la semaine. Si The Ancient Magus Bride est une très belle découverte pour son univers et son scénario, minuscule n’est pas en reste et possède même une longueur d’avance du coté des graphismes et des personnages : quel niveau de détail dans ces planches et quelle réussite dans le chara-design de ces êtres minuscules ! Les petites bouilles de Hakumei et Mikochi, nos héroïnes minipousses et de leur amis « humains » nous avaient déjà charmés lors des volumes précédents, mais il faut avouer que le look d’Higaki, le vieux propriétaire d’une résidence qui connait quelques affrontements dans ce volume, est vraiment excellent, avec un entremêlement de sa barbe touffue avec sa chevelure des plus denses qui est du bel effet.

La réussite graphique des personnages se vérifie aussi chez les animaux humanisés de l’univers de minuscule. Dans les volumes précédents nous avions découvert Sardine, l’ouvrier de rénovation de bâtiment qui travaille avec Hakumei – le revoilà dans ce tome le temps d’une journée épicurienne en ville qui met franchement l’eau à la bouche – mais on découvre aussi Spirale, un lézard chef de bande pas commode, qui n’est pas une créature à sang-froid pour rien, avec une stature et un regard qui savent se faire impressionnants.

Mais, rassurez-vous, même ce reptile pas facile ne va pas transformer notre récit en conte dramatique car, dans minuscule, il semble que tout se finisse toujours bien, autour d’une bonne table et de quelques bonnes bouteilles. Ce manga ne nous donne qu’une envie d’ailleurs : aller faire le marché à la recherche de bons produits pour faire ensuite ripaille entre amis. Pour finir, comme The Ancient Magus Bride encore une fois, on savoure une nature omniprésente, chaleureuse et accueillante de surcroît, propice à de petits bonheurs simples qui font la joie de l’existence. Le manga de Takuto KASHIKI (traduit par l’excellente Fédoua Lamodière, pour ne rien gâcher) a vraiment un charme fou, courez l’essayer !

magical-girl-site-2Magical Girl Site #2 de Kentarô SATÔ chez Akata : On termine par quelque chose de radicalement différent. De la magie il est question mais de manière beaucoup plus trash et sanglante par l’auteur du débridé Magical Girl of the End. Moins grandiose que le manga d’origine, le tome 1 de la série avait laissé quelques lecteurs sur leur faim, mais la critique très acide de la société et l’irrévérence morale que semble affectionner le mangaka franchit un cran intéressant dans ce second opus, avec un traitement fou mais pourtant pertinent des idols.

Pour rappel, dans ce récit, plusieurs filles se sont retrouvées en possession d’un baguette magique avec un super pouvoir… et certaines d’entre elles sont alors devenues de flippantes meurtrières. Deux d’entre-elles, Aya et Tsuyuno, se sont alliées pour essayer de démêler le mystère qui se cache derrière les créateurs des baguettes et du site internet qui les fournit, lequel annonçant d’ailleurs une apocalypse à venir.

On retrouve une fois de plus, grâce à Kentarô SATÔ, avec des asociaux au pouvoir avec les mains rapidement couvertes de sang, par manque de chance ou simple esprit de vengeance, celle des faibles et des persécutés, mais pas que… En effet, comme je le disais, c’est aussi au tour des idols de briller et de jouer avec leur pouvoir. Quoi de mieux qu’une jeune fille considérée comme une déesse par des cohortes de mâles en rût pour devenir une Magical Girl toute puissante ? Son don, donné par une petite culotte magique (oui oui), lui permet d’ensorceler qui elle veut pour en faire son esclave… c’est tellement évident quand on y pense qu’on ne peut s’empêcher de rire, puisque la petite culotte des idols est, dans la vraie vie des fans Japonais, toute une histoire fantasmatique en elle-même.

Dans le manga, cette nouvelle magical girl est donc une idol hyper populaire, ce qui nous est démontré à travers la vie de l’un de ses fans, endetté jusqu’au coup et obnubilé à l’extrême par la jeune star. L’auteur pousse l’aliénation de ce looser à son maximum et l’on comprend que cette obsession n’est pas naturelle mais, en même temps, nous ne sommes pas si éloignés de la réalité… Enrobée dans un marketing et une communication basés sur des allusions sexuelles permanentes – du type « louez moi une heure pour me passer la laisse au cou jeune maître » – l’industrie décrite dans ce tome ne fait que pousser un peu plus loin un modèle déjà en place, lui empruntant par exemple les séances de serrages de main entre fans et idols, l’utilisation pernicieuse des sites et réseaux sociaux, la vente de produits dérivés, etc.

Même si l’on continue de mettre en place la trame de fond et d’ajouter quelques flashbacks pour étoffer le profil des protagonistes, c’est donc dans sa critique sociale, réaliste et finalement édifiante, qu’on savoure ce second tome. Du Akata comme j’aime !

Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des sessions de lecture en live. Après 3 semaines de chroniques on va changer un peu pour la prochaine fois, pour un papier inédit et collaboratif sur le blog… Car voilà qu’arrive la 600e du blog mes amis, oui oui oui !

En attendant de célébrer ça avec plusieurs invité(e)s, on se laisse sur quelques photos du Japon, dont certaines de saison justement, histoire de changer des mangas !

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Devils Line : les mangas de vampires ont encore de l’avenir !

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Bannière Devils Line

L’amour et les vampires : c’est le genre de combo qui, a force d’être lu à toutes les sauces, bonnes et moins bonnes, aurait plus tendance à me faire déguerpir qu’à capter mon attention. Ainsi, quand fin septembre j’ouvre l’épreuve du premier tome de Devils Line, je finis le premier chapitre avec un a priori plutôt négatif : en plus de quelques écueils graphiques se profile un amour impossible entre un vampire et une jeune femme fragile, un topo mille fois rencontré. Néanmoins… l’héroïne pas trop cruche, l’humour, les personnages secondaires, l’ambiance assez sombre et la relation amoureuse franche et directe fait que je finis le tome 1 avec un point d’interrogation, avec le bénéfice du doute. Or Kana a eu l’excellente idée de sortir les deux premiers tomes pour lancer sa série. C’est ainsi que, le 16 octobre dernier, le second tome finissait sur le bureau du chocobo. Et là… On en vient à cette chronique parce qu’il y a beaucoup plus à dire !

Avant de vous plonger dans le cœur du sujet, finissons les présentations  : Devils Line est un seinen signé par Ryo HANADA, un inconnu au bataillon. Au dessin et scénario, le mangaka publie ce qui ressemble assez à une première oeuvre dans un magazine qui a toujours toute mon attention : le Gekkan Morning 2 de Kodansha (image ci-dessous), qui contient Kokkoku, Les vacances de Jésus & Bouddha et Moyasimon. De quoi y jeter un œil, rien que pour ça. A ce jour cinq tomes sont parus et la série est toujours en cours.

Devils Line Morning

Mais quelque soit sa jeunesse Devils Line, avec sa phrase d’accroche ambiguë et mystérieuse, « Le démon est humain, L’homme est démon« , serait-il plus complexe et mature que ce à quoi il ressemble, au premier feuilletage ? Le manga de vampire a encore des choses à dire ? Mais tant mieux mon bon monsieur, regardons ça de plus près !!!

L’amour ne connait pas le sang froid…

Tsukasa, jeune femme sans soucis à la vie banale découvre du jour au lendemain que les pages à sensation de certains magazines ne racontent pas que des âneries : les vampires existent bel et bien, se cachant parmi nous et vivant une double-vie, mais ne pouvant pas réprimer leur envie de sang. Pour Tsukasa c’est une découverte qui aurait pu lui coûter cher, car l’un de ses amis de fac s’apprêtait à faire d’elle son prochain repas. Heureusement un jeune homme en charge de surveiller les vampires, Anzai, intervient in extremis pour neutraliser son camarade… en réalité un tueur en série qui se défoulait sur autrui pour pouvoir se contenir face à Tsukasa.

Devils-Line-sang

Le soucis est que Anzai, lui aussi, n’est pas vraiment un adulte ordinaire : mi-humain, mi-vampire, il fait partie d’une unité spéciale de la police, l’unité 5, chargée de veiller sur les vampires et leurs… « débordements ». Ces créatures ont beau s’être intégrées dans notre société, allant jusqu’à épouser des humains, elles restent malheureusement incapables de se contenir à la vue de la moindre goutte de sang : leurs yeux changent alors de couleur et elles dévorent tout ce qui bouge. Seul l’injection d’un tranquillisant semble capable de les refréner pendant un petit moment. Et Anzai a beau être semi-humain, la blessure de Tsukasa à la commissure des lèvres lui fait perdre à lui aussi la raison, un court instant : le temps d’embrasser passionnément la jeune fille… puis de la quitter précipitamment, totalement embarrassé.

Mais Tsukasa ne semble pas le moins du monde embêtée par l’animal qu’elle a entraperçu et elle est davantage touchée et préoccupée par la solitude d’Anzai que par les risques qu’elle prend en fréquentant ce semi-vampire. Leur histoire compliquée semble donc sur le point de commencer, mais les vampires, tout comme l’unité spéciale, vont avoir d’autres chats à fouetter. Une organisation secrète, au courant pour les vampires et pleine de haine à leur égard, prépare depuis longtemps un coup d’éclat… qui pourrait bien tout changer.

Love at first bite…

devils-line-2-kanaTout commence donc avec une romance, jeune femme d’un coté, homme vampire ou presque de l’autre. Je vous avais prévenu, sur le papier rien ne semble bien nouveau ni forcément attractif. Heureusement l’approche seinen sauve rapidement le tout, même la love story. Comme je l’évoquais en intro, l’ambiance est davantage sombre que glamour, donc pas de beau vampire semi-nu et aguicheur qui se joue de l’innocence d’une jeune lycéenne « en quête d’un amour extraordinaire et de nouvelles sensations – oh mais non, il ne faut pas, voyons ! – dans son corps qui change« . On prend un postulat fantastico-romantique assez différent ici. Les vampires sont des gens assez lambda, tant qu’on ne discute pas hémoglobine comparée bien sûr, et leur allure est assez commune. Ils ont même une durée de vie plutôt courte, aux alentours de 39 ans, et sont voués à des histoires d’amour qui se finissent mal, revenant à eux après avoir vidé leur bien-aimé(e) de leur sang. Pas vraiment de super-pouvoirs – ils plus costauds et agiles que la moyenne mais c’est tout – donc pas de fantasme twilightien : la vie de vampire tient vraiment plus du cauchemar.

Seinen toujours, la folie sanguine a tendance à éveiller la libido en même temps que la soif, donc dans Devils Line le sexe est très rapidement mis sur le tapis (sans regorger de scènes X pour autant). Même si ce n’est qu’en rêve pour le moment, Tsukasa et Anzai ont bien envie de s’adonner à la passion des corps, comme dans toutes relations adultes normales vous me direz. Pas besoin de 10 tomes avant de se rouler une pelle, problème réglé dès le premier chapitre, et on peut penser que le reste suivra. La relation entre nos deux personnages principaux est intense dès le départ, grâce à une certaine honnêteté dans les sentiments, loin de la dramaturgie collégienne du « je-t’aime-moi-non-plus » ou des quiproquos improbables. Si tout ça avance donc à une vitesse des plus sympathique c’est aussi parce que le récit a d’autres choses sur le feu, et la romance peut aisément passer au second plan.

Who’s bad ?

devils-line-3-kanaC’est sur ces premières rencontres qu’arrive le second volume. Le premier tome s’achève en plein combat entre une tueuse de vampire et Anzai, mal en point, qui est sauvé in extremis par un dénommé Hans Ri (qui fait la couverture du tome 3, ci-contre). Aussi désinvolte que puissant et très bien informé sur la condition vampire ce dernier est, comme Anzai, un autre hybride humain-vampire. Le combat avec la tueuse de vampire dégénère et Tsukasa passe à un cheveu de se faire découper par un Anzai possédé et fou, mais le fameux Hans Ri parvient à calmer le jeu. Néanmoins la relation entre nos deux amoureux est clairement mise sur pause car Anzai refuse de mettre son étudiante bien aimée en péril une fois de plus. Une occasion en or pour découvrir le fameux Hans Ri puis de savoir ce qui se trame derrière l’humaine qui a voulu les tuer tous les deux. Car elle n’est qu’un pion au service de gens bien plus dangereux.

On apprend d’abord pas mal de choses sur la morphologie des vampires et leur lien si particulier avec le sang humain, puis sur les protagonistes de la section 5 que nous avions découvert en surface dans le premier volume. D’une redoutable intelligence qui va de pair avec une moralité pragmatique, Hans Ri nous explique tout ceci – à Tsukasa en réalité, mais à nous aussi, donc – tout en s’amusant et en nous amusant de la relation amoureuse entre elle et notre gardien de la paix vampirique. Pendant ce temps ce dernier est mis de côté, en congé en quelque sorte. On passe, en fait, d’un protagoniste à l’autre dans ces deux premiers volumes, en changeant régulièrement de point de vue et d’ambiance : la romance, les enquêtes autour des meurtres, les affrontements entre les vampires ou avec leurs ennemis humains… Une histoire riche mais qui s’équilibre à merveille et garde très bien sa cohérence.

Après cette pause qui étoffe donc l’univers de Devils Line, la phase suivante est encore plus passionnante car elle dévoile les vrais salauds de l’histoire, du côté des humains, ainsi que leur plan fort bien ficelé pour partir en guerre contre les buveurs de sang. Ils font preuve d’une cruauté digne des plus beaux psychopathes et mettent en exergue la problématique posée par Hans Ri au début du tome 2 : qu’est-ce qui nous dit que quelqu’un est un monstre à cause de sa condition de vampire… il y a des malades partout donc pourquoi cette nature en serait de facto la cause ?

Devils-Line-boire-555x899   Devils Line 5

Entre des vampires qui tentent de vivre avec leur instinct et de se surveiller les uns les autres et des humains qui veulent les éradiquer quelques soient les moyens employés, qui est vraiment le démon au final ?

Voilà donc comment se pose l’intrigue assez riche de The Devils Line, qui pose pas mal de bonnes choses dans ses deux premiers volumes. L’écueil, car il y en a bien un, reste le graphisme : du chara-design balbutiant aux décors presque absents, on sent que Ryo HANADA débute, clairement, et c’est une des raisons qui m’avait fait faire la moue sur le premier chapitre : « c’est pas très original ni très joli dis donc !« 

Heureusement, l’auteur y travaille et progresse – les doubles pages du tome 2 sont assez chouettes d’ailleurs – et il montre quelques aptitudes intéressantes dans toutes les phases d’actions : bonne chorégraphie, ampleurs et puissance des mouvements ou des impacts sont bien suggérés. Les regards et les expressions passent également bien les messages et les émotions, quitte à forcer le trait parfois mais on s’y habitue, et les moments complices et humoristiques sont très bien rendus avec quelques bonnes bouilles et des têtes en SD qui font sourire.

Devils Line 3  Devils Line 1

C’est donc loin d’être parfait, mais on a l’impression de voir un jeune mangaka éclore grâce à une chouette histoire, riche et bien narrée. On a finalement envie de le suivre, de voir où il nous emmène. Un coup de cœur en somme !

Devils line tome 1Fiche descriptive

Titre : Devils Line
Auteur : Ryo HANADA
Date de parution du dernier tome : 16 octobre 2015
Éditeurs fr/jp : Kana / Kodansha
Nombre de pages : 224 n&b
Prix de vente : 7.45 €
Nombre de volumes : 2/5 (en cours)

Visuels : DEVILSLINE © Ryo Hanada / Kodansha Ltd.

Pour en savoir plus vous pouvez suivre l’auteur sur son compte Twitter ou vous rendre sur son site internet ou vous trouverez notamment un diagramme des relations entre personnage, qui montre bien la toile complexe que HANADA est en train de tisser :

Relations Devils Line

Ventes de manga au Japon 2015 : vers la stabilisation ?

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Ventes Manga Oricon 2015

Comme chaque année depuis 2011, je vous propose les chiffres de ventes de manga au Japon issus de l’Oricon et surtout leur analyse dans le détail. Grâce à des chiffres collectés du 17 novembre 2014 au 22 novembre 2015, l’institut de sondage nippon a établi ses classements de ventes par série et celui de ventes par tome, et nos confrères d’Animeland ont eu la bonne idée de les étoffer pour nous délivrer le top 30 par série et le top 100 par tome.

Cela fait maintenant 4 ans que le top 10 se renouvelle, depuis l’ascension de Kuroko no Basket devant Naruto en 2012. La fin de ce shônen sportif va de paire avec une année de pause dans tout ce remue-ménage. C’est l’occasion de faire le point : où en est le phénomène One Piece ? Son règne peut-il être remis en question et par qui ? Qui s’est installé de manière durable dans le top 10 et quels sont les challengers qui attendent en embuscade ? Qui a bénéficié de son adaptation en anime ou en film et qui, sans cette cartouche, s’enfonce dans les classements ?

Comme chaque année les questions sont nombreuses alors, hop, en voiture m’ssieurs dames : passons à ce bilan nippon 2015 !

Who rule the world ?

Pirates, chevaliers, titans, assassins, goules,  volleyeurs… Une multitude de créatures, de personnages et d’univers différents occupent cette année le classement des ventes par série. Pour comprendre qui danse avec qui dans cette valse, commençons par jeter un œil aux résultats 2015 compilés par série :

Ventes manga au Japon : Top par séries 2015

Ventes manga au Japon : Top par série 2015

Et donc, même question comme chaque année : One Piece est-il toujours numéro un des ventes ? Oui, pour la septième année consécutive avec 14.1 millions de mangas vendus. Pourtant l’abordage a été évité de peu l’an dernier, à 1% près, face à L’attaque des titans. Cette année les ventes progressent de quasiment 20% mais il faut ajouter un tome de plus au compteur par rapport à 2014. Comme expliqué l’an dernier, One Piece a fini son cycle de recrutement et ses ventes sont désormais stables entre 10 et 15 millions d’exemplaires vendus chaque année, après avoir explosé tous les records depuis 2010 :

Graphique One Piece copie

Ce graphique montre bien l’ampleur des différents phénomènes mangas de ces dernières années : One Piece devance L’attaque des Titans qui domine Haikyu et Tokyo Ghoul.

one-piece-jp-79Néanmoins, quelque soit l’ampleur des courbes, elles ont toutes la même allure, un pic est atteint suite à une adaptation animée en série ou en film puis le tout s’érode doucement mais surement avant de trouver un rythme plus ou moins stable, selon la qualité de la série, la présence de seconde saison ou de film, etc. Là où le phénomène One Piece est unique est qu’il parvient à tenir la dragée haute aux titres en pleine explosion alors que son propre boom est derrière lui. En effet sur les 14.1 millions d’exemplaires vendus, Luffy et ses compagnons vendent surtout leurs nouveaux tomes… et ils se vendent bien : environ 12 millions; soit 85%, sont dus aux sorties des nouveaux opus 76 à 79 et les 2 millions restants sont partagés sur les 75 tomes précédents. One Piece a donc su engranger un nombre colossal de lecteurs et tant que le nombre de nouveaux tomes reste stable, ce shônen ne sera inquiété que temporairement si une autre sortie connait un essor record grâce à un anime.

La preuve avec  Seven Deadly Sins qui tente de défier le leader du marché cette année : même en vendant 10.3 millions d’exemplaires, il échoue. Ce n’est pas tellement l’écart qui compte, même si 3.8 millions les séparent, mais surtout l’évolution des ventes du manga de Nakaba Suzuki sur l’année : cette préquelle arthurienne était passée devant One Piece au premier semestre d’un minuscule cheveu, mais c’est uniquement par le recrutement de nouveaux lecteurs et la vente de tous ses anciens tomes. L’effet s’estompant, notre cher Meliodas n’a vendu « que » 3 millions d’exemplaires au second semestre là où le manga de Eiichiro Oda doublait le nombre de livres écoulés, de 7 à 14 millions. Cette année Seven Deadly Sins a vendu environ autant de nouveaux tomes que d’ancien, et le premier tome se paie même le luxe d’être dans le top 100 des ventes par tome avec environ 450 000 exemplaires écoulés.

Pour vraiment saisir la différence et les possibilités des challengers, il faut donc dépasser ce classement par série et regarder les ventes par tome. Voici les 100 mangas les plus vendus de l’année au Japon selon l’Oricon :

Top 100 tomes 2015 copie

Comme vous le voyez le classement n’est plus du tout le même : 3 millions d’exemplaires vendus pour chaque One Piece contre 900 000 pour Seven Deadly Sins. Avec 3.2 millions d’exemplaires le tome 76 fait même 5% de mieux que le tome 73 en 2014 et se rapproche de son niveau record de 2012 à 3.3 millions. Tout ça pour dire que la série réussit à se maintenir sur la vente des nouveautés même si le recrutement de nouveaux lecteurs diminuent. En même temps après avoir lu plus de 70 tomes on n’a pas envie de s’arrêter en si bon chemin, donc la lassitude n’est pas encore un problème pour One Piece cette année.

Au classement par série la médaille de bronze 2015 est pour L’attaque des Titans, avec 8.8 millions d’exemplaires vendus. Le recrutement du à la saison 1 de l’anime est fini même si Shingeki No Kyojin a grappillé encore quelques nouveaux lecteurs et dépasse le cap des 2 millions d’exemplaires avec le tome 15. Les 3 films (un live en 2 parties et un d’animation) n’ont finalement eu que de faibles retombées sur le manga et c’est sur une seconde saison animée qu’il faudra compter en 2016 pour voir si un rebond est possible.

Autant il est probable que Seven Deadly Sins perde quelques places pour arriver autour de la 5e place ou pire, autant L’attaque des Titans semble bien vissé sur le podium. A moins que la seconde saison soit un raté mais on voit mal comment la Kodansha pourrait ne pas mettre les moyens pour en faire une réussite.

 seven-deadly-sins,-tome-15   L'attaque des Titans 17

Toujours est-il qu’il existe bien deux gaps énormes dans le nombre de lecteurs en haut des classements :  3 millions pour One Piece, 2 millions pour L’attaque des Titans et avec la fin de Naruto on descend maintenant à 1 million d’exemplaires pour Tokyo Ghoul et Assassination Clasroom. Les deux séries sont au coude à coude au nombre de lecteurs mais l’adaptation animée du second lui permet de dépasser plus nettement le premier au classement général : 8.6 millions pour AC et 7.3 millions pour TG.

Précision technique : j’ai cumulé les ventes de TG et TG : re alors que l’Oricon les compte séparément, ce qui n’a pas vraiment de sens… La même « erreur » est faite dans le compte des ventes des éditions normales et des éditions limitées d’un même tome mais nous n’avons pas là les chiffres pour corriger ça, donc gardez en tête qu’à 50 – 100 000 exemplaires près, ce n’est pas un compte rigoureusement exact, c’est plus une tendance. Fin de l’aparté.

Assassination Clasroom a quasiment doublé son nombre d’exemplaires écoulés de 2014 à 2015 et ses 5 tomes sortis dans l’année représentent près de 5 millions d’exemplaires sur les 8.6 : une majorité des ventes s’est donc fait à la nouveauté et l’effet de l’adaptation animée est donc en train de s’essouffler. Cependant AC et Seven Deadly Sins auront le droit à des nouvelles saisons en 2016 donc la  bataille pour la 3e place s’annonce acharnée, surtout si de nouveaux challengers actuellement planqués hors du top 10 font leur sortie du bois !

assassination-classroom-manga-volume-16  Tokyo Ghoul re 4

Au sein de cette bataille on notera Kingdom, qui se fait remarquer pour plusieurs raisons. Il se positionne en 5e place dans le top par série avec 8.57 millions d’exemplaires vendus juste derrière AC, soit 4 fois plus que l’an dernier et sans adaptation anime. Comment alors ? Grâce à sa mise en avant dans une émission télé très suivie (selon un rédacteur d’Animeland dans les commentaires de cet article). Pour autant les nouveaux tomes se vendent à un peu plus de 600 000 exemplaires cette année et c’est surtout un recrutement sur 40 tomes qui lui a permis de se hisser si haut dans le classement (40 tomes à chaque nouveau lecteur, forcément, ça aide). Enfin on remarque son absence des catalogues français mais une histoire de la Chine et de ses guerres Moyen Âgeuses en 40 tomes refroidit plus d’un éditeur français, évidemment.

La dernière série au-dessus des 5 millions est Haikyuu !! dont la saison 2 a débuté en octobre dernier, mais c’est pour le moment insuffisant pour la maintenir à flot : la série recule de 8.3 à 6.5 millions d’exemplaires vendus. On compte presque autant de mangas vendus sur les 2 semestres 2015, donc le recrutement sur la saison 2 n’est pas encore flagrant, mais les ventes au tome sont quand même en hausse : avec  991 094 exemplaires écoulés du tome 14 la série fait un joli +19% par rapport au tome 10 en 2014, et nos volleyeurs devraient rentrer dans le club fermé des millionnaires en 2016. Enfin, petit clin d’œil à Silver Spoon qui a ralenti la cadence, mais le seul tome paru cette année montre que la série se porte bien quand même : 952 338 exemplaires écoulés pour le volume 13.

 Haikyu 18  Kingdom 40

Si on conclut sur ces duels au sommet… Face à One Piece, les scores des challengers comme L’attaque des titans, Seven Deadly Sins, Assassination Classroom, Tokyo Ghoul, Haikyuu !! posent une question de taille : dureront-ils assez longtemps pour arriver premier et marquer l’histoire du classement Oricon ? Kuroko no Basket a été la première série à emprunter le chemin du renouveau en dépassant les 8 millions d’exemplaires écoulés deux années de suite et en poussant Naruto à la 3e place, mais le 30e volume de la série a marqué sa conclusion en décembre dernier.

Afin de confirmer ce renouveau des ventes, est-ce que ces nouveaux blockbusters reprendront le modèle de leurs prédécesseurs comme Naruto, Bleach ou même Fairy Tail qui ont dépassé les 50 tomes ? One Piece semble bien parti pour avoisiner les 100 volumes et fait office d’exception comme Ippo, Jojo et quelques rares autres mais est-ce qu’auteurs et éditeurs ont l’intention de nous refaire de séries à plus de 50 tomes avec cette nouvelle génération aussi ? L’attaque des titans fera office de test en la matière puisque Hajime Isayama avait initialement envisagé une série en 25 tomes avant de changer d’avis face au succès, mais sans préciser jusqu’où il irait. Autant pousser jusqu’à la trentaine d’itérations ne ferait pas crier à l’hérésie, autant dépasser les 40 pousserait au moins à la réflexion…

En attendant, il n’est pas dit que de nouveaux venus ne viennent sur les hauteurs du classement pour les chasser du top 10… Enfin ça c’est s’il reste encore des nouveaux d’envergure, et c’est toute la question… En route pour la seconde partie !

Des discrets, des fatigués… et quelques ambitieux !

Sous la barre des 5 millions d’exemplaires on retrouve plus que jamais des amateurs de yo-yo dans le classement. Parmi ces éphémères il y a Food Wars et Prison School en 8e et 10 position. Le premier ne figurait même pas au top 10 du premier semestre mais après une adaptation animée d’avril à septembre, le voilà qui gagne 11 place au classement et augmente ses ventes de 63% par rapport à 2014. Néanmoins il reste hors du top 50 des ventes par tome et atterrit en 64e position avec son volume 13, le mieux placé, à 575 877 exemplaires vendus. Une adaptation animée permettant souvent de multiplier les ventes par 2 ou 3, il faut croire que celle-ci n’a pas fait de miracles. Pour Prison School l’anime lui a permis de faire un bond nettement plus conséquent puisque la série passe directement de « hors des radars » à cette 10e position avec 4.06 millions d’exemplaires vendus mais aucun des 18 tomes sortis ne se hisse dans le top 100. Rechute en perspective pour 2016, donc.

 Food Wars 15  Prison School 18

A l’inverse on retrouve d’autres séries qui tiennent bien la barre et conservent leur nombre de lecteurs sans support marketing notable, comme Terra Formars et Blue Spring Ride. Le premier, ce seinen de SF que l’on connait bien, gravite autour de la 10e position du classement par série depuis 3 ans et a réussi à maintenir ses 4.2 millions d’exemplaires vendus en 2015 sans adaptation animée. Or l’an prochain c’est une nouvelle adaptation en anime et un film de Takashi Miike qui sont attendus, donc il y a de bonnes raisons pour que la série soit toujours dans les 10 premiers du classement… Peut-être plus, qui sait ? Quand à Blue Spring Ride il s’est achevé cette année au bout de 13 tomes et le dernier a frôlé le million d’exemplaire vendu, ce qui est rarissime pour un shôjo : il n’y avait que Sawako qui avait réussi à le faire depuis que je compile ces chiffres, en 2011. L’occasion de noter que Sawako a perdu un peu de terrain, se classant entre la 30e et la 40e place du top par séries et se vend désormais à 850 000 exemplaires environ pour chaque nouveau tome.

 blue-spring-ride,-tome-13  Terra-Formars-15

Contrairement aux années précédentes, la suite du classement ne réserve que très peu de surprises car nombre de séries aspirant aux premières places y sont désormais, et on retrouve plutôt des anciens leaders. Premier exemple : Naruto quitte ce classement Oricon 13e après l’avoir mené pendant plusieurs années au début des années 2 000 puis avoir cédé sa place à One Piece. Plus de 10 ans dans le top ten reste un exploit que très peu ont déjà réussi. Pour faire aussi bien L’attaque des Titans doit tenir jusqu’en 2023 par exemple… Oui, quand même !

D’autres anciennes têtes de listes suivent : Fairy Tail est 14e avec 3.47 millions d’exemplaires vendus (+6 %) et 500 000 lecteurs sur les nouveaux tomes comme l’année dernière. Yowamushi Pedal, le seul titre de l’éditeur Akita Shoten dans le top 30 par série, n’arrive pas à confirmer sa bonne performance de 2014 : il passe de 4.1 à 3.4 millions d’exemplaires vendus, se classe 15e, et aucun volume ne se glisse dans le top 100 par tome. Puisqu’on parle de vélo : coté shônen sportif, en plus de la fin de Kuroko no Basket, c’est aussi celle de Ace of Diamond / Daiya no Ace qui s’achève avec son 47e tome.

 Fairy Tail 51  Naruto 72

Pour finir sur les titres qui ont leur gloire à priori derrière eux… Nisekoi conserve sa 16e place grâce à une seconde saison animée mais ses ventes globales reculent de 16% à 3.2 millions d’exemplaires et 450 000 exemplaires vendus sur le tome 13. Chute nettement plus sévère pour Magi, qui passe de la 8e à la 19e place au classement général, avec 2.8 millions d’exemplaires vendus soit une baisse de 39% ! Sans saison 3 cette année la série perd environ 100 000 lecteurs et le tome 25 se place 55e du top 100 (601 190 ex. vendus).

C’est à la 20e place que l’on croise ce bon vieux Bleach, qui s’accroche avec 2.8 millions d’exemplaires vendus contre 3 l’an passé, mais la série continue de perdre des lecteurs : 624 403 pour le tome 61 en 2014, 565 451 pour le 66 en 2015. En parlant de série qui s’accroche : Gintama gagne 10 % en ventes globales cette année et se retrouve 22e avec 2.64 millions d’exemplaires écoulés, mais toujours pas de tome dans le top 100. Detective Conan aussi continue d’avoir ses 2.3 millions de lecteurs et de se balader dans ce top depuis de nombreuses années. C’est même la série la plus vieille du top 30 vu qu’elle date de 1994 et qu’elle compte désormais 87 tomes et pas loin de 600 000 lecteurs réguliers cette année.

 Detective conan Volume_87  Magi 27

Bon c’est bien beau tout ça mais les nouveaux challengers, ils sont où ? 

One Punch Man 9 JpJe les gardais de côté pour la fin de cet article, justement. Le challenger tant attendu c’est évidemment One-Punch Man publié en janvier chez Kurokawa. La série passe de 2 tomes en 2014 à 3 cette année et l’anime a débuté en octobre donc le résultat est encore léger mais il déjà là : la série de ONE et Yusuke MURATA se classe 11e et s’écoule à 3.7 millions d’exemplaires soit 70% de plus que l’an dernier. Les ventes au volume ont montré un accroissement du nombre de lecteurs à 771 009 acheteurs du tome 7, ce qui le place 36e du Top par tome alors qu’aucun volume n’avait réussi à atteindre au moins la 50e place ou à dépasser les 600 000 exemplaires l’an dernier. Néanmoins il n’y a pas encore de tome 1 de la série dans le top 100, ce qui indique que le recrutement de masse n’a pas encore commencé. On en saura plus à la fin du premier semestre 2016 : habituellement il s’écoule 500 000 exemplaires du tome sorti au mois de décembre précédent, il suffira de comparer.

C’est plus difficile en revanche pour Seraph of the End et World Trigger. Le premier n’a pas connu une mais deux saisons anime cette année, la seconde ayant commencé en octobre. Mais l’effet reste faible : 2.85 millions d’exemplaires vendus globalement et le tome 8 finit 91e du top 100 (460 659 ex.). Pour le second il s’en est écoulé 2.73 millions d’exemplaires et l’anime a duré d’octobre 2014 à septembre 2015 et aucun tome n’est dans le tome 100, donc cela tout aussi problématique.

Du côté des romances Mon Histoire et Orange se distinguent en troisième partie de tableau avec 2.3 millions d’exemplaires écoulés chacun mais Orange vient de s’achever et Mon Histoire n’a que peu profité de son adaptation anime et en se classant 90e en vente au tome (465 897 ex.) donc ils vont probablement disparaître des classements l’an prochain. La relève se fait attendre mais une auteure de shôjos pourrait bien tirer son épingle du jeu… Avec un seinen qui date de 2007. C’est en effet Sangatsu no Lion, par l’auteure de Honey and Clover, qui creuse son chemin et qui se hisse maintenant dans les tops : 51e avec son tome 11 (618 350 ex.) et la 28e place au classement par série avec 2 millions d’exemplaires vendus. Un anime et un film live ont été annoncés même si la date reste inconnue : sans doute en reparlera-t-on au second semestre l’an prochain… Avec une sortie française aussi, ce serait logique.

On finit avec un autre challenger des plus sérieux : My Hero Academia. A prendre au sérieux parce qu’il est annoncé comme le remplaçant de Naruto, parce qu’il est situé 26e du classement par série avec 2.2 millions d’exemplaires vendus, et parce qu’une adaptation animée par le studio Bones est actuellement en production. Il y a donc de bonnes chances que ça envoie du pâté en 2016 et un petit *2 ou *3 suffirait pour propulser la série dans le top 10 voir dans le top 5 de 2016. A surveiller de très près, donc !

 My Hero Academia  san-gatsu-no-lion-11-hakusensha

Voilà qui clôt donc cette partie challenger et cet article, pour des classements relativement calme si on les compare aux années précédentes. One Piece semble indéboulonnable pour encore quelques temps mais en dehors de ce phénomène le renouveau a bien eu lieu. Beaucoup d’anciennes stars squattent désormais la seconde moitié de tableau et ne sont pas encore prête à tirer pour de bond leur révérence…

Y a-t-il pour le moment de nouvelles séries inconnues pour les pousser définitivement à la retraite ? Certes je n’ai pas cité Arslan dont le tome 3 fait un bon score (675 838 ex.) ou encore de l’intriguant Dungeon Meshi du magazine Harta chez Enterbrain, dont le tome 1 se vend plus de 400 000 exemplaires… Mais il semble que l’heure est pour l’instant à l’installation des nouveaux blockbusters et la longévité de leur prédécesseurs fait qu’une seconde lame de fond ne semble pas encore à l’ordre du jour.

Encore quelques adaptations animés en 2016 et le premier turn over de ces séries des années 2010 touchera donc à sa fin, avec une grosse dizaine de prétendant pour la saint graal, et évidemment quelques pépites inattendues qui trouveront toujours le moyen de venir jouer les troubles-fêtes.

La grande différence avec la génération précédente est que, finalement on pourra suivre ces duels en quasi-instantané en France vu que 80 % de ces séries sont où vont être publiées chez nous dans les mois à venir. De quoi avoir des débats encore plus enflammés dans les années qui suivent… Chouette !

Retrouvez les autres bilans des ventes de manga au Japon :

2015 : vers la stabilisation ?

2015 (1er semestre) : le turn over continue ?

2014 : il va y avoir du sport !

2014 (1er semestre) : Le pirate et le ninja sont-ils morts ?

2013 : confirmation du renouveau ?

2013 (premier semestre) : une nouvelle génération en marche ?

2012 : Il y a One Piece… Et les autres ?

2011 : Shueishaaaa, ton univers impitoyaaableu !

Sources : Oricon, Animeland, Wikipedia et Manga-news

Edit, le 8/12 : erreurs corrigées concernant les animes présent ou à venir de TG et World Trigger.

Paoru.fr, la 600e : Chronique de manga, mon amour !!!

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Pour cette nouvelle centaine je suis revenu à cet exercice qui m’éclate toujours autant : faire parler les autres ! Depuis la 500e du blog il y a 2 ans, j’ai pu croiser pas mal de nouvelles têtes sur Twitter qui appartiennent au monde du manga : je les ai donc invitées, eux et des plus anciennes connaissances, pour un échange sur un sujet universel… la chronique de manga !

Comment chroniquer, quoi chroniquer, à quel rythme chroniquer, que mettre ou ne pas mettre dans une chronique (that is the question), chroniquer d’amour et d’eau fraîche ou de rage et de désespoir mais aussi observer, décortiquer, goûter, savourer ou vomir avec les cinq sens du lecteur, de l’éditeur, du traducteur ou de l’attaché de presse en mi majeur !

J’ai donc frappé à de multiples portes et ils ont tous ou presque répondus présents et je les en remer … Ah NON les gars on avait dit pas de tomates pourries sur Rémi, il a dit qu’il avait piscine, faut le comprendre ! Et en plus vous allez me saloper le parkweeeeeeh !

Je disais quoi moi… Je ne sais plus là… Bon on s’en moque finalement : allez hop en route pour cette 600e !

Préambule : qui est-ce qui vient dîner ce soir chéri ?

Et oui, les présentations s’imposent. Je vous livre donc les invités de cette aventure, par ordre d’apparition à l’écran :

600e Paoru Guest list

Gérome aka l’Otaku Poitevin : J’ouvre le bal ! : Salut, moi c’est Gérome (L’Otaku Poitevin) 35 ans, je vis en couple avec deux enfants au foyer (ma belle-fille 16 ans et demi et Charlie 5 ans). De retour aux études pour devenir infirmier je me remets la tête dans les bouquins, j’ai donc un peu moins de temps en ce moment pour les animes du coup je me concentre plus sur le format papier. Mon lien avec le manga est simple, je suis un consommateur infecté par une collectionnite aiguë. Je ne suis pas un gros lecteur de chronique, j’en lis peut être 3 ou 4 par semaine et encore ça m’arrive de ne pas en lire pendant plusieurs semaines. Est-ce utile de préciser que je suis un passionné de l’univers manga depuis les années 90 ?


Fabien :
Je m’appelle Fabien Vautrin, je travaille pour les éditions Kurokawa depuis bientôt onze ans. J’y porte la double casquette de directeur artistique et conseil en stratégie, j’ai aussi la chance de m’occuper avec ma femme de l’adaptation française de certains titres (actuellement les œuvres de Hiromu Arakawa, Ultraman et Pokémon). Avant de bosser pour Kurokawa, j’ai tenu pendant quelques années un site nommé Sugoi! consacré aux jeux vidéo japonais et j’ai collaboré au magazine GameFan.


Meloku
: Joan (alias Meloku), 24 ans. Mon lien avec le manga a débuté très tôt, vers 5-6 ans, avec l’inévitable Dragon Ball. J’ai quasiment appris à lire avec, du coup je suis naturellement resté attaché au média. Aujourd’hui je lis une dizaine (voire une quinzaine) (bon ok, souvent beaucoup plus) de mangas par semaine. J’ai la chance d’à peu près comprendre plusieurs langues, ainsi je ne me contente pas que du marché français. Je donne mon avis sur Nostroblog (que j’ai créé avec des copains) et dans Animeland (que je n’ai pas eu la chance de fonder mais qui a débuté quelques mois après ma naissance. Coïncidence ?).


Guillaume :
Je m’appelle Guillaume Kapp, je travaille pour les éditions Ototo / Taifu Comics et Ofelbe depuis un peu plus de 3 ans maintenant. Je m’occupe de toute la partie communication et relations presse pour ces éditeurs. Il s’agit de mon premier poste dans le secteur de l’édition. Avant ça, j’étais étudiant et je travaillais parfois pour la librairie Manga Café à Paris. Outre les mangas et séries animées, je suis également passionné par la musique japonaise, notamment le JRock.


Ours256 :
Yo. Je m’appelle Salomon IFRAH. Prof de français et d’espagnol le jour, chroniqueur la nuit, j’ai fait mes armes il y a plus de 4 ans sur Krinein (j’ai commencé en tant que rédacteur avant de devenir Rédacteur en Chef). J’écris depuis quelques années pour Nostroblog et depuis septembre, je travaille, avec Kubo (Mangacast) sur mon nouveau bébé qu’on a nommé Manga Mag. Je passe tellement de temps aux toilettes que forcément, j’ai le temps de lire pas mal de trucs. Depuis le début de l’année, je me suis auto-proclamé gourou de la Secte des Adorateurs de Masato Hisa.


Wladimir Labaere
: Moi, à la base, j’adore les dim-sum (les bouchées à la vapeur, quoi). Et longtemps, j’ai cru que les mangas, c’était chinois. Alors je peux dire que je suis venu aux mangas sur un malentendu géographico-culinaire.


Victoire
:
Moi j’aime beaucoup les Kinder ou encore la Marmite (et aujourd’hui c’est le jour du Panettone que j’aime très fort aussi) mais ça n’a rien à voir avec le manga. Sinon je suis tombée dedans à cause de mon mémoire de fin d’étude. Je trouvais que c’était une manière “intelligente” de rentrer dans cet univers que je zieutais depuis longtemps, tout en ayant peur de tomber dedans… Je ne voulais pas devenir une vieille nana coincée chez elle avec ses chats et ses mangas.

 

A ces joyeux drilles est venue s’ajouter une attachée de presse mystère qui a glissé quelques réponses directement par téléphone à l’oreille du chocobo. Sauras-tu retrouver de quelle maison d’édition elle s’occupe jeune lecteur ? Ludique et mystérieux ce papier, quelle chance pour toi petit scarabée !

Il était une fois… la première fois !

Et donc la question se pose : comment tout ça a commencé et quels souvenirs gardent-on de nos mains, autrefois fébriles et excitées, qui ont caressé les touches du clavier for the very first time, qui se sont laissées à l’extase de l’expression passionnée et des langues déliées ?

Pfiouuuu… Il fait chaud d’un coup, vous ne trouvez pas ?

Gérome/l’Otaku Poitevin : Je fais des chroniques manga depuis moins de deux ans, je suis donc un jeune chroniqueur comparé à certains. La chose qui m’a donné envie d’en faire c’était un concours sur Otaku Attitude, du coup je me suis pris au jeu et ai continué en faisant une page Facebook puis sur Mangalerie . J’aime bien donner mon avis c’est peut-être ça qui m’a aidé à commencer aussi. J’ai relu mes premières chroniques récemment, j’ai trouvé que mon écriture était bancale, tordue plutôt, elle l’est encore régulièrement, c’est que je dois l’être un peu aussi !

Mangalerie

Fabien : J’ai déménagé l’été dernier et je suis retombé sur de vieux magazines du début des années 2000 dans lesquels j’écrivais quelques pages (principalement des titres du groupe FJM sous la direction d’Iker Bilbao). C’est une expérience assez étrange de se relire 10-15 ans plus tard, le plus perturbant étant que je ne me souvenais absolument pas avoir écrit la plupart de ces articles. Il s’est passé tellement de choses depuis, aucun regret, il faut aller de l’avant.

SolaninMeloku : Je suis longtemps resté muet sur Internet, me contenant de lire les avis des autres (sur Mangaverse puis Manga-News principalement). Un jour, un manga m’a mis une claque monumentale, un peu comme s’il avait été écrit pour me parler. C’était Solanin d’Inio Asano. C’est ainsi que je me suis dit que s’il m’a touché à ce point, il a le potentiel de faire le même effet sur d’autres. Je suis donc devenu actif sur quelques forums de mangas. De fil en aiguille j’ai créé un premier blog, puis j’ai été recruté par Manga-News. Après quelques années sympas j’ai quitté le site pour parler plus librement de ce que j’aime, le tout entouré de copains du net qui partagent la même passion, mais pas forcément de la même manière.

A part ça oui, je relis parfois de vieilles chroniques. Et non seulement j’apprends des infos que j’avais zappé mais je suis également surpris par le vocabulaire que j’employais : j’écrivais bien mieux avant ! Du coup je ne sais pas ce qui me déprime le plus : être conscient que mon écriture se détériore ou réaliser que je perds la mémoire. Merci pour ta question Paoru, vraiment ! (note du chocobo : oh tu sais, moi, si je peux aider !)

Ours256 : Pour ma part, je suis l’exemple type du mec arrivé totalement totalement par hasard. Un jour, Plax (un ex-membre de Krinein qui a, depuis, fondé une chaîne appelée Memory Card) a débarqué sur Manga Sanctuary et mis une annonce de recrutement. J’étais étudiant à l’époque, ce qui me donnait pas mal de temps libre. J’ai tenté et j’ai été pris. Après tout, j’avais déjà lu pas mal de trucs et j’avais l’impression de savoir de quoi je parlais donc… Avec le temps, l’équipe s’est réduite et le responsable est parti. J’ai repris les rennes et il faut avouer que j’ai beaucoup fait évoluer la ligne éditoriale du site (je suis super indécis :D).

Lorsqu’on a décidé de lancer Manga Mag avec Kubo, il fallait du contenu de base. Je me suis donc dit qu’il ne serait pas une mauvaise idée de reprendre de vieilles chroniques. En me relisant, je me suis dit que c’était quand même pas top. Que ce soit au niveau de la structure de mes chroniques trop variable ou même du rythme, il y avait encore pas mal de boulot. Par contre, je n’irais pas jusqu’à dire que je ne les aime pas. J’ai pris un petit plaisir à les relire mais surtout à les éditer, à essayer de les moderniser, preuve que tout n’était pas à jeter.

Wladimir Labaere : Après des études, entre autres, de japonais (le malentendu cité plus haut était alors dissipé), et une année passée au Japon, j’ai décidé de travailler « dans le manga » (C’était quand même une passion depuis une vingtaine d’années !). J’ai tapé à pas mal de portes. On était en 2006, il était sans doute moins compliqué de trouver du boulot dans ce secteur à l’époque qu’aujourd’hui. J’ai alors mené une carrière très brève dans la presse manga. Animeland et dBD ont été les deux principaux magazines pour lesquels j’ai écrit pendant quelques mois. En parallèle de mes études de japonais aux Langues’O, j’avais suivi à l’Institut d’Études Politiques de Paris un cursus de sociologie politique appliquée à l’Asie. Mon mémoire de Master 2 portait sur les représentations de la fin du monde dans les mangas.

Les chroniques et articles de fond que j’ai rédigés ont ainsi été guidés, en plus d’une analyse littéraire, par la volonté de chercher ce que disaient les mangas et anime sur la société japonaise contemporaine. Très vite, j’ai commencé à traduire des mangas et anime, activité qui a rapidement pris le pas sur mes activités de chroniqueur. J’ai donc arrêté d’écrire au bout de quelques mois, faute de temps. (Pour l’anecdote, l’un de mes premiers boulots de traduction, je le dois à Animeland : je devais en être à mon troisième ou quatrième article, principalement pour la rubrique « transversale », quand la rédaction a reçu un coup de fil un peu paniqué de Kana Home Vidéo, qui s’était fait planter par un traducteur sur la série animée Sergent Keroro et cherchait donc quelqu’un pour reprendre la trad en toute urgence.) Aujourd’hui, mon rapport à la presse manga, papier et web, est celui d’un éditeur. J’aime beaucoup discuter avec les gens qui écrivent. Pour leur « vendre » mes mangas, bien sûr, en expliquant ce qui fait les qualités des titres, les raisons pour lesquelles je les publie, de quelle manière ils peuvent enrichir l’offre présente sur le marché francophone… Mais je prise tout autant ces échanges pour le regard différent qu’ils m’apportent sur mes titres.

3rue_mysteresJ’ai exhumé très récemment une chronique écrite en 2006, pour @ours256 qui a concocté un dossier hommage à Shigeru Mizuki pour @MangaMag. C’était une courte chronique sur 3, Rue des mystères. J’angoissais pas mal, et je m’étais promis d’enterrer ce texte si, presque dix ans après, je le trouvais honteux, mais à ma grande surprise, je ne l’ai pas trouvé si nul. J’ai également pu me rendre compte que je n’aurais pas du tout écrit ce texte de la même manière aujourd’hui. En troquant ma casquette de chroniqueur pour celle de traducteur et d’éditeur, j’ai vraiment adopté une autre manière d’appréhender et d’apprécier le manga.

Victoire : De mon côté, je ne chronique pas trop de mangas en fait… j’ai bien fait un ou deux articles (plus sur les anime que sur les mangas d’ailleurs) sur mon blog à l’époque mais sinon pas trop… Enfin si, je chronique MES mangas ! 😀

C’est tout un art de présenter ses mangas aux journalistes, pour sûr ! Et oui, j’ai relu mes chroniques, et je les trouve carrément top : elles sont écrites comme je parle, avec des citations des films Disney un peu partout, c’est un bonheur à lire… En tout cas pour moi, je m’y fais rire moi-même… ahahah !! Par contre, si on ne me connaît pas je pense qu’on doit me prendre pour une folle ! ( Note du chocobo : parce que lorsqu’on la connait c’est différent ? 😉 )

L’instant TOP CHEF : les ingrédients de la chronique !

Les personnages, le scénario, la narration, le graphisme ou le thème c’est comme le sucré, le salé, l’acide, l’amer et le mystérieux umami en cuisine : il y a une infinité de recettes possibles dans une chronique de manga. Même si l’on aime souvent aborder tous ces sujets, il y a toujours des saveurs qui sont plus appréciées par le palais et des aliments que l’on préfère cuisiner à d’autres. On a donc refilé des toques à nos invités et on a causé d’ingrédients et d’amour du bon pavé… Sans oublier d’évoquer des petites sauces plus spécifiques au format manga : la traduction et l’impression !

Noirs et mangaGérome/l’Otaku Poitevin : J’aime bien parler de l’impression générale que me laisse un manga, j’évoque ces notions de narration, des scénarios etc mais n’étant pas un spécialiste je ne m’attarde pas trop la dessus. Quand je lis des chroniques j’aime bien avoir une sensation de maîtrise de la part de l’auteur, que je n’ai pas l’impression qu’il dise des conneries quoi ! Quand je lis quelqu’un qui s’y connaît dans un domaine, on a des précisions qu’on n’a nulle part ailleurs. De même les chroniques pleines de références sont super intéressantes car derrière tu découvres plein de titres cools ! C’est là que Meloku est fort, en une page tu te trouves avec 4 nouveaux titres dans ta wichlist !

Pareil quand les thématiques abordées sont pertinentes et originales, j’ai en exemple cet article que je viens de lire sur la place des noirs dans les manga, c’est simple, l’auteur ne met pas les blacks en victime mais rationalise sur les stéréotypes fréquemment utilisés par les mangaka, bref je l’ai trouvé cool.

Meloku : Au départ j’aime bien analyser la structure narrative et la mise en scène graphique (mais moins le dessin, car je ne m’y connais pas suffisamment). Mais j’ai évolué. Aujourd’hui j’aime mettre en exergue l’impact social que peut avoir un manga, ce qu’il peut représenter pour celui qui le lit. Je me plais également à chercher ce qu’un auteur a voulu transmettre à travers son œuvre. Mais c’est dur et ça demande des efforts importants pour quelqu’un d’aussi peu futé que moi. Bon je vais essayer de pas trop me rabaisser quand même, mais je galère très souvent à écrire, alors quand je reçois les encouragements de quelqu’un comme Ours256, que j’ai des retours positifs sur un billet ou même que je reçois des prix, bah je suis soulagé, je me dis qu’en fin de compte je ne suis pas si nul que ça. C’était quoi la question déjà ?

Ours256 : Pour ma part, j’adore parler narration, encrage, imagerie. Mon amour pour la littérature est en cause pour le dernier bien évidemment et il y a de nombreux auteurs qui savent exprimer les émotions avec un talent certain. Pour utiliser un exemple récent, je vais prendre ARAI dans Les Misérables qui représente les états d’âme de Jean Valjean avec un lion d’une férocité folle. Pour l’encrage, impossible de ne pas citer FUJITA et Moonlight Act qui me donnent des frissons à chaque fois que j’en lis un tome. Le trait de cet auteur est tellement explosif qu’il ne peut laisser de marbre aucun lecteur. Qu’on aime ou qu’on aime pas, on aura un avis sur la chose. J’ai gardé le meilleur pour la fin mais niveau narration, c’est bien évidemment à Masato HISA que je tire mon chapeau. Il me fait rêver avec Area 51 mais aussi avec Jabberwocky. Avec lui, un seul mot d’ordre : le dynamisme. Si je commence à en parler, je vais plus m’arrêter donc je dirais juste qu’il fait partie de ceux qui parvient le mieux à allier le fond et la forme.

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Wladimir Labaere : Au risque de me répéter, j’aime qu’une chronique prenne un peu de hauteur et/ou des chemins de traverse. Je me rends compte que j’apprécie aussi de pouvoir trouver, à un moment ou un autre d’un papier, une contextualisation de l’œuvre chroniquée : qui est l’auteur, qu’a-t-il fait d’autre ou que fait-il d’autre que le manga en question, que ce soit en manga ou dans d’autres domaines. J’aime aussi lire en quoi, selon le chroniqueur, le titre en question s’inscrit dans son temps (fait-il écho à quelque chose de réel ?). J’apprécie aussi pas mal le jeu des références, c’est-à-dire quand le chroniqueur replace une œuvre dans une famille (fût-elle graphique, scénaristique ou thématique). Le mieux étant que le chroniqueur trouve des résonances avec des romans, des films, des tableaux, telle ou telle musique (et surtout, pas uniquement en provenance du Japon)…

En fait, je me fous pas mal qu’on me raconte l’histoire en plus de deux lignes. Ça me donne généralement l’impression de perdre mon temps. Ce que j’attends d’une chronique, c’est une vision construite, argumentée, et surtout personnelle, d’un titre. Tout ça pour dire que les titres Sakka, on l’aura compris, c’est du pain bénit pour les chroniqueurs qui veulent s’amuser.

Victoire : J’aime bien qu’une chronique se déroule sans accroc ! Sinon, j’aime bien qu’elle évoque un peu de tout ça, et comme dit Wladimir d’une très belle manière, qu’il y ait une certaine réflexion (perso forcement) sur l’histoire, l’auteur, le message de l’œuvre, etc.

Les vacances de Jésus & Bouddha 10Comme je le disais plus haut :  la traduction c’est très rare qu’on en parle dans les chroniques ou articles, excepté pour des débats sur les adaptations au contexte, comme l’humour dans Jésus et Bouddha par exemple qui est parfois écrit avec des références françaises… Donc si un chroniqueur non bilingue veut savoir s’il a un bon travail de traduction entre les mains pour l’évoquer dans sa chronique… il fait comment ? Réponses des concernés :

 

Fabien : Si la traduction n’est pas mentionnée, c’est qu’elle a rempli son rôle à la perfection. Le but ultime d’une traduction est d’être totalement transparente aux yeux du lecteur. Pour le sujet qui nous intéresse, elle doit aussi s’intégrer avec fluidité dans le découpage imaginé par l’auteur, retranscrire de manière cohérente les caractères des personnages ou même attraper le lecteur par la main dans les passages un peu compliqués afin qu’il puisse souffler et prendre du recul sur l’action. De mon point de vue, si tout ceci s’effectue sans même que le lecteur ne s’en rende compte, le pari est gagné.

Ours256 : Je ne suis pas éditeur mais je suis traducteur à mes heures perdues, d’anglais et d’espagnol soit, mais les problématiques sont les mêmes que pour le japonais. Ce que @Fab a dit est complètement vrai même si j’aimerais y ajouter une petite nuance. Une bonne traduction peut être considéré comme telle si le lecteur lambda ne se rend pas compte qu’il y a eu un petit remaniement (les structures des langues ne sont jamais les mêmes). Un lecteur spécialisé aura probablement déjà découvert sa série préférée dans une autre langue ou même dans la langue originale du titre. A partir du moment où il s’est fait sa propre idée, impossible (ou très difficile) de lui faire changer d’avis ou d’essayer de négocier sur un nom ou une transcription. Autre point : il faut que ça reste fluide et cohérent. Voir un jeune garçon parler comme un livre du XVIIe siècle ou des morceaux de phrases qui ne s’emboîtent pas vraiment… bof bof… Un dialogue reste un dialogue.

Wladimir Labaere : je suis très partagé sur la question du traitement de la traduction dans les critiques de manga. Je me dis que pour avoir la légitimité de parler de la traduction d’un titre qu’il chronique, un chroniqueur doit avoir lu le titre dans sa version originale. Il n’y a qu’ainsi qu’il pourra produire un discours pertinent sur ce point. Mais est-ce que ça intéresse les lecteurs ? Et est-ce que ça doit les intéresser ?

Je suis tout à fait d’accord avec Fabien sur la « transparence » d’une traduction. Si le lecteur ne se dit pas qu’il a affaire à une traduction, c’est souvent gage de qualité (sauf dans le cas où un traducteur réécrit talentueusement toute l’histoire, mais ça, j’ose espérer que ça n’existe pas). Mais une traduction ne doit pas être « neutre » pour autant. Par sa qualité, elle doit immerger le lecteur dans l’univers d’un auteur. Et je ne connais peu d’auteurs de manga qui se disent : « tiens, j’ai une idée : tous mes dialogues vont avoir un électro-encéphalogramme complètement plat. »

En tant que traducteur et éditeur, je sais qu’une mauvaise trad peut massacrer une œuvre, quand une bonne peut la sublimer (pour prendre les deux extrêmes du spectre des traductions). Et quand je dis « mauvaise trad », je ne parle pas uniquement du sens (là, c’est la responsabilité des éditeurs de trouver des traducteurs compétents), mais plutôt de l’adaptation. Je lis encore pas mal de mangas en français sans les avoir lus en japonais, et il m’arrive souvent de « voir » le texte japonais derrière le texte français. Je reconnais des structures grammaticales, des tournures calquées sur le japonais, ce qui est tout sauf naturel et me fait donc « sortir » de l’œuvre. Et pas seulement parce que je parle japonais, loin de là. C’est surtout que je considère la situation et que je me rends compte (à tort ou à raison), que là, en français, personne ne dirait ça comme ça. Le français et le japonais sont des langues d’une richesse immense, mais pas de la même manière.

Quand on considère que le manga, c’est avant tout des dialogues, il y a un « truc » très simple : je conseille fortement à tous les traducteurs auxquels je confie des titres de mettre leur travail à l’épreuve de l’oral. « Lis ta trad à voix haute, tu verras tout de suite si, en français, dans la vraie vie, dans cette situation donnée, on dit ça comme ça. » Il faut que ça coule ! Qu’on entende une musique ! (Je ne demande pas le gueuloir de Flaubert, mais presque.) Le tout en respectant l’alliance image/texte, le découpage des planches, la taille des bulles. C’est là que je me dis que parfois, une excellente maîtrise du français est sans doute plus importante qu’un niveau de brute en japonais. La pratique du sous-titrage de films ou d’anime oblige, du fait de la contrainte du nombre de signes, à une gymnastique intellectuelle permanente qui peut s’avérer très utile quand on traduit un manga. (Digression : désolé les fansubbbers qui balancent des sous-titres de 8 lignes et des « notes » sur l’écran, mais en sous-titrage, il y a des règles, la première étant qu’un sous-titre doit être lisible par l’œil humain dans le temps où il apparaît à l’écran, tout en laissant le possibilité de suivre l’action.)

Même question sur la fabrication : qu’est-ce qui nous dit que l’éditeur a mis les moyens sur la qualité de son bouquin ou au contraire qu’on a du caca d’éditeur entre les mains ?

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A cette question Gérome rajoute d’ailleurs la sienne : « Je me demandais si le “fabrication française” pouvait être un argument de vente, je parle du choix d’une imprimerie française ou italienne par exemple, vu que c’est un peu tendance en ce moment. Ou peut-être que la différence de prix/savoir faire est vraiment significative ? »

 

Fabien : Pour ce qui est de la qualité de fabrication du livre, il y a des critères objectifs et subjectifs. La souplesse et la blancheur du papier par exemple sont des éléments où chacun a sa préférence personnelle. Pour avoir eu des mangas venant de nombreux pays entre les mains, je peux affirmer sans trop de risque que le niveau moyen français est parmi les plus élevés et fait presque jeu égal avec le Japon. Il y a aussi l’aspect culturel qui entre en compte car en France, on aime les beaux livres. Les jaquettes, la création graphique, les pages couleur, les effets de couverture, toutes ces petites attentions qualitatives sont rares dans les autres pays. Je pense que les lecteurs de mangas en version française ne se rendent pas compte à quel point ils sont gâtés.

>> @ Gêrome : Ça tombe bien, en ce qui concerne Kurokawa, tous nos mangas sont imprimés dans la banlieue de Poitiers ! Je doute que l’argument « fabriqué en France » fasse autant d’effet sur les mangas que sur les produits frais mais il a le mérite d’exister. On parle des avantages financiers à délocaliser mais on oublie souvent les deux très gros avantages à imprimer en France : la confiance et les délais. La confiance car nous travaillons depuis des années avec le même imprimeur et il possède une expertise suffisamment grande pour nous alerter en cas de problème. Il est au moins aussi exigeant que nous car il a la fierté du travail bien fait. On peut même s’y rendre en cas de besoin, c’est à moins de deux heures en TGV. Les délais ensuite car imprimer à l’étranger rend dépendant de la logistique et des aléas des transports. Imprimer en France nous autorise aussi à être plus réactif et à peaufiner nos titres jusqu’au dernier moment.

Manga - Photo ©Paoru.frGuillaume : Je ne m’occupe pas vraiment de la partie Fabrication, mais j’ai la chance de pouvoir donner mon avis et je suis aussi consommateur !

Tout d’abord, pour le grand public, je ne pense pas (malheureusement) que l’argument “Fabrication Française” soit très important, mais pour nous, éditeurs, cela représente plusieurs avantages comme les délais, la flexibilité et la confiance. Ces critères sont très importants, car s’il y a un problème, c’est tout notre planning de publications qui peut être bouleversé. L’impact sur la partie communication est donc direct… et devoir décaler une campagne de communication prévue depuis longtemps est très compliqué…

Après, il y a des critères plus personnels comme la blancheur du papier, son épaisseur qui sont importants pour les lecteurs, car ils rendent leur lecture plus agréable.

Comme a pu le dire Victoire, le choix du papier également très important pour les éditeurs car il jouera sur la qualité d’impression. Le choix de l’imprimeur se fera donc également en fonction des différents papiers qu’il propose. Dans la partie Fabrication, il faut aussi parler de la partie création graphique avec les jaquettes, les couvertures, et la présence de pages couleur. Ces points sont très importants car ils participent à la mise en avant du livre. Comme dirait Fabien, il s’agit “d’attentions qualitatives” qui valorise le livre, l’édition.

Ours256 : Je rejoins Guillaume sur la partie fabrication. Je suis tout de suite plus attiré par un bel habillage graphique et par un vernis qui “en jette”. Les gros livres ne me font pas non plus trop envie, quand c’est trop lourd, ce n’est pas agréable. Je pense surtout aux intégrales de plus de 500 pages, c’est pas le top niveau plaisir de lecture.

Gérome/l’Otaku poitevin : >> @Ours256 les gros volumes ne me dérangent pas, au contraire même, j’aime bien le côté “bel objet” (quand l’édition fait bien son boulot). Mais j’admets que les belles couvertures sont un plus.

Wladimir Labaere : Du point de vue de l’éditeur, un « bon » imprimeur, c’est celui qui concrétise la volonté d’un éditeur pour ce qui concerne l’objet, volonté traduite par son service production en un cahier des charges. Peu importe la « nationalité » de l’imprimeur.

Cela dit, il est vrai qu’il y a des avantages pratiques (évoqués par Guillaume) à travailler avec un imprimeur français. Mais pour ma part, je pense d’abord à l’objet que les lecteurs prendront en main, à leur première impression, qui va conditionner leur expérience de lecture. De ce point de vue-là, ça ne me dérange absolument pas que, lorsque des lecteurs parlent d’Area 51, ils évoquent d’abord le « toucher » si particulier de la jaquette, ses couleurs ultra-pétantes… Parce que c’est complètement raccord avec l’intérieur, que ça forme un tout.

Victoire : Je rejoins Wladimir, un bon imprimeur va être celui qui suit l’idée de l’éditeur, l’écoute et travaille avec lui à la bonne réalisation d’un ouvrage, et ce, quelque soit sa “nationalité”. Pour être allée poser la question à notre chef de fabrication, elle dit qu’elle n’a pas forcement plus confiance en un imprimeur français qu’en un autre. Elle a, par exemple, une relation de confiance bien plus forte avec notre imprimeur italien… (NDLR : L.E.G.O., cf visuel ci-dessous). C’est une question humaine et pas forcement une question de “nationalité”. En ce qui concerne les questions de délais, effectivement elle a 3 jours de moins si elle prend un imprimeur français, ce n’est pas non plus énorme selon ses dires. :)

Cependant, question prix, les français ont plus de mal à s’aligner avec les autres, notamment à cause du coût d’un employé en France… Enfin, la qualité d’un ouvrage ne dépendra pas seulement de l’imprimeur lui-même, mais aussi des choix de l’éditeur au niveau du matériel (papier, vernis, etc.)

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Pour finir, impossible de ne pas parler du 6e ingrédient essentiel, ce 7e sens qui fait brûler le cosmos du rédacteur et transforme sa plume en aile-dorée-façon-saiyajin-god : l’inspiration… et son fidèle nemesis : le manque d’inspiration !

La question est donc : Y a-t-il des auteurs ou un style/genre ou thématique de manga que vous aimez chroniquer plus particulièrement ou d’autres que vous aimez bien mais avec qui vous rencontrez un mal fou dès qu’il faut écrire dessus ?

Gérome/l’Otaku Poitevin : Il y a quelques sujets qui me font dépenser pas mal d’encre, c’est tout ce qui est impact psychologique sur les personnages lors d’événements ou selon leurs interactions, ou j’aime bien faire un rapprochement avec une discipline que j’étudie c’est la santé mentale. Les personnages ont souvent, comme dans la vraie vie, des personnalités diverses et sont souvent troublés par différentes choses. J’ai pris le parti d’en faire un article une fois. Je ne sais pas si les ça intéresse les gens mais moi si. L’aspect social est aussi très présent dans mes chroniques. Du coup j’adore des auteurs comme Usamaru Furuya ou Takehiko Inoue, ce dernier rajoute le côté sportif (basket) que j’adore.

Meloku : Kazuo Kamimura et Suehiro Maruo sont sans doute mes chouchous pour l’écriture, je ne me lasserai jamais d’écrire sur eux. En revanche, j’ai un mal fou à écrire sur Inio Asano, et principalement sur Solanin. Sans doute parce que je suis trop perfectionniste tellement cet auteur m’a marqué. Mais j’ai trouvé la solution avec cet article , j’ai comparé Inio Asano à Kazuo Kamimura et ça m’a permis non seulement de prendre du plaisir à l’écriture mais aussi d’être fier du résultat. Malin non ?

Ours256 : Pour les auteurs, c’est pas très dur quand on me connaît : Hirohiko ARAKI parce que Jojo, Masato HISA parce qu’il est tout simplement génial et Naoki URASAWA parce qu’il y a toujours un truc à dire ce qu’il fait ou ce qu’il décrit. Niveau thématiques, j’aime beaucoup parler d’adaptations d’œuvres littéraires, pas parce j’ai lu l’oeuvre de base mais parce qu’on sent que l’auteur doit faire un effort très particulier au niveau du rythme. En temps que lecteur vorace de roman, on le sent très bien. Que ce soit dans un titre comme Ascension ou même Battle Royale tiens ! Difficile de ne pas citer non plus les manga où les références foisonnent comme Genshiken, Bobobo-Bobobo ou plus récemment Bimbogami Ga qui est un petit bijou que tout le monde snobe.

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La question du bon et du mauvais chasseur… mais sans la galinette cendrée.

Vous l’aurez compris, la suite nous permet d’aborder cette épineuse question : c’est quoi une bonne chronique… ou une mauvaise ?

Gérome/l’Otaku Poitevin : Pour moi une bonne chronique, c’est quelque chose d’assez simple, il faut que le lecteur ait compris ce que tu voulais dire dans ton article (des fois je m’emballe ça doit pas être simple de piger le sens ^^). Pas besoin d’argumenter sur 50 pages pour convaincre le lecteur de lire tel ou tel manga. Mais le message doit passer, que ce soit une analyse de la narration, de la situation sociale, du dessin, ou autre. Pour la chronique « news » je pense que c’est différent, elle est là pour faire une courte présentation d’un titre. La mauvaise chronique serait un écrit sans véritable fond, qui serait écrit pour être écrit. Si on y ajoute des fautes à tous les mots (je suis assez tolérant car pas infaillible sur le sujet mais des fois c’est trop). En gros il faut aussi que l’on ait envie de continuer la lecture, si on trouve ça mauvais dès le début on s’arrête directement faut pas être maso .

Fabien : Une bonne chronique, c’est une chronique qui dit du bien de nos titres ou du mal de ceux des autres ! Plus sérieusement, j’élude en général toute la partie scénaristique pour m’attarder aux critiques générales émises sur le livre ou sur le travail de l’éditeur. On a la chance en France d’avoir une émulation positive entre éditeurs pour proposer de belles éditions de nos mangas. Du coup, c’est toujours appréciable quand ce travail est reconnu ou mentionné. Mais il faut aussi savoir appuyer là où ça fait mal. Contrairement aux simples commentaires, les points négatifs abordés dans une chronique sont souvent argumentés et constituent un retour précieux pour les éditeurs.

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Meloku : Pour moi une bonne chronique, c’est une chronique accessible. Ne pas perdre le lecteur avec des noms d’auteurs ou de personnages qui sortent de nulle part quand bien même c’est évident pour toi. Accentuer les points que tu veux mettre en avant par une tournure de phrase forte, qui rentrera dans la tête de celui qui lit. Structurer la critique de manière à ce qu’elle suive un plan limpide. En tout cas c’est ce que je me fixe, c’est sans doute pour ça que je passe des dizaines et des dizaines d’heures sur un seul texte (d’accord je suis lent aussi, et je n’arrive pas à me concentrer). Après il s’agit d’un but personnel auquel j’aspire mais que j’ai beaucoup de mal à atteindre. Les articles dont je suis satisfait se comptent sur les doigts des mains, et quand on sait que je gravite aux alentours de 500 textes…

Sinon une mauvaise chronique, c’est un texte qui reprend point par point un dossier de presse (d’autant plus quand celui-ci est erroné) (Oups).

Guillaume : Une bonne chronique est une chronique construite et argumentée, c’est-à-dire qu’elle ne fait pas “5 lignes” (Ah ah) ! C’est aussi une chronique qui s’attarde, bien évidemment, sur le fond, mais aussi sur le forme ! Parler de “l’objet livre” est aussi très important car notre travail est d’offrir un livre agréable à lire, qu’on a envie de garder, d’exposer. Bien évidemment, en tant qu’éditeur, on a envie de voir nos titres recevoir les éloges de tous les chroniqueurs, mais ce n’est pas toujours le cas, et il faut aussi se dire que même une chronique négative a ses points positifs (si elle est argumentée).

Les chroniques négatives nous permettent de cerner les attentes des lecteurs, de comprendre ce qui ne va pas dans notre politique éditoriale et de l’affiner. Si les critiques concerne le livre en lui-même, cela nous permet de réfléchir sur les améliorations à apporter (l’impression, le papier, etc.). Il en est de même pour la correction, la traduction, l’adaptation.

Ours256 : Je dois avouer que je suis assez d’accord avec @Gêrome dans l’idée. Pour qu’une critique me plaise, il faut qu’elle me motive à la lire. En temps que prof, je dois dire que ce n’est pas évident. Quand je vois des phrases commencer par des conjonctions de coordination ou même certaines utilisations du subjonctif qui n’ont pas lieu d’être, ça me donne des envies de suicide. Attention, je ne dis pas que l’erreur n’est pas humaine et qu’une ou deux fautes d’orthographe, c’est la mort… Cependant, si l’accroc est grammatical, la structure de la phrase est brisée et ça… ça ne pardonne pas !

En ce qui concerne l’argumentation, je ne la considère valide que que quand elle n’est pas de mauvaise foi et se base sur autre chose que du pinaillage d’otaku élitiste. Comme l’a dit @Meloku, une critique se doit d’être accessible, surtout si elle est publiée sur un site qui se veut grand public. Le lecteur lambda ne cherche pas à ce qu’on compare un manga avec un film muet de Kraczinoswki datant du 13e siècle… Il y a des sites spécialisés sur Sword Art Online, les séries d’URASAWA ou même Gantz qui font des critiques bien plus détaillées (et souvent plus pertinentes) que celles des sites généralistes et leur travail ne doit pas être délaissé.

SAO

Wladimir Labaere : À mon humble avis, une bonne chronique est signée par quelqu’un qui a su extraire ce qui fait à son sens le sel (bon ou mauvais) d’un titre et a su l’exprimer. J’aime les chroniques dont l’auteur adopte un angle qui lui est propre. Pour le dire autrement, j’aime bien quand un auteur vient avec sa sensibilité et met en lumière des choses que d’autres ressentiront autrement, n’estimeront pas essentielles ou ne verront même pas.

La mauvaise chronique, logiquement, c’est celle qu’on va lire dix fois sous dix plumes différentes. Je dirais que c’est celle du paresseux qui n’a pas donné sa chance à un titre, qui ne fait que survoler un manga et, pour une raison qui m’échappe, décide d’écrire quelque chose dessus (en mal ou en bien). Il faut gratter la surface !

Victoire : Une bonne chronique est écrite par quelqu’un qui va poser un regard intelligent sur l’histoire qu’il lit, le livre qu’il ouvre et qui prendra le recul nécessaire s’il n’est pas la cible (par exemple). Il fera son travail d’investigation si besoin et parlera du fond comme de la forme. Car, comme il est dit plus haut, l’ouvrage en lui-même compte aussi pour un éditeur mais comme pour tout vrai amateur de BD en fait ! Il n’est pas nécessaire qu’elle soit trop longue mais claire, simple à lire, intéressante et intelligente.

Notre invité mystère se souvient d’une anecdote à ce sujet qui illustre bien le papier inutile et le temps perdu : une bloggeuse avec qui elle travaillait lui demandait avec insistance de recevoir l’un de ses ouvrages, un comics relativement onéreux qui devait avoisiner la vingtaine d’euros et que nombre de chroniqueurs eurent aimé avoir entre les mains. La bloggeuse prétextant un papier important et continuant d’insister, elle le reçoit donc et l’article tombe : un copier coller de résumé éditeur, deux lignes d’analyse à tout casser et fin de l’histoire. Le genre de chose qui donne envide de décrocher son téléphone pour expliquer ce qu’est un travail honnête d’écriture…

 

Chronique manga : utile ou futile, c’est selon !

Quelque soit le contenu, chroniques et critiques manga ont aussi une spécificité : celle de pouvoir revenir plusieurs fois l’année sur le même titre… Mais qu’est-ce qui est mieux pour une série de plusieurs tomes ? Plusieurs chroniques ou un seul et long article ? Nan parce que chroniquer systématiquement des shônens qui ont dépassé les 30 tomes ça devient un peu compliqué… n’est-il pas ?

Gérome/l’Otaku Poitevin : C’est une question compliquée, personnellement j’ai du mal à m’attaquer à des œuvres dépassant les trente tomes trop de choses à dire et je ne m’en sens pas le courage car j’aime bien relire le manga en entier avant de faire une chronique dessus et ça prend du temps, des fois beaucoup de temps de tout relire.


Meloku :
Le tome par tome c’est marrant 5 minutes, mais franchement ça m’a fait chier. Lire pour chroniquer et non pour le plaisir est devenu un véritable enfer, à tel point que j’ai abandonné durant quelques mois les mangas (je ne lisais que Bonne nuit Punpun). Bon, j’y suis vite revenu et en créant Nostroblog je suis retourné à ce que j’aimais : une longue critique sur un titre. J’évite les shonen fleuves et ce genre de trucs, non pas par snobisme mais parce que je n’ai rien à dire dessus de plus que ce que tout le monde dit. Des milliers de personnes en parlent mieux que moi, alors qu’écrire ? “ C’est cool, lisez-le “ ? Bah oui, mais tout le monde le lit déjà. Bref, du coup je me concentre sur ce que je préfère, ce que je trouve intéressant et cetera. Soit je fais une critique complète banale, soit je tente de trouver des angles un peu différents (avec plus ou moins de succès hein).

One Piece 77Ours256 : Le tome par tome… Qu’on aime ou pas, il faut en faire, ça fait vivre un site en termes de visites et de pages vues, ça aide à créer une base de lecteurs mais c’est quand même super chiant, même si on adore la série. Même si arriver au tome 77 de One Piece, j’ai toujours des trucs à dire sur la série, je ne suis pas sûr que ça soit vraiment pertinent.  Même si d’autres en ont parlé, je ne vois pas pourquoi je me priverais de le faire. Après tout, si j’ai envie…

Quand j’ai démarré sur Krinein, on tournait quand même à 3 ou 4 critiques de tomes par mois. Ensuite, on s’est tourné vers “les sorties du mois de chaque éditeur” et là, depuis quelques temps, c’est freestyle, je vais plutôt rester sur des critiques de séries complètes ou des avant-premières.

Faire un seul long article, c’est sympa mais ça peut vite s’avérer casse gueule. Il y a tellement de choses à dire, tellement de thématiques à aborder que ça devient très vite consumant. Après, j’aime bien faire comme @Meloku et aborder des angles un peu différent mais pour ça… il faut avoir le temps.

Wladimir Labaere : Les deux mon capitaine. En tant qu’éditeur, oui, je pense que des chroniques à chaque tome permettent à un titre de se rappeler au bon souvenir des lecteurs, et que c’est donc une bonne chose. Encore une fois, charge au chroniqueur de déterminer s’il a quelque chose à apporter au débat.

Victoire : Wladimir, mon maître à penser apparemment, a raison, les deux mon ami ! Après ça peut être aussi, un point tous les X tomes si le chroniqueur estime qu’il n’y a pas assez à dire tome par tome à chaque fois. Mais les journalistes qui me disent qu’après le tome 1 ils s’arrêtent… C’est aberrant. C’est comme ceux qui refusent de me chroniquer un titre parce qu’il est sorti y’a trois mois et que c’est plus d’actu… Sérieusement, depuis quand une BD devient obsolète, encore plus au bout de trois mois ?

Puisque l’on parle de quantité, voici l’occasion de poser une question à nos spécialistes de l’édition :  lisent-ils beaucoup de chroniques ? Car si ce sont les chroniqueurs qui en parlent le plus ce sont les éditeurs qui en mangent encore bien davantage, forcément. Notre invité cachée nous explique qu’il y a deux types de « lectures » : d’un côté le contenu à proprement parler, les chroniques qu’on lit donc, parfois en entier ou parfois la seule conclusion faute de temps, et il y a la recherche de la visibilité d’une œuvre de l’autre côté, selon le nombre de chroniques publiées sur la toile et qui les a publiées. Nos autres invités nous dévoilent ensuite les détails sur leur façon de procéder et les multiples utilités des chroniques…

KurokawaFabien : A minima, je survole tout ce qui est porté à ma connaissance et qui concerne Kurokawa. Je lis plus en détail les titres dont j’ai la charge pour comparer mon avis avec ceux d’autres lecteurs ou découvrir d’autres points de vue sur ces œuvres. Quand on parle du travail d’adaptation sur un livre, il s’agit de le rendre accessible à son public cible. Du coup, c’est toujours bon d’en savoir un maximum sur les gens qui vous lisent. Je lis aussi les critiques des premiers tomes qui sortent chez les autres éditeurs, surtout les titres dont on avait discuté en interne qui nous ont échappé ou sur lesquels nous n’avions pas donné suite.

Guillaume : J’essaye d’avoir un œil sur tout ce qui peut être publié sur nos titres. J’apporte forcément plus d’importance aux tomes 1, mais il est important de faire un suivi des titres pour continuer à communiquer dessus et lire ce que pensent les lecteurs. Encore une fois, lire les chroniques est importants pour moi, car cela me permet de mieux comprendre nos lecteurs, de savoir ce qu’ils recherchent.

Je prends souvent des notes, car ça me permet aussi de mettre en avant nos titres lors d’argumentaires de vente. Ces notes me permettent également de faire des retours aux infographistes, correcteurs / adaptateurs, traducteurs et à mon directeur.

SakkaWladimir Labaere : Tout pareil que Fabien (mais vraiment) ! Avec, également, un accent mis sur les titres que j’aurais peut-être voulu publier chez Sakka. Tout comme je regarde de près le travail réalisé sur ce titre par l’éditeur qui le publie en français, je suis aussi attentif à ce que les chroniqueurs et le public en disent. Et comme le souligne Guillaume (c’est cool de passer en dernier ou presque !), j’aime bien moi aussi informer les éditeurs japonais, les auteurs et l’équipe Casterman du contenu des chroniques des titres Sakka. D’un point de vue pragmatique, on peut trouver au détour de certaines chroniques des arguments ou des points de vue qui vont nous servir en interne, lorsqu’on présente les tomes suivants à nos équipes commerciales.

Victoire : Tout comme Fabien et Wladimir mon maître à penser. Pour le retour de chroniques aux japonais c’est mon éditeur qui fait remonter l’info ou Mai, son assistante donc je vais juste mettre en avant dans mes dossiers les chroniques les plus “belles” (= intéressantes, bien présentées, originales, celles des grands média notamment en presse – aaaaah les japonais et le papier…)

Sur ce sujet je pose une dernière question, à l’ensemble des intervenants cette fois-ci : quand j’ai débuté dans la chronique (en 2001-2002 de souvenir) tous les sites ou presque disaient “nous, on chronique tout”. Avec 1600 tomes à l’année vous trouvez que ça a encore du sens ?

ChiisakobeMeloku : Je trouve que ça n’a aucun intérêt. Déjà car ceux qui prétendent tout chroniquer aujourd’hui, le font via des sp et du coup ne s’intéressent pas à de très bons mangas d’éditeurs comme Cornélius ou Lézard noir qui n’en envoient pas (ou peu). Alors au final, je vois beaucoup de ce genre de blogs parler encore et toujours de ces mêmes éditeurs, je trouve ça lassant à force. Les italiens de Hollow press sortent un bouquin de Shintaro Kago muet et donc accessible à tout le monde mais personne n’en parle, aussi génial soit-il. Les éditions Ki-oon lancent leur nouveau titre, tout le monde en parle (même si c’est un énième survival game qu’on en a marre bon sang de bois). Alors moi, au lieu de parler de tout, je préfère mettre en avant ce que je découvre et qui m’interpelle, car je trouve que la découverte est un plaisir au moins aussi important que la lecture. Si ce n’était pas clair, je suis pour moins de chroniques et plus de qualité dans la sélection.

Ours256 : En fait, je crois qu’aujourd’hui, dire on chronique tout n’est qu’une ellipse pour dire “on chronique tout… ce qui nous intéresse, qu’on donne ou qui a piqué notre curiosité en bien ou en mal”.

Chroniquer absolument “tout” ? Après tout, pourquoi pas ? S’il y a une structure qui possède les ressources pour, en quoi ça serait un mal ? Que l’objet culturel soit obtenu de la poche du rédacteur ou d’un SP, quelle différence si celui qui écrit sait faire la part des choses et rester objectif ? Que les éditeurs envoient leurs produits pour qu’un certains nombres de médias les teste relève de leur choix marketing (qu’ils envoient en physique ou en digital). En 2015, c’est un aspect non négligeable du commerce international et même si c’est une méthode qui vient cristalliser certains abus, elle n’en reste pas moins efficace.

Pour ma part, j’essaye vraiment de parler de tout ce que je veux. Comme j’aime pas mal de trucs, ce n’est pas si facile mais bon j’estime offrir un panorama assez vaste de ce qui sort, que ce soit au niveau des gros hits mais aussi des titres plus confidentiels.

En ce qui concerne la visibilité, c’est aux sites spécialisés et aux médias généralistes grand public de faire leur travail et de parler de ce qui en a besoin. Chaque site à sa façon de mettre en valeur une œuvre (un concours, un bandeau sur la page, un harcèlement via Twitter…). A mon avis, c’est plutôt sur cet aspect qu’il faudrait travailler, pas seulement sur l’idée de quantité.

Wladimir Labaere : Tant que le discours produit apporte quelque chose au débat… Il revient à chaque lecteur qui souhaite se tenir au courant d’identifier les supports qui correspondent à ce qu’il attend ! Entre la simple info pure sur une date de sortie, l’article de fond sur une série, et le papier transversal sur un thème, il est vrai qu’il y a un gros tri à réaliser pour se constituer son faisceau de sources.

Victoire : En fait, ça va dépendre de ce qu’ils en font. Si les chroniques / papiers sont bien, qu’ils prennent le temps, que le tout est fait de manière intelligente et que les gars n’y perdent pas la santé ou leur intérêt pour le manga pourquoi pas ! Oui, ça ne court pas forcement les rues… mais ceci est une autre histoire. Après, à part pour de vrais coups de gueule construits qui aident généralement au débat, je vois pas vraiment l’intérêt d’aller chroniquer un titre qu’on n’a pas aimé par exemple… Déjà parce que les journalistes confondent trop souvent un mauvais titre avec un titre dont ils ne sont pas le cœur de cible.

La chronique et le web 2.0 : amis ou ennemis ?

Au sein de ces questions sur la construction d’une chronique, quid du média employé, de la forme après le fond ? J’ai donc profité de ce papier pour aborder les nouveaux médias d’expression : les réseaux sociaux. Est-ce que les chroniqueurs ou les types de media qui font de la chronique manga ont évolué ces dernières années ?

Fabien : Pour avoir tenu un site web pendant près de cinq ans, j’ai bien conscience de la charge que cela représente. Les réseaux sociaux permettent à tout le monde de donner son avis mais rarement de le développer. On perd l’aspect analytique et argumenté d’un article au profit de phrases à l’emporte-pièce. C’est d’autant plus dommageable que les chroniques sont un marqueur pérenne du travail d’un éditeur mais aussi un garde-fou le forçant à un certain degré de qualité. Même si l’écrit reste prépondérant, des chroniques vidéo ou des podcasts intéressants commencent à faire leur apparition. Je regrette juste qu’il n’y ait pas plus de débat, par exemple une émission où plusieurs personnes auraient lu un même titre et discuteraient de ses forces et de ses faiblesses (en se mettant dessus au passage). On garderait l’aspect critique tout en renouvelant un peu la formule.

Guillaume : Les réseaux sociaux permettent à plus de lecteurs de s’exprimer, mais cela reste très léger. On trouve peu de chroniques développés sur ces réseaux. Ceux-ci viennent surtout apporter plus de visibilité aux médias qui publient sa chronique.

Un réseau qui est de plus en plus utilisé pour partager son avis sur ses lectures est Youtube. C’est une bonne chose, car si ce format est bien utilisé, on peut tomber sur de très belle mises en avant ! Jusqu’à maintenant, Youtube était surtout utilisé par les lecteurs de romans et c’est un réseau très puissant. Il est plus interactif et “attractif” pour les nouvelles générations.

Je n’oublie pas les Podcasts qui permettent également d’avoir des chroniques développées tout en gardant ce côté plus “attractif” en captant plus facilement l’attention des lecteurs. Tout comme Fabien, je pense que ça serait bien d’avoir un peu plus de débats dans ces vidéos Youtube et Podcasts, car c’est l’un des avantages de ces nouveaux formats !

Ours256 : Je n’utilise que Twitter qui, je trouve, est un formidable vecteur d’information. Bien utilisé, il permet de booster énormément la fréquentation d’un site assez rapidement et avec très peu de moyens, juste du contenu. L’idée de partage renvoie à celle du bouche à oreille, celle-là même qui a fait le succès de la petite boutique de mon père et qui m’est donc très chère. Dans le même temps, j’ai du mal à comprendre pourquoi les lecteurs considèrent Twitter comme un “cahier de doléances “live” qui ne leur permet que de se plaindre aux éditeurs. Là… Je passe…

Les podcasts intéressants, pour moi, il n’y en a qu’un niveau manga et c’est Mangacast (non je vous jure, Kubo ne m’a pas payé :x). Il est structuré, bien documenté, souvent drôle et pertinent. J’ai essayé d’en écouter pas mal d’autres et force est de constater que c’est de l’amateurisme pur et simple.

Mangacast

Youtube pourrait devenir un très bon outil et un excellent moyen de diffuser la culture manga mais il est (malheureusement) surtout utilisé comme une plateforme de “vlogging” ou “video blogging”, à savoir un guignol qui montre un objet, donne son avis sans trop élaborer (et généralement en disant que c’est trop bien) et voilà… C’est mou, “sensass”, “dans la culture buzz”… Bref, c’est sans intérêt. En fait, c’est… tellement XXIe siècle dans l’attitude que ça m’énerve.

Gérome/l’Otaku poitevin : @Ours256, dans l’ensemble tu as raison, mais on arrive quand même à trouver des choses sympa sur youtube, les “lives” de certains tels que Jefferinne sont vraiment bien, le concept est simple , c’est du question/réponse basic mais quand la personne a une maturité dans ses propos et ses points de vue ça élève le niveau. De plus ça permet quelques échanges alors que les vidéos classiques ne le peuvent pas.

Wladimir Labaere : Pour le meilleur et pour le pire, le web 2.0 permet à tout le monde d’exprimer un avis. Un de mes chantiers chez Sakka (quand j’ai le temps), en marge de mes relations avec les chroniqueurs plus « installés », est de repérer des « électrons libres », parfois débutants en matière de manga, dont la démarche est sincère (ça va du youtubeur au journaliste « culture » qui se met à la bande dessinée japonaise). C’est-à-dire des personnes mues par l’envie de produire un discours construit sur les mangas qu’ils lisent, avec lesquels j’aime développer des échanges que je considère « profitables » aux deux parties. « Tu me dis que tu as aimé tel ou tel titre pour telle raison, ben tiens, lis ce titre Sakka, ça devrait peut-être te parler. » Au-delà de voir mes titres chroniqués, je me dis que plus il y aura de gens qui parlent *intelligemment* de mangas (et pas seulement les miens) que j’estime bons, mieux le marché se portera en termes de richesse de l’offre. (Peut-être que je pisse dans un violon, mais je n’en ai pas l’impression à ce stade.)

Victoire : Pour avoir des retours de fans oui, mais pour ce qui est des chroniques, comme dans tout, il y a du bon et du moins bon sur le web ! On y trouve donc des chroniques très intéressantes comme des articles qui le sont un peu moins… Cependant, toute publication web donne un peu plus d’existence à un ouvrage sur Internet, et aujourd’hui, il est dur de mettre un titre en avant et de vouloir toucher le plus grand nombre de lecteurs, sans une présence sur le net !

 

Clin d’œil final…

On finit sur une note positive : la plus belle chronique que vous ayez jamais lue ou celle qui vous a paru le plus convaincante et pourquoi ?

Meloku : Bon, on va se contenter de cette année, parce que sinon c’est trop compliqué. C’est donc la critique d’Ashita no Joe de Madame Fujoshi. Elle a saisi la force du manga et l’exprime à la perfection. Ses mots ont un poids et impossible de ne pas avoir le cœur serré à la lecture. On connaissait les mangas qui prennent aux tripes, et bien voilà une critique capable d’avoir le même effet. Et forcément, ça m’a donné envie de relire Ashita no Joe.

lifeOurs256 : Pour moi, c’est pas vraiment un truc que j’ai lu puisque, comme je l’ai dit, je n’en lis que très peu mais celle qui m’a paru le plus convaincante et qui m’a fait faire un instant buy, c’est la chronique de Life, un titre paru chez Kurokawa il y a plusieurs années déjà, par Marcy dans un Mangacast (Omake Hors Série 2 de mémoire). Depuis, je l’ai lu et c’est un titre poignant que je recommande chaudement à tout le monde. Pourtant, je n’ai jamais osé en faire une critique, ne sachant pas comment je pourrais dire les choses mieux que Marcy, l’exercice serait sûrement casse gueule.

Et ce cher Wladimir de nous faire un coup de teasing dont il a le secret pour la fin de cet article :

Wladimir Labaere : Ce qui me vient à l’esprit là tout de suite, je ne peux pas en parler : c’est une présentation super chouette d’un titre que Sakka va publier dans quelque temps. Je suis tombé dessus alors que je planchais sur les « éléments de langage » dont j’aurai bientôt besoin pour prêcher la bonne parole, en interne d’abord (prod, presse, marketing, diffusion), puis, plus proche de la sortie, auprès de certains chroniqueurs et des lecteurs (pour le coup, merci le web 2.0).

C’est aussi pour ça que j’aime bien avoir du temps entre le moment où j’acquiers les droits français d’un titre et le moment où il sort en librairie : ça me laisse le loisir de développer un argumentaire construit, fouillé, et assortis de références. Je le « teste » en interne chez Casterman et je le travaille jusqu’à ce que toute la maison soit surmotivée pour donner à ce titre le succès qu’il mérite.

Pour revenir à ce long article, il est rédigé en français sur un blog par une personne qui a lu le titre en japonais, l’a aimé pour tout un tas de raison (dont la plupart sont les mêmes que les miennes) et propose un discours super intéressant. D’une, ça m’a rassuré : quelqu’un a trouvé à ce titre les qualités que j’avais décelées de mon côté. De deux, l’auteur du papier mis le doigt sur des choses que je formulais différemment, ce qui m’a permis d’affiner mon discours !

C’est sur cette mystérieuse chronique que nous avons achevé nos échanges et aussi cette 600e qui a pu démontrer que nous avons vraiment tous une façon de faire assez subjective à l’écriture ou d’apprécier les chroniques à la lecture, mais que l’on rejette finalement les avis en post-it où qu’ils soient, qu’on est loin d’avoir tous le même avis sur la quantité ou le rythme de publication, qu’il existe des médias qui favorisent l’opinion et ceux qui veulent aussi ou avant tout informer, qu’il y a plus qu’une simple utilité financière ou publicitaire à faire une chronique, qu’on n’est surtout pas obligé d’être exhaustif et que les qualités d’une œuvre peuvent aussi se lire en creux et « entre les lignes » d’un bon article… On se révèle, en partie ou totalement, dans nos choix d’œuvres, nos angles et nos écrits et c’est cette touche unique qui intéresse tout un chacun, des lecteurs aux éditeurs en passant même par les autres chroniqueurs.

En définitive, alors que ce blog entame son voyage vers les 700 articles je terminerai ainsi : écrivez jeunes gens, écrivez assidûment et passionnément, objectivement et subjectivement, en analysant ou en vous enflammant, avec un angle précis ou au gré du vent… Le manga c’est bien meilleur en le partageant !

Remerciements à tous les intervenants d’avoir pris le temps de répondre et d’échanger, et d’avoir fait tout ça dans une bonne humeur collective ! Pour en savoir plus sur eux, cliquez sur leur nom lors de leur présentation en début d’article !

I am a Hero : toujours le meilleur manga de zombie ?

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De la fin des années 2000 au début des années 2010 naissait, ou plutôt REnaissait, une tendance, une thématique : celle des zombies, portée aussi bien par les films de morts-vivants de George A. Romero que par le succès du comics The Walking Dead et de sa série télé qui débuta en 2010 aux Etat-Unis. Au Japon c’est à cette époque que naissait I am a Hero, le seinen de Kengo HANAZAWA (Ressentiment, Boys on the run), dans les pages du Big Comic Spirits (20th Century Boys, Bonne nuit Punpun, Ushijima, etc.) de la Shôgakukan.

Comme toute mode, chaque précurseur est toujours suivi d’une lame de fond. Avec l’arrivée en 2012 de I am a Hero aux éditions Kana, c’est toute une déferlante de mangas de zombies qui a suivi, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à une certaine accalmie l’an dernier, excepté le sympathique Crueler than Dead. Le manga de zombie n’est donc pas encore mort (ah ah) mais on peut plus facilement faire le tri. Ainsi, la semaine dernière, lorsque j’ai croisé le 15e volume de I am a Hero, c’était l’occasion d’une séance de rattrapage. J’avais plus ou moins oublié la série depuis le tome 11, en août 2014, et en avalant ces 4 tomes ce fut autant une bonne surprise qu’une confirmation : I am a Hero n’est pas que l’un des précurseurs des nouveaux mangas de zombie en France, il reste aussi l’un des meilleurs de sa catégorie au vu de tout ce que l’on nous a proposé.

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Néanmoins, avant de vous dire pourquoi, je vous propose un petit résumé pour les néophytes où ceux qui ont précocement lâché la série… Je ne sais pas où vous en êtes restés donc je fais simple et sans trop de spoil, mais vous pouvez passer au prochain intertitre si vous êtes à jour.

I’m a sur-vi-vor, i’m gonna make it !

Hideo Suzuki est un assistant mangaka trentenaire qui n’a jamais vraiment percé. Un beau jour, sa vie bascule dans l’horreur : le Japon est infesté par une épidémie qui transforme les gens en zombie et il doit lutter à mort avec sa petite amie pour ne pas se faire dévorer. Finalement, après avoir perdu tous ses proches, Hideo s’enfuit et quitte la ville pour tenter de survivre, fusil à pompe sur l’épaule.

I am a Hero

© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

Son chemin croise celui d’autres survivants mais de nombreux meurent, encore et encore : la menace réveille les bas instincts de certains, les zombies se révèlent plus rapides et plus forts que les humains (plus nombreux aussi), et une morsure suffit pour être condamné. Mais Hideo a beau ressembler à un loser et à un couard, ses rencontres – parfois heureuses, souvent malheureuses – vont petit à petit le changer… Avec un peu de chance, il parvient à continuer sa route. Le voilà désormais aux côtés de la jeune Hiromi, contaminée mais qui reste entre les deux mondes, et de mademoiselle Oda, jeune femme au caractère bien trempé mais au passé peu enviable, fait d’échecs et de déceptions.

Cela dit Hideo, Hiromi et Oda ne sont pas les seuls à survivre dans ce cauchemar éveillé. D’autres gens se sont regroupés, se sont armés et  organisés pour affronter la menace et ce nouveau quotidien : aller chercher à manger, tuer des zombies, trouver des médicaments, tuer des zombies, trouver un endroit plus sûr… tuer  fuir les zombies, décidément trop nombreux. Qu’ils s’enterrent dans une forteresse ou qu’ils optent pour une fuite perpétuelle, ils évoluent tous dans un monde qui semble condamné, où les humains meurent ou mutent les uns après les autres.

Mais plus on en apprend sur cette malédiction, plus elle prend les traits d’une mutation, d’une évolution même… Certains, de rares élus, conservent une part de leur humanité et leur intelligence, tout en gagnant des capacités physiques décuplées dans la transformation. Et tous, des zombies lambdas aux créatures hybrides, sont reliés par une connexion psychique. Un réseau aussi vaste qu’étrange, quasi onirique, où ils ne sont jamais seuls, mais où certains semblent capables de prendre le pouvoir. Pour en faire quoi ? C’est toute la question !

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© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

NO FUTURE

Si la thématique zombie a resurgi des tréfonds du cinéma d’horreur où elle n’était qu’un sous genre pour film de série Z, c’est parce qu’une génération d’auteurs a su en décortiquer les codes, la philosophie et la rythmique pour la régénérer et la réintroduire dans son époque. Dans I am a Hero, la pandémie zombie est autant une fin de l’humanité et un retour à une bestialité animale pour la grande majorité, qu’un reset de notre civilisation pour les survivants. Les immeubles, les supermarchés, la nourriture, TOUS les biens matériels sont alors à portée de main pour quelques êtres humains. Les maisons sont vides, la survie a fait sauter tous les codes moraux, il peut s’écouler des semaines sans que vous croisiez un seul de vos congénères : une liberté totale, une richesse infinie…en apparence. Même si le manga de HANAZAWA ne pousse pas l’isolement au point d’un I am a Legend, il dévoile cette île sauvage et violente mais aussi déserte qu’est devenu le Japon. On entame ce voyage étrange vers l’inconnu, une nouvelle vie où toutes les cartes ont été redistribuées. Je survis donc je suis, ok, mais ensuite je fais ce que je veux… et tout ce qui reste est à moi !

Kurusu - © Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero ProjectMais cet idéal est une chimère et HANAZAWA ne veut pas laisser planer le fantasme trop longtemps, quitte à prendre du recul par rapport à son personnage principal, pour que le lecteur comprenne. Dans le 10e tome, le mangaka se lance dans un second récit, en parallèle. On découvre Takashi, un hikikomori  qui sort de sa prison et fait la connaissance d’une troupe de survivants, comme il en existe plusieurs. Néanmoins, leur leader Kurusu (ci-contre) est des plus singuliers : ce jeune homme facétieux et lunatique – toujours en slip, parce que c’est la classe – est d’une puissance et d’une vivacité peu commune. Intrigué puis séduit, notre cher Takashi intègre ce groupe hétéroclite composé d’une petite dizaine de personnes. De toute façon, il n’a pas le choix. La vérité est que survivre seul est une mission impossible, en tout cas sur le long terme. Les losers de l’ancien monde se retrouvent contraint de retourner à la vie en groupe, peut-être encore plus aujourd’hui qu’hier car ils sont désormais poussés par le danger, la peur ou la faim.

Ce récit, inattendu, va se poursuivre sur quasiment quatre tomes, montrant les ravages du chacun pour soi, l’ironie du sort, la personnalité qui émerge de chacun de nous face au danger, du courage à la couardise en passant par le pragmatisme et la capacité d’analyse. Chaque membre du groupe a une personnalité assez distincte, bien travaillée, et on se dit que c’est un second récit qui démarre, un nouveau chemin pour une nouvelle bande, qui va venir fusionner avec celle d’Hideo. Mais, même si cette aventure finit par s’imbriquer dans la trame de fond, c’est surtout le récit d’une impasse, qui rappelle l’horreur et la réalité d’un monde de zombies : pour 99.9% des gens cela n’aura rien d’un renouveau du genre humain. Que vous soyez beau et jeune ou moche et vieux, sympathique ou antipathique, armé, attentif et entraîné… Ça finira tôt ou tard par partir en sucette et au moindre faux pas, c’est le bain de sang assuré.

Même si HANAZAWA aime jouer avec l’ironie d’un loser qui devient un héros, thématique déjà abordée auparavant dans Ressentiment, I am a Hero n’est donc pas une revanche idéalisée des mal-aimés. Etant au départ isolés de la société contaminée, les exclus mourront sans doute plus tard, certes, à coté des malins et des guerriers bien armés, mais ils mourront comme les autres…

Comme aime le rappeler ce seinen : mourir, il n’y a rien de plus facile.

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© Hanazawa Kengo/Shogakukan / I Am a Hero Project

La clôture de cette parenthèse se fait avec la découverte de cette nouvelle race, entre humain et zombie, et la genèse d’un nemesis pour Hideo. C’est aussi la fin de l’errance léthargique de la population zombie, qui semble se regrouper en divers endroits pour s’entre-absorber et devenir d’étranges créatures. Difficile de dire vers quelle dynamique va partir l’auteur après toutes ses révélations, mais quelle que soit l’ampleur du scénario, le désir de poser des ambiances hyper immersives et angoissantes reste constant. Les décors sont toujours aussi nombreux et hyper détaillés, avec une excellente gestion des tons de noirs et blancs employés, on s’y croirait :on respire la froideur d’une nuit, on entend le chuchotement des survivants. Je me dis donc que rien ne sera précipité, que le voyage va perdurer en gardant tout son sel, que les phases d’action pour la survie alterneront brillamment avec un étrange quotidien fait de peurs et d’accalmies.

Le manga de zombie est une aventure et, en plus du travail graphique et de la modernité apportés par un auteur foutrement doué, I am a Hero continuer de créer une dystopie immersive qui gère avec brio la composante humaine, sans jamais perdre l’équilibre entre crédibilité de la catastrophe et folie du chaos, se hissant à la hauteur des icônes américaines du genre. Aussi fou que soit le postulat zombie de départ, s’il devait en un jour funeste se réaliser, on se dit que c’est à ça qu’il pourrait ressembler. 

I am a Hero c’est un peu comme Le Guide de Survie en territoire Zombie de Max Brooks : on l’emporterait quand même, juste au cas où. Mais nous serions sans doute morts ou zombifiés avant de comprendre ce qui nous arrive. Damned !

I am a Hero

i-am-a-hero-tome-15Fiche descriptive

Titre : I am a Hero
Auteur : Kengo Hanazawa
Date de parution du dernier tome : 11 décembre 2015
Éditeurs fr/jp : Kana / Shôgakukan
Nombre de pages : 208 n&b
Prix de vente : 7.45 €
Nombre de volumes : 15/18 (en cours)

Visuels : © Hanazawa Kengo/Shogakukan/I Am a Hero Project

Pour en savoir plus vous pouvez suivre l’auteur sur son compte Twitter. Sachez également qu’un film sort au Japon cette année, le 23 avril prochain. Il sera réalisé par Shinsuke Sato (Gantz, Library Wars, Princess Blade), tandis que Akiko Nogi (Library War, Sayonara, Robinson Crusoe) se chargera du scénario et Makoto Kamiya(Gantz, Cutie Honey, Resident Evil: Degeneration, Resident Evil: Damnation) s’occupera du maquillage et des effets spéciaux. Le personnage principal, Hideo Suzuki, sera interprété par Yo Oizumi, et voici la bande annonce qui est plutôt alléchante :

 

[Interview manga] Kurokawa : un éditeur populaire

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Interview Kurokawa

Cela faisait quelques mois que j’avais mis l’exercice en pause mais avec les bilans de fin d’année il est grand temps : l’interview éditeur est de retour ! Pour commencer cette nouvelle série de 4 voir 5 entrevues ce semestre, c’est Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa qui va ouvrir le bal. Pour la sortie, cette semaine, de One-Punch Man, ça tombe à pic. Pour cette 3e entrevue nous avons évoqué un premier bilan 2015, mais c’était également l’année des 10 ans donc, à travers différentes œuvres, quelques constats et des initiatives éditoriales, cette interview a été l’occasion de redéfinir ou ré-affirmer les priorités et l’identité de l’éditeur manga d’Univers Poche : pertinence, excellence et accessibilité en sont quelques unes, comme vous allez le voir dès maintenant… Bonne lecture !

2015, année du renouveau ?

Bonjour Grégoire Hellot,

Commençons par l’actualité… On entend parler depuis fin 2014 d’amélioration pour le marché du manga donc question : 2015, année du rebond ?

Oui, complètement. Quand on regarde le marché on voit qu’il était à la baisse depuis quatre ans puis en 2014, il a fait une légère remontée : après des baisses entre -5 et -9 % l’année s’achevait sur un -2 %, c’est-à-dire une stabilisation.

wolf-girl-and-black-prince,-tome-9-724333-250-400Il y avait en effet un début de remontée au second semestre et on se demandait si cette progression serait confirmée en 2015… C’est quelque chose de timide ou de vraiment marqué ?

Non c’est assez significatif puisque l’on fait +10% pour l’instant (interview réalisée à la mi novembre, NDLR). Il faudra voir ce que donne novembre et la fin d’année mais il y a déjà eu plein de bonnes choses : entre Arslan, Pokemon, Red Eyes Sword chez nous, puis les très bons scores de l’Attaque des Titans et ses dérivés, les survivals chez Ki-oon

On constate aussi que le shôjo reprend des couleurs avec plusieurs titres assez forts : chez Kurokawa il y a Wolf Girl & Black Prince qui a été le meilleur lancement shôjo en 2014 et qui continue à être très fort cette année. Toujours chez nous on note aussi le retour de séries très puissantes à la publication assez lente comme Vinland Saga, on n’avait pas eu deux tomes la même année depuis un moment déjà, le démarrage de Saint Seiya Saintia Shô qui est bon et Ultraman s’accroche bien aussi…

Comment expliques-tu cette tendance à la hausse ?

Les tendances que je vois c’est que nous étions en baisse car les séries qui trustaient les premières places étaient des titres comme Naruto qui ont dix ans ou plus aujourd’hui. Alors que là depuis deux ou trois ans, nous avons des séries très fortes : je pense à Arslan, L’attaque des titans et Pokémon.

La cause première du rebond serait donc l’arrivée de nouvelles séries ?

Exactement. Les gens qui avaient commencé à lire Naruto à 15 ans en ont 25 aujourd’hui, donc forcément leur consommation de manga baisse. Le public a changé aussi : avant nous étions peu à lire du manga mais on achetait tout ce qui sortait. Maintenant nous sommes plus nombreux mais ils lisent tous la même chose. Il y a une convergence des goûts, mais ils n’avaient pas d’autres choses à découvrir. Or là nous avons eu deux années exceptionnelles où il y a énormément de nouvelles licences qui ont réussi à susciter l’intérêt des gens.

JUMPLe renouveau des blockbusters en France s’est plutôt fait, pour le moment, sur des titres de la Kodansha comme L’attaque des Titans et Seven Deadly Sins que sur Kuroko no Basket ou Assassination Classroom de Shueisha. Comment tu expliques ça ?

Tout est question de période éditoriale. Quand tu as un magazine, que ce soit le JUMP ou un magazine de Kodansha, il faut un équilibre : tu ne peux pas avoir dix séries de bagarres. Tu vas donc prendre trois séries de bagarre, trois séries de sport, trois comédies romantiques, etc.

Le truc c’est que, dans le JUMP, les trois séries de bagarre c’est One Piece, Naruto et Bleach… donc il n’y a pas de place pour une nouvelle série de ce genre. Donc tu fais un nouveau manga de sport, comme Haikyu ou Kuroko no Basket, qui cartonnent au Japon mais marchent moins bien chez nous car le sport ça ne fonctionne pas en France, tu fais des séries comiques comme Assassination Classroom qui a plus de mal qu’au Japon parce que le manga humour ne réussit pas en France… Et pendant ce temps là Kodansha, qui est déjà servi en séries de sport ou en comédies romantiques, avait besoin de se renouveler leur manga de bagarre… Finalement il s’agit juste d’un hasard de calendrier.

Après le marché français est microscopique face au marché japonais, donc Shueisha n’a pas fait une mauvaise affaire en sortant un Kuroko no Basket plutôt qu’un énième manga de bagarre.

Ce retour de séries fortes est donc une bonne chose pour le marché, mais il aura fallu beaucoup de temps pour qu’une génération de Naruto, Bleach ou d’autres cèdent la place. Bleach n’est pas tout à fait fini en plus, et One Piece est parti pour durer. Est-ce que tu penses que les nouveaux leaders qui s’installent sont partis pour suivre le même schéma ?

Pas forcément, on voit déjà que l’Attaque des Titans n’est pas conçu comme un manga qui pourrait dépasser les 50 tomes de par le choix de son récit par exemple. Et puis pour les récits longs qui occupent le haut des ventes, il y a déjà Fairy Tail qui continue depuis un long moment déjà.

Licences et stratégies : les choix de Kurokawa

One-Punch ManJe fais la transition avec votre catalogue : dans cette vague de nouvelles séries il en restait une encore inédite chez nous, c’était One-Punch Man, depuis peu annoncé chez Kurokawa. Elle était très convoitée, comment vous avez fait pour l’avoir ?

Parce qu’on était les meilleurs.

Quels étaient vos arguments et qu’est-ce qui a fait la différence selon toi ?

Je ne peux parler à la place de l’éditeur mais je suppose qu’ils ont été déçus par ce que proposaient les autres éditeurs alors que nous avons présenté un lancement très original, nous nous sommes aussi engagés sur une qualité éditoriale. One-Punch Man est une œuvre qui est très… écrite, même si on parle souvent de ses qualités graphiques : le scénario, les jeux de mots constituent tout un univers qu’il faut réussir à retranscrire en français et je pense que là-dessus nous avons une expertise éditoriale.

Si One-Punch Man a aussi bien des qualités graphiques que scénaristiques et une réelle identité, c’est donc un potentiel carton : on peut supposer que vous allez « mettre le paquet » mais concrètement quelle est votre stratégie sur ce titre, est-ce que l’on peut aller au-delà d’un public manga avec et comment ?

Notre stratégie sera simple : faire ce que l’on sait faire le mieux, à savoir toucher un public qui n’est pas forcément le cœur de cible du manga. Grâce à son propos universel sur le héros et son rapport à l’univers qui l’entoure, One-Punch Man possède une universalité dans sa narration que nous allons mettre en avant du coté de la communication afin que les médias puissent transmettre cette universalité à leurs lecteurs/spectateurs.

Arslan tome 1
One-Punch Man
c’est pour 2016, revenons sur 2015… Tu cites l’Attaque des titans et Pokémon dans les nouvelles séries à succès, c’est quelque chose que l’on savait déjà. Mais si je t’écoute bien, Arslan ferait lui aussi un très bon démarrage cette année ?

Sur les dix-sept premières semaines de vente, le tome 1 s’est écoulé à plus de 30 000 exemplaires… Ce ne sont plus des chiffres que l’on voit si souvent.

Effectivement. Si on fait la comparaison avec Hero Tales le succès n’avait pas été de la même envergure…

Il faut faire attention en comparant ces deux séries car c’est très différent. Hero Tales est un fanzine qu’elle a fait avec ses amis au lycée et qui a été adapté en dessin animé… puis elle l’a refait en manga quand elle est devenue professionnelle pour accompagner le dessin animé. Arslan est l’adaptation d’un roman, ce n’est pas pareil.

De plus Arslan est un livre important au Japon, un classique de l’heroic fantasy. Peut-être pas au point des Seigneur des Anneaux car le propos est assez différent mais c’est un livre très populaire, une saga qui compte quinze tomes et qui va continuer… Il possède des qualités narratives indéniables, le matériau de base est très bon, donc comme Hiromu Arakawa a un vrai talent pour raconter les histoires, le manga est d’une très grande qualité.

Tiens d’ailleurs ce roman a-t-il été publié chez nous ?

Oui, le premier tome a été publié chez Calman Levy, à l’époque où l’éditeur faisait une double collection avec Kazé.

Ça a l’air d’être quelque chose d’assez ancien, est-ce tombé dans les limbes avec peu d’espoir de voir la suite ?

Je n’ai pas l’impression que l’expérience fut concluante et qu’ils sortiront la suite…

Ça me permet de rebondir sur un autre sujet : certains éditeurs publient désormais les light novels qui ont inspiré des mangas, est-ce que c’est quelque chose que vous pourriez envisager de faire ?

Je pense que le light novel ne marche pas en France. Point. Toutes les expériences qui ont été menées par les gros ou les petits éditeurs en France ou aux Etats-Unis montrent que ça ne fonctionne pas. Simplement parce que si le gens veulent lire des romans en France, ils veulent lire des vrais romans : quand tu vois le succès de Hunger Games ou d’Harry Potter ça montre qu’ils veulent des vrais livres de 500 pages, des pavés et non pas des choses de 150 pages écrit… « facilement ». C’est ça le principe de la light novel, c’est fait pour les gens qui ont la flemme de lire. Mais chez nous les gens qui ont la flemme de lire ne lisent pas, tout simplement, il n’y a pas d’entre deux.

Autre nouveauté de l’année chez vous, des classiques français en manga. Même si c’est encore mineur on peut voir des français émerger timidement au Japon avec La République du catch de Nicolas de Crécy dans l’Ultra Jump, ou Radiant de Tony Valente. De votre côté vous sortez Les Misérables ou Arsène Lupin chez Kurokawa où ce sont des récits français qui sont réadaptés et mis en avant. Quels sont les intérêts de ces influences croisées pour nous ?

Les misérables tome 3Si j’ai choisi Les Misérables ou Arsène Lupin en manga c’est parce que j’ai été inspiré en discutant avec des bibliothécaires et des documentalistes qui m’ont dit : « les jeunes gens d’aujourd’hui ne lisent plus, à part le manga ils refusent de lire des bouquins. » ou « les élèves de collège et de lycée sont en échec scolaire car ils ne veulent plus lire de livre mais on arrive à les intéresser car il y a des adaptations en BD de grands classiques français. »

Je me suis dit que c’était la voie à suivre : j’ai fait Les Misérables et Arsène Lupin et je compte bien en proposer d’autres pour justement faire en sorte que le manga puisse avoir un rôle de vecteur de culture car les bibliothécaires, les documentalistes et les professeurs sont en demande de ce genre d’ouvrage. Il y a beaucoup de jeunes gens aujourd’hui qui disent que « la culture française c’est ringard », que « les histoires françaises c’est bidon, moi j’aime que les supers héros », etc. alors que, parmi ceux qui lisent le manga des Misérables et qui ne connaissent pas l’œuvre originale, certains vont dire que « c’est mortel », que «  Javer c’est un enculé ! »… ils rentrent dans l’histoire !

Quand tu lis Arsène Lupin tu te dis « merde il a inspiré Batman, il a inspiré tous les supers héros mais en fait c’est un Français de 1910 »… C’est un bagage culturel que l’on transmet de manière modernisée.

Peut-être qu’un jour des artistes français publieront régulièrement des mangas au Japon mais le but recherché avec ces deux titres n’est pas l’échange franco-japonais. C’est avant tout d’intéresser des gens au manga – car il y a des gens qui connaissent Les Misérables et qui seront curieux de voir ce qu’en font des auteurs japonais –  et d’attirer les gens qui ne lisent que des mangas mais qui se disent que « ah Les Misérables j’ai toujours eu la flemme de lire, donc en manga c’est peut-être l’occasion de jeter un coup d’œil. » Idem pour Arsène Lupin c’est l’occasion d’en apprendre plus sur cette figure du patrimoine culturel français.

On parle donc d’utiliser des classiques de notre culture adaptés en manga pour attirer un public mais il y a aussi une autre possibilité : faire de certains mangas des classiques de lectures, en leur donnant des « lettres de noblesse » si on peut le dire ainsi. Cela se fait souvent à travers des collections particulières : Ecritures chez Casterman, Latitudes chez Ki-oon, Made in chez Kana,… Est-ce quelque chose que vous pourriez envisager chez Kurokawa ?

Pas pour l’instant non. Nous sommes un éditeur poche, on vise plutôt le grand public avec des petits formats, des choses pratiques à lire… Nous voulons plus aller vers 512 pages pour 10 euros que le contraire (Pokemon – La Grande Aventure, NDLR), nous cherchons à être un éditeur populaire.

Le prix reste donc l’un des éléments clés chez vous…

Oui, et je suis fier d’être l’éditeur le moins cher du marché.

Comment faire pour le devenir et/ou le rester, quels sont les choix que ça impose ?

C’est mathématique : il suffit de baisser sa marge, et de faire en sorte de réduire les coûts de production sans sacrifier la qualité. C’est un choix à faire, et que nous avons fait car nous estimons que le manga est un produit grand public et populaire.

nozokiana-manga-volume-13Après l’accessibilité, l’attractivité : les couvertures (on salue Fabien Vautrin votre directeur artistique au passage). C’est une problématique assez particulière dans le monde du manga, et Kurokawa semble tirer son épingle du jeu, à l’image de Nozokiana. Pourtant la validation des visuels avec les Japonais ce n’est pas quelque chose de réputé pour être simple, comment gérez-vous ça ?

Tout simplement, on leur explique. On leur dit « voilà visuellement votre livre n’est pas adapté donc soit vous nous faites confiance et vous nous suivez sur ce design et on en vend plein, soit vous nous imposez un visuel que les gens ne vont pas comprendre et vous n’en vendrez pas. » Et neuf fois sur dix ça marche.

Est-ce que c’est quelque chose qui s’est simplifié au fur et à mesure des années avec leur compréhension du marché français ?

Non en fait ça a toujours été comme ça, il n’y a jamais eu de soucis. Sur les licences c’est plus compliqué car il y a des logos imposés et des chartes graphiques mais nous avons toujours fait au plus libre possible. Nous n’avons jamais eu de couverture où nous nous sommes dit : « c’est vraiment pénible qu’ils nous imposent ça, on ne va pas en vendre. »

Nous avons toujours réussi à plaider notre cause. La preuve c’est que nos couvertures de Nozokiana, qui ne ressemblaient absolument pas à ce qui se faisait au Japon, ont été imposées par les Japonais à l’éditeur allemand. Pareil, le logo de Magi que nous avons créé a été imposé pour tout le reste de l’Europe.

Dans la lignée de la couverture le graphisme d’un manga a lui aussi une importance primordiale. Là-dessus tu dis en interview que le problème n’est pas tellement que le manga soit moche ou non c’est surtout qu’il rentre ou pas dans l’idée que les gens se font d’un graphisme manga… C’est quoi cette « image » et est-ce que ça t’oblige à refuser beaucoup de titres ?

Difficile de décrire un style de dessin par les mots ; il s’agit d’un graphisme « dans l’air du temps », et oui malheureusement, même si je ne les ai jamais comptés, il m’arrive régulièrement de devoir faire l’impasse sur des titres intéressants car graphiquement « ça ne passerai pas » auprès du public. Et sortir un excellent manga qui ne se vend pas reste une expérience frustrante et aucunement épanouissante, donc…

Silver Spoon 12Après la couverture ne fait pas tout, il faut savoir « positionner un manga », quelque chose sur lequel tu travailles beaucoup (je me souviens du travail sur Silver Spoon par exemple). C’est quoi ta recette pour ça : tu y réfléchis seul, en équipe ?

Nous y réfléchissons avec Adeline qui est l’éditrice de Kurokawa et Fabien. Mais, à vrai dire, je ne sais pas vraiment quoi te répondre puisque pour nous c’est l’évidence même : quand tu sors un bouquin tu sais ce qu’il y a dedans.

Ensuite c’est une question de pertinence : faut-il sortir Silver Spoon comme une énième comédie romantique ou est-ce qu’il est plus pertinent de jouer sur le coté du lycée agricole et de tenter un partenariat avec le ministère de l’agriculture ? La réponse nous a semblé assez évidente, encore faut-il s’intéresser au produit culturel que les éditeurs japonais t’ont confié.

Ce qui va de pair avec prendre du temps pour chaque titre et en sortir moins, votre politique depuis le début…

C’est un choix. Le marché étant inondé ça ne sert à rien d’en faire plus. Ça ne se vendra pas d’une part et d’autre part les libraires vont te détester. Moi je sais que la plupart des libraires que l’on connait directement ou indirectement apprécient Kurokawa parce qu’il y a peu de titres donc ils peuvent tous les travailler. Quand un distributeur vient dans une librairie présenter les titres Kurokawa il y en a peu donc le libraire s’en souvient et c’est aussi plus facile à conseiller aux lecteurs.

C’est une question de respect du libraire et de l’éditeur que de ne pas inonder le marché.

C’est une stratégie que tu défends et que tu expliques depuis toujours, et on pouvait imaginer qu’avec les difficultés du marché du manga ces dernières années, une majorité aurait opté pour cette solution. Mais le nombre de publication continue d’augmenter chaque année : certains restent de très gros pourvoyeurs de manga et même si le nombre de publication baisse chez d’autres de nouveaux entrants arrivent dès qu’il y a une brèche… C’est sans fin ?

C’est un problème de réflexion… et d’ambition. Nous on ambitionne de vendre beaucoup d’exemplaires de chacune de nos œuvres. La plupart des autres éditeurs réfléchissent en termes de part de marché. Parfois ils ont un manga qui se vend à trente mille exemplaires qui s’arrête, et plutôt que de sortir un autre nouveau manga qui risque de faire vingt ou vingt-cinq milles ventes ils vont publier dix mangas qui font trois milles ventes pour garder le même niveau et donc ne pas perdre de part de marché.

Une logique comptable ?

Les deux logiques sont comptables au final mais je dirais qu’il y a une logique de maths d’un coté avec les parts de marché, et une logique d’excellence de l’autre avec un travail sur chaque titre. Nous avons choisi l’excellence. Après je ne peux pas répondre à la place d’un tel ou d’un autre, certains ont choisi d’être numéro un en terme de part de marché et les patrons disent aux responsables mangas : « tu te débrouilles, tu charges la mule s’il le faut mais vous devez être numéro 1 ». On leur met la pression et ils sortent deux fois plus de livre que nous.

 

La décennie écoulée… et celle à venir

Kurokawa-10-Ans (1)Finissons l’interview en prenant un peu de recul. Qu’est-ce que ces 10 ans de tentatives, réussites ou échecs, et ce travail en tant que directeur de collection t’ont appris sur ton métier et sur le marché du manga ?

Ce que j’ai appris…

Que le marché des enfants c’est dur et qu’il faut être bien préparé.

Que les Japonais, contrairement à ce qu’on veut te faire croire dans les films ce ne sont pas des gens mystérieux et ce n’est pas super difficile de travailler avec eux, il faut juste connaître les règles. Je trouve ça même beaucoup plus difficile de travailler avec les Américains qu’avec les Japonais pour être tout à fait franc avec toi.

Que les imprévus c’est comme tout, ça se gère. Que les communautés aussi ça se gère. Les fans de manga ont la réputation d’être des ayatollahs, des mecs super violents, super véhéments sur internet. Ben non, il suffit de leur expliquer intelligemment pourquoi tel manga sera en retard, pourquoi on a fait tel choix de traduction. Ce sont des gens intelligents qui peuvent entendre ce que tu as à leur dire. Le tout c’est de prendre la peine de leur parler et de communiquer avec eux.

Quels sont tes moteurs et les ambitions pour les années à venir ?

Tout simplement continuer à faire ce que l’on fait, c’est-à-dire élargir le manga, trouver des solutions pour proposer à des gens qui ne lisent pas ou ne lisent plus des mangas de venir ou d’y revenir en publiant des choses à la fois originales et pertinentes. On dit qu’au Japon il y a des mangas pour tous les âges : oui effectivement il y a des mangas sur les hôtesses, des mangas sur le golf, etc mais ce n’est pas parce que des hommes de 50 ans au Japon vont lire des mangas sur le golf que des hommes de 50 ans en France vont vouloir lire la même chose. Il faut aussi créer des surprises éditoriales auquel le public français n’aurait pas pensé et éveiller sa curiosité.

C’est notre but. Tout en continuant à créer un nouveau public sur la collection enfant pour s’assurer d’une nouvelle génération.

Dernière question : en 2013, en pleine baisse du marché je t’avais demandé comment faire face aux difficultés du manga. Si j’adapte la question à la reprise du marché en 2015, qu’est-ce qu’il faut faire pour poursuivre ce rebond et éviter que ce ne soit qu’un feu de paille, qu’il finisse par repartir à la baisse ?

De toute façon tu auras toujours ce problème de l’alimentation : les blockbusters suivent un phénomène cyclique et le problème se posera tous les cinq ans. Il ne se résoudra jamais. Ce n’est pas comme les supers héros où pendant 50 ans tout un tas d’auteurs différents vont dessiner le même personnage. Quand une série s’arrête il faut qu’une autre prenne la suite. C’est sans fin de toute façon.

Color Check à l'imprimerie CPI Aubien pour Jésus & Bouddha

Color Check à l’imprimerie CPI Aubien pour Jésus & Bouddha

Mais en dix ans les éditeurs de manga ne font plus leur travail de la même façon : en termes de qualité, en termes de communication et de marketing… pas mal de choses ont évolué. Est-ce qu’il reste encore selon toi des choses où l’on peut et où l’on doit encore mieux faire ?

Ça peut être des choses techniques que les Japonais savent faire et nous non, c’est imprimer les pages couleurs en milieu de bouquin. Ce n’est pas possible car les mangas sont imprimés en cahier de 16 pages, donc si ta page couleur ne tombe pas sur un multiple de 16 tu ne peux pas la mettre. C’est purement technique mais là-dessus on va s’améliorer.

Il y a d’autres améliorations que l’on peut envisager comme sur le numérique : cela fait cinq ans que les éditeurs japonais sont frileux sur le numérique mais maintenant que ça se développe on se rend compte que ça a du mal à décoller en France et qu’au final ce ne sera peut-être pas l’Eldorado que laissait entrevoir les Etats-Unis. Là bas le marché s’était très bien développé, ça représentait 40% du secteur, mais on se rend compte que les gens reviennent au livre papier et que le numérique se casse la figure.

C’est donc très difficile de savoir de quoi sera fait l’avenir dans ce domaine, notamment sur les mangas car nous arrivons à une double génération avec des jeunes et des adultes : est-ce que les jeunes vont préférer une consommation sur tablette et quelle genre de consommation, est-ce que les adultes reviendront eux vers le format papier ? Ce sont des questions à se poser sur les années à venir. Donc voilà pour l’instant je pense que les points sur lequel on peut améliorer le manga en France concernent les modes de diffusion numérique, essentiellement.

C’est noté, merci Grégoire Hellot et encore joyeux anniversaire à Kurokawa !

kurokawa-logo

Pour en savoir plus sur Kurokawa et son actualité, vous pouvez vous rendre sur leur site internet, leur blog où les suivre sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Enfin, en complément, je vous conseille l’interview fleuve de Kurokawa chez les amis de Manganime !

Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :

Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)

Glénat (mars 2009décembre 2012, janvier 2015)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Kana (novembre 2012 janvier 2014)

Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 avril 2011janvier 2012janvier 2013, avril 2014, février 2015)

Komikku (mai 2014)

Kurokawa (juin 2012,  décembre 2013novembre 2015)

nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu (octobre 2012, novembre 2014)

Pika (avril 2013, décembre 2014)

Sakka ( juillet 2015)

Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)

Tonkam (avril 2011)

Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 2013 et maintenant 2014.

[Interview éditeur] Akata, un renouveau sous de bonnes étoiles…

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Akata - Bruno Pham

Après Kurokawa la semaine dernière, nouvelle interview éditeur et pas des moindres, puisque c’est la première entrevue avec les éditions Akata et surtout avec Bruno Pham, l’un de ses responsables. Depuis sa prise d’indépendance vis à vis de Delcourt, Akata a su retrouver un nouvel élan grâce à des titres avec un vrai fond, régulièrement engagés et militants… Qui lui ressemblent en somme, comme en témoigne Daisy, Colère Nucléaire, Dans l’intimité de Marie, orange, Prisonnier Riku ou encore la surprenante collection WTF.

Pour ce premier entretien il y avait beaucoup à dire et un éditeur à (re)découvrir, c’est donc un passionnant pavé qui vous attend… Bonne lecture !

Akata, le retour !

orange-1-akataBonjour Bruno Pham…

Nous voilà arrivés fin 2015, l’heure des bilans. En termes de ventes, quel est le tien pour Akata ?

Alors tout dépend des titres bien sûr, mais nous sommes globalement contents. Tout d’abord, je suis très heureux d’avoir réussi à réimposer assez rapidement du shôjo manga : orange a vraiment explosé ! Nous avons dû réimprimer cinq fois le tome 1 en un an et nous en sommes à un tirage au-delà de 20 000 exemplaires. Nous n’en sommes pas encore à 20 000 exemplaires vendus puisque la dernière réimpression date d’avant Noël, pour tous les tomes d’un coup. Mais ça fait plaisir sur le marché actuel.

Depuis que l’on a quitté Delcourt, on a clairement senti qu’il y a eu un trou éditorial sur le marché du shôjo manga. Chez tous les éditeurs, les titres les plus pertinents ne sont pas ceux qui se vendent le mieux et les meilleures ventes de la catégorie sont, pour rester poli, assez « classiques ». Donc, oui, je suis content qu’on ait pu imposer assez vite un titre comme orange qui a vraiment sa touche et qui est assez exceptionnel.

Effectivement. D’autres bonnes surprises ?

Il y a de beaux succès qui n’étaient pas gagnés d’avance comme Ladyboy vs Yakuzas. C’était un coup de poker.

Pour le moins oui !

Et le poker se passe plutôt bien ! (Rires)

Evidemment ce ne sont pas des bouquins qui sont dans les tops des ventes, mais ça marche bien. Après, on a su le défendre, le positionner et le revendiquer donc ça joue beaucoup. Nous avons déjà réimprimé le tome 1 il y a deux mois et sur le 2 ça ne devrait plus tarder. Nous en sommes à plus de 6 000 exemplaires vendus sur le premier tome…

Ah oui quand même, on se situe bien au-dessus d’un simple équilibre, là où il y aurait pu y avoir un four !

Ah, ça aurait pu être un four monumental ! On aurait pu se faire défoncer par tout le monde. Mais je pense que les gens ont compris notre démarche. Ça fait plaisir de pouvoir prendre des risques et que ce ne soit pas en vain, ça motive pour continuer dans cette direction.

Le fait de l’avoir sorti dans la collection WTF?! a permis de bien le positionner car le second degré de cette collection a été clairement identifié grâce à Magical Girl of the End. C’eut été sans doute plus compliqué si Ladyboy avait été le premier…

Probablement oui. Cela dit, dans Ladyboy vs Yakuzas, il y a un vrai fond social au-delà du second degré. On parle vraiment de misère humaine derrière. Le premier tome est assez « drôle » mais la suite l’est beaucoup moins. C’est aussi ça la force des auteurs japonais : de partir sur des idées complètement what the fuck mais de réussir à dire des choses derrière.

Donc voilà c’est un beau succès, je pense que même l’éditeur japonais a été un peu surpris d’avoir cet écho là en France.

Mais j’avoue que que ça nous a mis un peu la pression pour la suite de la collection WTF?! car on ne veut pas tomber dans la surenchère… Au début on avait prévu de mettre Séki, mon voisin de classe dans cette collection WTF ?! par exemple, mais du coup non ! (Rires)

Pour le coup Séki aurait très nettement cassé cette dynamique…

On veut la casser de toute façon, comme je le disais, on ne va pas rester cantonné aux styles des trois premières œuvres. WTF?! c’est une expression qui a un sens assez large, donc nous sommes bien décidés à proposer quelques surprises, car ça n’aurait pas de sens de proposer toujours la même chose…

Si tu fais toujours la même chose, il n’y a plus de surprise, donc il n’y a plus de WTF?! ! (Rires)

Voilà, exactement. Après je parlais de Séki, mon voisin de classe : là aussi, ça se passe plutôt très bien !

seki-voisin-t1_0Ah ?

Oui oui, et ça fait super plaisir car c’est un titre que nous voulions faire depuis longtemps. Guy Delcourt avait préféré ne pas se lancer. Nous avons hésité à le faire en indépendant car quand des titres cartonnent à ce point au Japon mais que personne ne se positionne dessus, c’est aussi que tout le monde pense que c’est casse-gueule… Comme c’était un coup de cœur depuis longtemps on s’est lancé.

C’est un peu tôt pour analyser les ventes mais nous avons du réassort sans arrêt, plusieurs mois après le lancement en août, donc c’est bon signe. Je me méfie des retours après Noël mais habituellement lorsque ça ne se passe pas très bien, les retours sont assez rapides sur les tomes 2 et 3 et ça s’ajuste assez vite alors que, là, nous avons pu constater que la mise en place n’était pas suffisante et qu’on nous en demande davantage.

La réputation du titre monte aussi, comme on a pu le voir au Salon du Livre et de la Jeunesse à Montreuil…

Justement, quel accueil pour un titre comme ça sur le salon de Montreuil ?

Et bien sur ce salon c’est ma meilleure vente ! Avec les Pommes Miracles également, qui ne se vend pas très très bien mais qui cartonne sur des salons comme celui de Montreuil. Séki ça se vend tout seul : il y a des gens qui connaissent déjà, comme les documentalistes de CDI et l’ensemble du corps pédagogique, et il y a aussi des enfants qui connaissent déjà. En plus lorsque des parents voient des titres comme ça ils sont tout-de-suite rassurés et savent qu’ils peuvent l’acheter pour leurs enfants sans souci.

Donc voilà, le tome 1 est juste au-dessus de 5 000 exemplaires vendus depuis seulement fin août, ce qui est un bon début très encourageant.

Après il y a le fond qui tourne, comme Magical Girl of the End qui fonctionne bien et se vend tous les mois. Il y a aussi Daisy qui se vend toujours !

Et pourtant quand un manga n’a plus d’actualité (le second et dernier tome de Daisy est sorti en juillet 2014) c’est toujours difficile de le faire durer…

Je pense qu’on est sur des profils qui sont très proches de titres que nous avions chez Delcourt comme Global Garden. Cette série ne faisait que 8 tomes et nous en avons vendus pendant des années et des années. Ces titres bénéficient d’une aura particulière. Tous les mois je passe quasiment autant de Daisy que de Magical Girl of the End tome 1.

C’est vraiment pas mal en effet. Après, il faut dire que le nucléaire est toujours un sujet d’actualité…

Je pense que nous sommes aussi bien identifiés dans des milieux… je n’aime pas dire écolo et militant, donc disons dans des milieux alternatifs. Nous faisons vivre autant la ligne éditoriale alternative que notre ligne éditoriale shôjo donc la combinaison des deux donne une aura particulière qui fait que ce livre a marqué les esprits et continue de trouver sa place en librairie.

C’est aussi assez rationnel pour les libraires, qui n’ont pas forcément beaucoup de place, d’avoir une série qualitative et finie en 2 tomes. On a un très bon soutien des libraires spécialisés où l’on fait une grande partie de notre chiffre d’affaire et c’est aussi grâce à eux qu’un titre comme Daisy continue de trouver son public.

Enfin, les problématiques vont rester cruellement d’actualité pendant des décennies entières et au fur et à mesure on peut espérer que la conscience collective va s’ouvrir pour aborder ces sujets qui vont au delà du nucléaire pour savoir comment on fait pour construire l’avenir.

prisonnier-riku-1Autre type de titre : Prisonnier Riku. Quel bilan, pour le moment, pour ce shônen pas comme les autres ?

En ce qui concerne « Prisonnier Riku », la série s’en sort tout à fait honorablement.  Et pourtant, ce n’était pas gagné d’avance ! En fait, c’est assez typique de ce genre de manga : une fois que le lectorat a accroché, il est fidèle de manière irréprochable. Dans ce genre de situation, c’est vraiment la qualité du titre, qui sait passionner sur la longueur, qui garantit cet intérêt constant. Du coup, malgré la longueur, une fois le lectorat « stabilisé », les mises en place ne diminuent jamais. Et après, vu la réputation du titre, on recrute lentement mais sûrement, des nouveaux lecteurs en permanence.

A ce sujet, je tiens à remercier pas mal de libraires, car je sais qu’ils défendent beaucoup le titre, qu’ils n’hésitent pas à le mettre dans les mains des clients « frileux ». Ca compte énormément pour ce genre de manga, et ça rend ce genre de projet viable (en tout cas, ça ne nous met pas « en danger » financièrement). Bref, concrètement, si on exclut les ventes salons (je ne les ai pas ici), le tome 1 est juste au dessus des 5000 exemplaires. Le reste moins, c’est mathématiques, mais en gros, on est stable vers les 2000 exemplaires. Tant que ça ne descend pas plus bas, tout va bien. Surtout si de nouveaux curieux se rajoutent sur les premiers tomes chaque mois… Comme on dit : « petit à petit, l’oiseau fait son nid ».

Ensuite, dans une interview qui date de Japan Expo 2015, tu dis qu’être dans les tops ventes n’est pas dans vos priorités mais que votre but est d’être à l’équilibre, voire un peu plus qu’à l’équilibre, pour pouvoir tenter des paris et des coups de cœur comme on l’évoquait plus haut…

C’est-à-dire qu’être dans les tops ventes ce n’est pas un but en soi, mais il faut quand même  que l’entreprise tourne. Ce que je voulais surtout dire, c’est que la rentabilité d’un livre ne se regarde pas simplement à travers ces tops ventes. Des livres comme Daisy ou Ladyboy le confirment justement, car ils se vendent tous les mois et ils font que tu gagnes de l’argent. C’est aussi pour ça qu’analyser un marché sur ces tops ventes est un piège.

Alors, justement, en terme de chiffre d’affaire global, sur vos deux premières années en indépendant, est-ce que vos résultats collent aux objectifs que vous vous étiez fixés ?

Ah, c’est une bonne question ! Mais je ne sais pas si on s’était vraiment fixé des objectifs chiffrés en fait. (Rires) Tout ça a été fait de manière un peu…

Artisanale ?

A la Akata, disons. Nous avons vu intuitivement comment se portait le marché, on voit ce qui arrive au Japon et ce qui sort en France, nous avons une certaine expérience et nous n’avons pas fait ça comme des idiots, même en avançant à tâtons. Donc nous nous sommes lancés sans forcément formuler des objectifs précis mais le but était de faire des bouquins bien et d’en vivre un minimum.

Après si on veut parler chiffres – ce n’est pas forcément représentatif mais les gens aiment bien ça – nous sommes à + 224% à fin octobre, mais on a sorti beaucoup plus de titres en 2015 aussi, donc c’est à prendre avec des pincettes.

L’engagement, l’auteur et l’éditeur

Si on s’intéresse à la composition de votre catalogue maintenant, dans une interview au média Musique de Chambre (un nom étonnant d’ailleurs !), tu définis le catalogue Akata de la manière suivante : des titres engagés, des titres que vous aimez bien, des titres avec des idées fortes…

En ce qui concerne les titres engagés, on pourrait dire qu’ils vont à l’inverse d’une image lisse de la population japonaise…

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça ! Qui a une image lisse du Japon ? Je n’en ai jamais eu. Si on regarde le cinéma qui nous arrive en Europe, c’est surtout l’indépendant : il a rarement été lisse. C’est plutôt un cinéma « auteurisant », ce que l’on peut regretter, d’ailleurs, car il y a aussi du cinéma grand public avec un vrai fond social. Mais, je ne pense pas que, même dans l’imaginaire collectif, les gens ont une image lisse du Japon, car on l’a toujours connu comme un pays qui ose faire un peu tout et n’importe quoi.

Après, ce n’est pas systématiquement de la revendication sociale mais, dans l’esprit d’une certaine culture européenne, le Japon n’est pas forcément très « propre ». Dans l’éditorial japonais, il y a toujours eu une liberté de ton et de sujets dans le manga.

Alors pour préciser un peu ce que j’entends par ce cliché, il n’est pas vraiment sur le Japon mais plutôt sur ce désir du consensus, de ne pas faire de vague dans la société qui ne semble pas forcément en ligne avec ces œuvres engagés…

Mais il faut justement faire la différence entre ce qu’est la société et comment elle en gère l’expression artistique. Dans la société japonaise il y a faire des vagues et faire des vagues. Il ne faut pas oublier que dans l’histoire du Japon il y a quand même eu des grands moments de révolte aussi. D’ailleurs c’est évoqué…

Dans Unlucky Young Men ?

mishima-boys-1Dans Unlucky effectivement et prochainement dans Mishima Boys. Donc dire que la société japonaise ne veut pas faire de vague ce n’est qu’une vision partielle à un moment donné de son histoire qu’il ne faut pas généraliser à mon avis.

Et d’ailleurs quand vous publiez Mishima Boys, Daisy ou d’autres, est-ce qu’il y a un message que vous voulez faire passer au lecteur français sur la société japonaise ?

Ce n’est pas un message sur la société japonaise, c’est un message global sur le monde et sur la société française car nous sommes dans des sociétés modernes qui ont toutes les mêmes problématiques.

Moi il n’y a rien qui m’horripile plus que quand je lis des chroniques qui disent : « avec ce livre on comprend mieux la société japonaise, c’est comme ci, c’est comme ça ». Non !!! Il faut regarder et transposer à ce que ça donne dans notre société. Si on prend un bouquin comme Silent Voice on lit partout « ah ! Ijime au Japon ! Ijime au Japon ! », mais on a pareil en France et ça s’appelle le harcèlement, qu’il soit scolaire ou au travail. Et on n’est vraiment pas mieux en France ! En tant qu’élu municipal qui gère l’école de mon village, je peux vous assurer que j’en entends des vertes et des pas mûres sur le harcèlement à l’école. Partout. Seulement les Japonais ont, eux, la force d’en parler et ces mangas sont des vecteurs pour parler de l’être humain de manière générale.

Comment dénichez-vous ces titres, dans quel genre de magazines sont-ils publiés ?

Au même endroit que les autres en fait. Tous ces titres sont eux aussi publiés dans des grands magazines. Daisy a été publié dans Dessert de Kodansha, qui fait Say I Love You par exemple. C’est du manga mainstream, c’est aussi ça la force du Japon : c’est de faire de ces sujets de l’entertainment grand public. Colère Nucléaire est dans le magazine de Thermae Romae donc c’est aussi du mainstream… Encore que les notions de mainstream et d’indépendant existent au Japon mais de manière tellement plus complexe que chez nous, tellement moins dichotomique. Chez nous, c’est noir ou c’est blanc et là-bas t’as toutes les nuances de gris… et pas de Grey d’ailleurs (Rires).

Est-ce que l’engagement de ces auteurs les rend populaires au Japon ? Est-ce que l’on peut comparer cet engagement à celui de nos auteurs de BD Franco-belge qui sont connus pour ça chez nous ?

Ça dépend des auteurs, c’est assez différent…

Ça dépend des personnes ?

Oui voilà. Cela dit les auteurs japonais ont toujours beaucoup de modestie, c’est donc très difficile de tirer le vrai du faux, entre ce qu’ils pensent et ce qui est exprimé dans leur manga. Ils ne vont pas se mettre en avant et parler de leur ressenti. Au final nous sommes rarement en contact avec eux, ça ne facilite pas la chose non plus.

colere-nucleaire-1Cela dit l’auteur de Colère Nucléaire a été très critiqué. Son bouquin est très brut de décoffrage et il avait besoin d’exprimer ça, de dire ce qu’il avait sur le cœur, peu importe la forme que ça prenait. Il y a eu des réactions assez virulentes à son encontre, même si d’autres ont été beaucoup plus bienveillantes.

Mais la plupart du temps, quand tu peux parler avec les auteurs, ils te disent qu’ils n’ont pas forcément l’impression de faire un manga engagé, pour eux ils parlent simplement de l’être humain. C’est comme cette histoire de mainstream / pas mainstream : chez nous il y a les gens très militants et engagés d’un côté et ceux qui s’en foutent de l’autre. Au Japon, c’est beaucoup plus graduel, on peut vouloir dire les choses sans forcément se dire 300% militant ou être contre tout sans arrêt. Il y a cette grosse différence…

Ce n’est pas parce qu’on dit quelque chose qu’on est dans l’opposition…

Voilà et on ne rentre peut-être pas parfaitement dans des cases où l’on veut à tout prix nous enfermer.

En ce qui concerne la liberté d’expression de ces auteurs… Poison City tirait une sonnette d’alarme sur la censure au Japon. Est-ce qu’il y a de quoi être inquiet pour la liberté d’expression au Japon selon toi ?

Disons que dans une société moderne capitaliste où les médias sont contrôlés et au service des politiques et des grands groupes, il y a toujours un risque. Simplement aujourd’hui il y a plein d’outils d’information, il n’y a pas qu’un seul éditeur au Japon, il y en a plusieurs, des gros comme des petits. Le risque existe, mais la censure totale je n’y crois pas. C’est bien qu’il y ait des bouquins comme Poison City mais on n’en est pas là.

J’ai un très bon exemple, c’est Nana. Très clairement Ai Yazawa ne voulait pas continuer la série aussi longtemps, mais elle l’a fait. Or, à un moment dans le manga, Nana Ozaki a un monologue intérieur : elle voulait faire plutôt du punk et du grunge mais comme son groupe de musique cartonne, elle fait de la pop… Et ça la fait chier. Mais elle se dit, en substance, que puisque ça marche elle doit continuer dans cette voie, qu’elle n’a pas le choix. Elle se pose cette question à elle-même.

Très clairement, dans ce monologue, tu comprends qu’Ai Yazawa parle à travers son personnage : « ce n’est pas forcément ce que j’ai envie de faire mais je continue ». Et en lisant ça Shueisha et ses éditeurs comprennent bien ce qu’elle essaie de dire, ils ne sont pas bêtes. Mais ils décident de le laisser comme ça parce qu’ils ont l’intelligence de laisser leurs auteurs s’exprimer.

Après il y a des sujets tabous, comme l’Empereur. Mais nous sommes dans un monde où, si l’auteur a une vision plus internationale, il peut très bien être publié ailleurs. C’est ce qu’a fait Eiji Otsuka : Mishima Boys ne trouvait pas d’éditeur au Japon, c’était trop compliqué. Il nous a trouvé nous et il a pu repartir au Japon et dire « bon j’ai un éditeur en France » et ça a débloqué la situation.

Donc, voilà, il y a des risques et des tabous, mais il y aussi des éditeurs suffisamment intelligents pour laisser s’exprimer des auteurs et il existe toujours des solutions diverses pour que la création continue de se faire.

 

Shôjo : un secteur vaste… et complexe

Passons ensuite aux titres que vous aimez. S’il y a bien un secteur auquel vous êtes historiquement lié c’est celui du shôjo. Il a beaucoup souffert ces dernières années mais on entend à droite et à gauche que le rebond des ventes depuis fin 2014 s’accompagne d’une meilleure forme de ce secteur. En dehors d’orange, déjà évoqué, est-ce que c’est quelque chose que tu as globalement constaté ?

Humm… C’est compliqué. D’abord il faut savoir que les ventes de shôjo mangas ne sont pas des ventes immédiates, car il y a beaucoup de fond. Je l’ai toujours constaté même à l’époque de chez Delcourt : il y a des bouquins qui vont démarrer doucement, qui mettent plus de temps à s’installer et puis ils montent, ils montent et se vendent longtemps. Au final ça peut donc être ultra-rentable. Il y a pas mal de shôjos comme chez Kana avec l’auteur de Blue Spring Ride qui trouvent vraiment un grand écho, mais il y a aussi beaucoup de flops.

double-je-1Il y a des titres qui se vendent bien, chez Soleil aussi notamment, mais parmi ces titres dont on dit qu’ils se « vendent bien », il y en a beaucoup pour lesquels les ventes ne sont objectivement pas terribles. On dit qu’ils se vendent bien car il y en beaucoup qui sortent et que, comparativement, on peut dire que certains s’en sortent bien, forcément. Par exemple sur Double Je, je suis déçu par les ventes. C’était à nouveau un coup de poker car on ne partait pas sur un shôjo romance classique mais sur un shôjo polar qui réfléchit sur le système judiciaire, c’est un peu particulier, à la Akata quoi ! (Rires)

Mais je ne suis pas inquiet pour autant pour le shôjo manga : comme je le disais plus haut, notre départ de chez Delcourt a fait un trou, qui n’est pas encore comblé, parce que les gens ne savent pas le faire forcément comme nous –  encore que chez Kana il y a une ligne éditoriale plus proche.

Quand tu dis « le faire comme nous », c’est parce qu’il faut une certaine expérience pour faire du shôjo manga, pour bien choisir les titres ?

Ce n’est pas une question d’expérience ou de choisir les titres. C’est facile de faire de l’argent avec du shôjo manga. Simplement je n’ai pas envie de publier n’importe quoi. Ce qui est plus difficile c’est de savoir imposer des titres qui sont en peu différents.

L’époque de Delcourt a connu des très belles années avec des rafales de titres comme Otomen, Comme elles, Lollipop, … tout ça s’est très bien vendu et les titres avaient un vrai fond. Après je ne suis pas non plus inquiet pour l’année prochaine. En shôjo manga on va tirer notre épingle du jeu. J’en suis sûr à 300 % (Rires)

Ah, et quand est-ce que vous annoncez ce titre exceptionnel ?

Demain j’espère ! Si Shueisha répond, enfin.

On suivra ça alors, de près ! Après le shôjo, si on en vient maintenant au josei…

Alors d’abord le josei ça n’existe pas. J’avais fait un article dessus dans le magazine Manga 10 000 images (ci-contre ndlr) : le mot tel qu’il est utilisé dans pas mal de pays, c’est une appropriation des lecteurs étrangers qui l’ont un peu fantasmé. Les éditeurs japonais n’ont pas de chartes très claires à ce sujet : il y a juste du manga pour les filles et le reste on s’en fout un peu. Il y a des tranches d’âges mais ce n’est pas clairement défini.

On en revient à ce que voulait dire tout à l’heure alors, on veut mettre une étiquette sur quelque chose.

Exactement. Mais le josei n’existe pas, enfin pas tel quel. Même les éditeurs japonais ne l’utilisent pas tous de la même manière voir même de manière fluctuante au fur et à mesure du temps et des années, quand ils font des mises à jour sur leur site par exemple…

Ah carrément ?

J’ai un bon exemple, je vais prendre ma tablette et je vais aller sur l’e-shop de la partie e-book et je vais aller dans la partie manga et josei… Et on va rigoler ! (Rires)

Bruno s’exécute et constate…

Alors qu’est-ce qu’il y a de dans les nouveautés josei ? Il y a un shônen manga, Koi to Uso, dans du josei… Déjà on est mal barré. On voit Blue Spring Ride aussi, et puis même Hare Kon qui est un seinen manga plutôt « coquin » dirons-nous. Donc voilà ce terme ne veut rien dire au final !

Alors, reformulons : en ce qui concerne le shôjo dont les héroïnes sont plus adultes. Il y a plusieurs essais, que ce soit par vous à de nombreuses reprises ou récemment chez Komikku, mais le résultat est souvent décevant…

Si on appelle pseudo-josei les mangas issus de 2-3 catalogues japonais dans un format bien précis (toujours les mêmes) avec une femme adulte, ça marche très peu, mais chez Soleil il y a plein de titres où les héroïnes sont adultes, des titres venant plutôt de Shôgakukan, et je pense que certains trouvent leur public, même s’il faudrait demander à Iker (Iker Bilbao, directeur éditorial de Soleil Manga, NDLR) pour en être sûr.

Un drôle de pèreC’est vrai que chez Delcourt ça a été difficile, même si on a trouvé un bel écho pour Un drôle de père, qui continue à se vendre aujourd’hui.

Avant que le seinen ne se vende bien en France on a beaucoup entendu dire que le public masculin quittait le manga en grandissant. Est-ce que tu penses que le public féminin, qui est arrivé avec l’explosion du shôjo dans les années 2000, s’éloigne lui aussi de ce format en grandissant ?

Il y a aujourd’hui une diversité de l’offre culturelle adaptée au public féminin – sans être sexiste – qui s’est beaucoup élargie. Il y a des personnages féminins beaucoup plus forts, avec une vraie épaisseur, qui éclosent, que ce soit au cinéma, dans les séries télé, dans des œuvres qui sont fondamentalement mixtes. Du coup le public féminin arrive à se retrouver dans des titres de tous les genres, dans le manga comme ailleurs, et pas seulement dans une catégorie donnée.

En plus, du fait de quelques difficultés sur ce secteur à une certaine époque, il n’y a pas forcément eu beaucoup de propositions, donc comme les lectrices n’ont pas envie de lire toujours la même histoire et que la surproduction culturelle leur donne beaucoup de choix, elles se tournent vers d’autres choses. Après c’est toujours difficile à analyser et il faut se méfier des généralités mais je pense qu’on peut l’expliquer en partie ainsi.

C’est vrai que c’est difficile… Tiens puisque l’on parle de la mixité d’œuvre mature : quel est le public de Dans l’intimité de Marie par exemple ?

Euh je ne sais pas encore très bien à vrai dire… (Rires)

Je pense qu’on a beaucoup d’adolescentes. Cela dit j’aimerais bien qu’il y ait plus de mec qui le lise, ça les ferait réfléchir un peu.

Je sais que j’ai eu du mal à me faire un avis sur ce titre. Je me souviens que sur le tome 3 je me suis demandé pourquoi l’auteur avait voulu faire une double page sur les règles d’une fille vue par le héros…

Je pense que l’auteur est très intelligent et qu’il a une sensibilité très mixte, qu’il n’hésite pas à regarder le fond de l’âme humaine. Il a bien compris que, dans les sociétés modernes, c’est compliqué d’être une fille.

Il ne faut pas oublier qu’il montre ça dans un magazine seinen à coté de Ladyboys vs Yakuzas et de Zéro pour l’éternité et la réaction est d’ailleurs assez amusante à regarder. Beaucoup de mecs n’aiment pas parler des règles par exemple. Cela dit même quelques filles ont aussi été un peu choquées en France, parce que la société leur a mis dans la tête que c’était sale et qu’elles culpabilisent. D’autres ont dépassé ça  et elles peuvent rentrer dans le tas dans les débats parce que ça les saoule que certains en soient encore là. C’est pour ça que je pense que ce manga est décomplexant et que ça fait du bien.

L’acquisition des licences : un titre, une histoire…


Est-ce que votre départ de Delcourt a changé grand-chose dans votre rapport avec les éditeurs japonais ?

Oui et non. Là par exemple on va manifestement travailler avec Shueisha. Après, lorsque nous sommes en concurrence avec plusieurs éditeurs sur un titre, on a tendance à l’avoir moins souvent qu’avant… Delcourt pouvait sortir plus d’argent, d’une part, et certains éditeurs japonais peuvent se demander si Akata, maintenant qu’il est indépendant, sera encore là dans 5 ou 10 ans. On n’est pas inquiets, nous, mais eux peuvent l’être.

Paradoxalement, je pense que ça a renforcé nos rapports. D’abord on a eu beaucoup de soutien de la part de certains éditeurs japonais qui nous ont rapidement encouragés et nous ont exprimés leur confiance. Nous avons rapidement pu avoir leurs titres à notre catalogue.

De plus, à l’époque de Delcourt, lorsque nous parlions aux Japonais, nous représentions deux entreprises donc on devait toujours mettre des pincettes, dire que « ça c’est notre point de vue, mais on ne connait pas encore celui de notre partenaire ». Cela dit, ça ne nous a jamais empêché d’être francs avec eux, contrairement à d’autres on n’a jamais eu besoin de faire des courbettes hypocrites, et lorsque nous n’étions pas contents on l’a toujours dit.

En résumé, c’est plus compliqué sur les titres où nous sommes en compétition mais en tant qu’indépendant, c’est désormais plus facile puisqu’on peut s’exprimer plus directement et ça a renforcé nos rapports avec eux (en réalité, je parle surtout pour moi, car Dominique les connaît depuis tellement longtemps…).

Ceci étant, on ne trtelle-que-tu-es-1-kanaavaille pas encore avec Hakusensha (Fruits Basket, Berserk, Suicide Island, Le pacte des Yokai, etc. NDLR)… Et là je ne suis pas content d’eux et je leur ai dit plusieurs fois. J’estime que ce n’est pas normal car nous avons été ceux qui ont le mieux défendu leur catalogue et aujourd’hui il n’y a personne de meilleur que moi pour défendre leurs titres, je n’ai pas peur de le dire… et de leur dire !

Quels sont leurs titres qui auraient eu leur place dans le catalogue Akata selon toi ?

Typiquement, Telle que tu es. J’ai été le premier, tout de suite, à en parler à Hakusensha ! On a été les premiers à faire une offre… Kana l’a eu, malgré des résultats pas si brillants en shôjo mangas ces derniers temps. C’est pas très logique, mais bon… J’espère sincèrement qu’il trouvera son public, mais je pense que ça mérite un travail très spécifique et revendiqué. Sinon, La nouvelle vie de Nina, par exemple. Mais on ne voulait pas faire d’autres offres à Hakusensha tant qu’on n’avait pas de réponse pour Telle que tu es et ils ont mis un temps monstrueux à se décider. Du coup, on n’a fait aucune autre offre depuis très longtemps. Il n’empêche qu’à l’heure actuelle, leur catalogue est encore complètement sous exploité, mais évidemment, je n’en dirais pas plus…

Comment justifient-ils leur refus ?

Ils ont toujours refusé de travailler avec de nouveaux éditeurs. Ce n’est pas spécialement lié à nous, c’est une politique générale d’entreprise. Je ne le prends donc pas personnellement mais je ne suis pas content quand même. Je ne vais pas laisser tomber, mais continuer car je suis persuadé que pour bien travailler leur catalogue il faut une vraie vision éditoriale derrière.

Les derniers titres de cet éditeur qui sont sortis en France sont loin de faire des étincelles. Quand on dit que ces derniers temps, il y a des shôjo mangas qui se vendent un peu mieux en France, c’est tout le contraire pour eux ! Ils sont au ras des pâquerettes en ce moment, parce que je pense qu’ils ont mal été défendus. Mais je ne lâcherai pas l’affaire de toute façon. J’y arriverai un jour.

« Un jour je l’aurai ! » comme dit la pub (Rires)

Voilà. Je suis jeune, j’ai du temps !

magical-girl-end-01Puisque l’on parle d’acquisition de titres, comment Magical Girl of the End est arrivé entre vos mains ?

En fait… (Rires) En fait j’adore les Magical Girls, donc j’avais repéré le bouquin mais je n’avais jamais osé le commander. Je me disais que si je commandais ça, on m’enverrait directement bouler du genre : « Bruno tu nous fais chier avec tes trucs futiles » donc je me suis dit que ce n’était même pas la peine. Et il se trouve qu’un jour Dominique (Dominique Véret, le fondateur d’Akata, NDLR) ramène le titre du Japon. Mais il ramène le tome 2, car il avait flashé sur la couverture. Avec Nagy, on a donc sauté dessus et on a kiffé tout de suite car ça parle bien à notre génération. Sur les deux premiers tomes on a bien trippé mais c’est sur le tome 3 qu’on s’est dit « allez, on y va ! ».

Le tome 3 avec la fameuse révélation…

Oui, il révélait qu’il y avait vraiment un scénario. Comme on avait déjà un bon feeling on a fait une demande et ça a marché, et tant mieux parce que l’auteur est ouf et qu’il a une vraie vision pour son titre. Dans le dernier chapitre au Japon on voit qu’il est vraiment très fort !

Sur le même sujet… tu disais dans une interview à Gemini que chaque acquisition de vos titres a une histoire unique en fait. Est-ce qu’il y en a une qui t’a particulièrement marquée ?

Ouaaaah, c’est comme demander à un parent s’il a un enfant qu’il préfère, là ! (Rires)

C’est toujours des souvenirs… Il y en a qui sont plus classiques, plus standards, d’autres où tu luttes davantage. Magical Girl était un bon exemple mais Ladyboy c’est un peu pareil : j’avais repéré le bouquin mais je n’osais pas le commander, on n’avait pas encore créé la collection WTF ?!. Je me disais « ils vont me traiter de fou ».

Ça a tout changé quand on a créé la collection WTF ?! en fait.

Ça a été un déclencheur…

ladyboy-vs-yakuzas-1Ça a tout changé même en interne, dans le choix d’un certain type de livres. On s’auto-censurait parfois, on se disait que ce n’était même pas la peine d’essayer. Ladyboy je n’étais pas sûr que ça soit dans la vision Akata du manga. Avec la collection WTF ?!, ça devenait évident, il avait sa place.

On s’est redéfini en tant qu’individu et en tant que groupe, ça a mis une alchimie différente entre nous, qui n’est pas toujours évident à gérer.

Et donc la collection WTF?! se créé mais je n’avais pas encore commandé Ladyboy, même s’il était inscrit dans mes favoris de mon navigateur… Jusqu’au jour du rendez-vous à Francfort avec Futabasha. La responsable des droits avec qui je m’entends très bien me montre plein de livres. Il n’y avait pas grand-chose qui me plaisait mais je vois derrière qu’elle avait amené Ladyboy mais qu’elle ne le montrait à personne. Du coup je lui dis que je veux lire le bouquin qu’elle avait posé là-bas – je voulais le voir quoi ! – et après m’avoir demandé si j’étais bien sûr « parce que ça parle de viol quand même », elle me le file et je lis ça dans le train… Dans le train plein de business men qui reviennent de Francfort. Donc, ça aussi c’était assez drôle comme moment, certains me regardaient d’un œil chelou ! (Rires)

Ensuite je l’ai montré en interne sans souci parce que je savais qu’il avait sa place dans la collection WTF ?!

Après, pour revenir à ta question, c’est vrai que si je devais en donner un qui me tient particulièrement à cœur… Il y a notre futur best-seller de 2016 de chez Shueisha, que j’ai vraiment hâte d’annoncer. J’ai tellement envie que les gens le lisent !

Le temps qu’on publie l’interview ça aura été annoncé…

Oui, je peux te le dire de toute façon : c’est le nouveau titre de l’auteure de Switch Girl !! : Ugly Princess. Donc qui ne sera pas chez Delcourt. Au-delà de la réputation de l’auteure qui n’est plus à faire et qui garantit des ventes minimums, ce titre est complètement à contre-courant de ce qui se fait en ce moment, y compris au Japon. C’est une véritable bouffée d’air frais qui, tout comme Switch Girl !!, parle de la pression sociale des apparences.

C’est le genre de bouquin précieux qui peut sauver des vies. En tout cas, après avoir fini son best-seller, Natsumi AIDA s’est longuement demandé ce qu’elle devait dessiner ensuite. Sa conclusion , c’est qu’elle voulait dessiner une œuvre « que seule elle pourrait dessiner ». En fait, elle s’inspire beaucoup de sa jeunesse, dans Ugly Princess. D’une certaine manière, lire ce manga, c’est aussi une manière de la connaître la femme qui est derrière Switch Girl !!.

Question peut-être bête mais, pour ce titre… La bataille a dû être féroce, non ?ugly-princess-1-collector

La bataille a été féroce en effet…

Même si tu n’es pas l’éditeur japonais, qu’est-ce qui, selon toi, a fait la différence ?

Il y a eu une rencontre humaine, quand Natsumi Aida est venue à Japan Expo en 2012 et…

Bruno Pham poursuit, visiblement ému…

Parfois, il y a des gens qui expriment de la reconnaissance.

Et d’après ce que j’ai pu comprendre, on a aligné plus d’argent sur la table, même si entre les ragots et la réalité il y a toujours une différence. De toute façon, ça ne fait pas tout. Natsumi Aida savait que j’avais toujours été derrière Switch Girl !!, que c’est moi qui l’ai ramené en interne. J’ai déjà dû gueuler pour avoir Switch Girl !!, en fait, car au départ ce n’était pas nous qui l’avions, ce n’était pas chez Delcourt. Je n’étais vraiment pas content à l’époque, et je l’ai fait savoir à Shueisha. Du coup, ils ont dit à l’éditeur qui était parti pour l’avoir – le contrat n’était pas encore signé avec ce dernier – qu’ils mettaient tout en stand-by.

Quelques mois plus tard on avait Switch Girl !!. Je reste persuadé que ce titre n’aurait pas forcément trouvé le même écho si ce n’était pas nous qui l’avions publié. On avait tout de même une forte réputation à l’époque. Du coup, on avait autant l’image de marque, que la confiance de tous les professionnels. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que personne n’y croyait autant que nous (même si c’était en même temps l’angoisse de balancer en librairie un bouquin avec une héroïne qui se gratte les fesses !! C’était… tellement à contre courant ! Comme Ugly Princess aujourd’hui.)

Ce que j’ai appris c’est qu’ils avaient parlé de moi à Natsumi Aida à ce moment là et qu’elle a dit : « ben on le donne à lui ! S’il kiffe mon bouquin à ce point-là, j’ai envie que ce soit lui ! »

Ça, je l’ai su quand elle est venue à Japan Expo.

Au final, Shueisha ne nous a jamais dit pourquoi on avait eu Ugly Princess, donc ça reste des suppositions bien entendu. Mais de ce qu’ils nous ont dit, ils ont aussi vu qu’on y croyait vraiment à fond, avec un plan promo assez conséquent. Donc il y a ces trois choses, principalement.

Ce n’est pas la première fois que je l’entends ça, chez un éditeur : « on l’a eu car ils ont senti qu’on était prêt à vraiment s’investir à fond »

Ça dépend des éditeurs mais je suis assez persuadé que Shueisha a vu qu’on le défendrait mieux. Après, ils ont aussi vu nos résultats sur des livres comme orange, donc ça a forcément pesé dans la balance : ce sont des gens pragmatiques et ils ont raison de l’être.

Bruno Pham : le portrait en manga

Comme toute première interview avec un éditeur, on passe maintenant à quelques questions pour essayer de te découvrir davantage… On commence avec ton premier souvenir de manga !

Oh là ! Euh… Ce serait bien Vidéo Girl Ai, chez mon cousin, je ne suis pas sûr. En plus je ne l’ai pas lu tout de suite car d’abord ça ne m’attirait pas, et puis j’étais en famille alors je n’étais pas là pour lire des mangas. Mais je l’ai lu plus tard et j’ai beaucoup apprécié.

Sailor MoonQuel est ton premier souvenir marquant alors ?

Dans ce cas c’est la publication de Sailor Moon. J’étais content de découvrir enfin la version papier de la série… J’avais vu Akira, Appleseed et ce genre de titres mais ça ne m’attirait pas tant que ça, et je n’avais pas l’âge pour les lire de toute façon.

Seconde question : quel est le manga qui a suscité la plus grande émotion chez toi ?

Subaru… ou peut-être, quand même, ce que fait Natsumi Aida dans Ugly Princess. Le tome 4 c’est une bonne claque dans la gueule. Après il y a orange et… pfff en fait y en a plein ! (Rires)

Donc voilà je dirais d’abord Subaru, le tome 1, et Ugly Princess tome 4. J’étais fébrile quand je lisais les chapitres dans le magazine ! Une claque dans la figure !

Troisième question : le manga que tu donnerais à lire à ton pire ennemi ?

(Rires)

Alors attend, il faut que je trouve le titre… L’amour à tout prix, peut-être. C’était chez SeeBD je pense, chez Akiko.

Et pourquoi celui-là ?

Parce que… C’est un puits sans fond de nullité et de crétinerie humaine ! C’est le genre de livre qui rend bête. Je ne devrais pas dire ça, car c’est une auteure qui est connue et qui a une certaine carrière, mais je ne sais pas comment on peut créer des personnages aussi clichés, aussi creux, et faire un truc qui montre à ce point le pire de l’être humain.

C’est le genre de titre que je vomis. Après je me force à lire des choses qui ne sont pas pour moi, de ne pas prendre un titre ou une catégorie de titres de haut, il faut toujours aller au-delà de ses proches clichés. Mais ce genre de livre, ça me fait souvent de la peine, profondément, en tant qu’être humain…

Question 4 :  Le manga pour mieux comprendre Bruno Pham ?

Dans ce cas là il faut regarder Utena… L’anime.

Pour les messages passés, pour les valeurs défendues ?

Pour tout. Il y a tout dans Utena.

Question 5 : Le blockbuster sur lequel tu n’as jamais accroché ? Il y en quelques uns je suppose…

Lequel ? Il y en a trop ! (Rires)

On va dire Bleach. Je n’a jamais compris… Mais comme il n’y avait pas grand-chose à lire quand c’est sorti en France, je lisais tout, même ce que je n’aimais pas vraiment. Le grand paradoxe c’est que j’avais vraiment envie d’aimer Bleach car je kiffais totalement les couvertures, je me suis forcé à le lire pendant plein de tomes parce que j’avais juste envie de l’aimer, cette série. Mais je n’ai jamais réussi.

Question 6 : un flop injuste en manga…

simple-comme-amour-delcourt-1Y en a trop ! (Rires)

Je vais rester parmi les titres que j’ai sortis : Mitsuko Attitude, Parapal, Simple comme l’amour… Il y en a vraiment trop. Mais si je ne devais en citer qu’un je resterais sur Simple comme l’amour. Sur celui là je ne suis pas content après les gens qui n’ont pas fait leur boulot, mais en l’occurrence je ne parle pas de Delcourt mais de la presse culturelle et des pseudos experts de la BD. Quand il y a une auteure comme Fusako KURAMOCHI qui arrive en France ce n’est pas normal que tout le monde passe à côté, qu’ils ne comprennent pas que c’est une des figures majeures de la bande dessinée mondiale.

Le manga est un média qui a peu de visibilité par rapport au nombre de gens qu’il touche, même si ça a évolué ces derniers années. Quel regard portes-tu sur le travail de la presse vis-à-vis du manga, qu’elle soit généraliste ou spécialisée d’ailleurs…

Je trouve que c’est toujours très insuffisant. Je dirais qu’il y a du mieux, clairement, et il serait mal venu de me plaindre parce qu’on a du soutien, comme Colère Nucléaire qui est sélectionné par France Info. On a eu des vrais échos dans la presse généraliste pour Daisy, pour les Pommes Miracles, même avec Seediq Bale on a eu des très beaux articles. Nous avons du soutien de la part de certains journalistes, donc il y a du mieux. Après ça ne s’est pas fait tout seul, Dominique travaille énormément dessus, ce n’est pas facile.

Mais pour moi c’est encore insuffisant, parce que la presse reste dans un spectre trop franco-français et que des titres ne se font remarquer que lorsqu’ils parlent de tout sauf du Japon. Tu prends Bride Stories ou Arte récemment : ils montrent qu’on aime bien se regarder nous-mêmes et c’est très européen de toute façon. On a été foutre le bordel dans le Monde entier, que ce soit à travers le colonialisme ou ce genre de choses, et on refuse de voir notre responsabilité historique dans les maux du Monde d’aujourd’hui. La presse française exprime ça, dans les choix des mangas dont elle parle.

Quand un manga parle de nous et de notre histoire il trouve plus facilement sa place…

Ce qui est légitime. C’est normal. Mais ce qui me gêne c’est qu’on ne parle que de ça… C’est cet ethno-centrisme qui me dérange.

Question 7 : un titre que tu aurais aimé avoir dans ton catalogue ?

Le requiem du roi des roses

(Titre de Aya Kanno, une auteure publiée au Japon chez Akita Shoten découverte en France par Akata-Delcourt et dont les titres précédents étaient jusqu’ici publiés par eux, NDLR)

Je ne ferais pas plus de commentaires là-dessus…

Question 8 : Le prochain titre ou prochain tome que tu attends le plus, en tant que lecteur ?

Oh la la, difficile !

Là, j’ai eu ma dose il y a pas très longtemps donc c’est dur à dire ! (Rires)

C’était quoi cette dose ?

J’ai reçu mon colis avec plein de shôjo mangas de Shueisha dedans. Je suis un grand lecteur de leur shôjo !

Les shôjo de chez Shueisha ont quelque chose de particulier par rapport à ceux d’autres éditeurs japonais ?

De particulier je ne sais pas mais c’est sûr qu’ils ont de bons magazines. Après j’adore Hakusensha, j’aime bien quelques magazines de chez Kodansha… Mais ce n’est pas une question de savoir s’ils ont quelque chose de particulier, en fait, c’est juste savoir s’ils correspondent à mes goûts ou pas. Les shôjos manga de Shôgakukan correspondent peu à mes goûts sauf dans le magazine Flowers, qui signent tous les bides shôjos manga en France… Comme Seven Seeds ou plus récemment Les Deux Van Gogh, qui a été vendu comme un seinen d’ailleurs… no comment. Il y aurait un vrai sujet à faire là-dessus, tous ces shôjos mangas présentés comme des seinens ou des shônens…

Ça te dérange que la classification japonaise soit modifiée quand elle arrive en France ?

Si on utilise la classification japonaise on le fait bien, sinon on ne le fait pas. C’est pour ça qu’on n’a pas mis de classification japonaise sur la collection Akata… J’en ai marre de voir des titres qui, sous prétexte que ce n’est pas de la romance, sont retirés du shôjo. Le shôjo manga est le genre le plus riche au Japon donc pourquoi le modifier comme ça ? Ces changements sous-entendent beaucoup de choses sur ce qu’on pense être la production féminine et ça en dit long sur ce que certains éditeurs pensent sur les femmes.

En effet… Allez, pour en revenir à la question, quel est le prochain tome que tu attends ?

Je lis beaucoup de prépublication donc c’est plutôt des chapitres… Il y en a bien un mais je ne peux pas te donner le nom car j’attends le dernier tome avec impatience, mais il n’est pas sorti en France et je viens tout juste de récupérer le contrat !

(Rires) Effectivement ce serait délicat ! Mais on va rester sur ce titre mystérieux alors, ça mettra un peu de suspens !

Je vais le dire comme ça alors : j’attends beaucoup le tome 3 d’un shôjo manga qui se finit en trois tomes et que l’on devrait sortir au second semestre !

Un parfait teaser, merci !

Pour suivre l’actualité d’Akata, en savoir plus sur leurs titres ou lire les billets de Bruno Pham : direction le site internet de l’éditeur. Vous pouvez également les suivre sur Facebook ou Twitter. Enfin vous pouvez découvrir l’émission Shôjo Vorace sur You Tube, animée par Bruno Pham et dont le nom parle de lui-même. Voici le dernier numéro en date :

Remerciements à Bruno Pham pour ses réponses et son temps.

Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :

Akata (décembre 2015)

Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)

Glénat (mars 2009décembre 2012, janvier 2015)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Kana (novembre 2012 janvier 2014)

Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 avril 2011janvier 2012janvier 2013, avril 2014, février 2015)

Komikku (mai 2014)

Kurokawa (juin 2012,  décembre 2013novembre 2015)

nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu (octobre 2012, novembre 2014)

Pika (avril 2013, décembre 2014)

Sakka ( juillet 2015)

Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)

Tonkam (avril 2011)

Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 2013 et maintenant 2014.

Chroniques Manga : de la poésie à la noirceur, les émotions de janvier

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Sacré mois de janvier que nous avons là, pour débuter 2016. Il y a la déferlante One-Punch Man évidemment, impossible de passer à côté, mais il y a aussi une belle cohorte d’autres nouveautés… et finalement très peu de déchets. Pour faire court, on avait plutôt tendance à se régaler en ce début 2016. La semaine dernière je vous présentais Underwater chez Journal du Japon et cette semaine j’ai enchaîné avec L’ère des cristaux. Deux titres touchants, subtils, originaux… Pourvoyeurs de sympathiques émotions. Pourtant la moisson de janvier est loin d’être finie et je ne voulais pas passer à février sans vous parler de trois autres séries qui m’ont tapé dans l’œil, en attendant d’y consacrer un article plus complet. Voici donc les chroniques des Enfants de la Baleine chez Glénat, de Kasane chez Ki-oon, et je rattrape aussi mon retard en évoquant Ritournelle chez Komikku.

En route, et bonne lecture !

enfant-de-la-baleine-1-glenatLes enfants de la baleine #1 & 2 de Abi UMEDA chez Glénat : Très surprenant et envoûtant celui-là. Il commence comme un conte  : dans un monde où tout n’est plus que sable, un peuple vogue à la surface d’un océan de dunes sur un gigantesque bateau-ville, leur demeure depuis plusieurs générations. Ce peuple abrite des hommes et des femmes capables de manipuler le saimia, un pouvoir télékinésique qui se nourrit de leurs émotions. Malheureusement les propriétaires de ce pouvoir, les marqués, sont condamnés à mourir jeune. Ce sont les non-marqués, une petite minorité parmi les quelques centaines d’habitants, qui dirigent le bateau et qui sont les dépositaires de la mémoire collective.

Ce récit de voyage et de quête à bord de la Baleine de Glaise, leur bateau, fait d’abord penser à une sorte d’errance sans fin, tel un dernier bastion de l’humanité qui erre sur une terre désertée. Même lorsqu’ils vont tomber, un beau jour, sur un autre vaisseau, celui-ci semble abandonné. Le jeune Chakuro, héros de l’histoire, a beau en découvrir l’unique survivante, on est très loin de se douter que c’est le mécanisme d’une tragédie qui se met en place.

Durant les 150 premières pages on se laisse donc envoûter par ce monde sorti de nulle part, par ce vaisseau fait de maisons biscornues et protéiformes, dignes d’un univers Ghibliesque. Les personnages aussi séduisent: jeunes et pleins de vies mais fragiles et touchants. Chakuro, un marqué qui ne parvient pas à maîtriser son pouvoir, a l’âme d’un scribe et ressent régulièrement l’envie brûlante d’écrire pour inscrire l’histoire de son peuple et prolonger quelque part la vie de ses congénères, qui ne vivent qu’une trentaine d’année tout au plus.

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KUJIRA NO KORA WA SAJYO NI UTAU © 2013 Abi Umeda / Akita Publishing Co.

Loin d’adopter un ton mièvre, le récit détaille aussi une vie où il est interdit de trop se laisser aller aux émotions, et la cité n’a rien  d’un paradis : toute une partie de la population, qui refuse cette censure et les règles établies, est régulièrement emprisonnée et revendique son opposition à la gouvernance opaque des non-marqués. Mais il semble que, décennie après décennie, le statut quo demeure… et l’errance continue. Jusqu’à la fameuse rencontre avec cette survivante, dont on remarque tout de suite la froideur et l’absence d’émotion. Elle est évidemment auréolée de mystère… Sauf pour le conseil, qui semble comprendre à la fois d’où elle vient et qui elle est… Et ils choisissent de l’enfermer. Grâce à Chakuro, elle finit néanmoins par s’attacher au quotidien de la baleine grise, à ce peuple pacifique. C’est alors que tout va voler en éclat et que le drame va survenir : rapidement, brutalement, systématiquement.

Ma comparaison précédente avec l’univers des Ghibli était tout sauf fortuite car on retrouve cette vague d’émotion qui nous assaillit face à la cruauté, la bêtise, la violence de l’être humain envers ses prochains… La fin du premier tome et le début du second sont glaçants, mais je ne vous dit pas plus pour éviter de vous spoiler. Sachez juste qu’on ne décroche plus avant d’avoir refermé ce second opus. Les enfants de la baleine est donc une série à ne pas rater, qui n’usurpe pas ses magnifiques visuels et couvertures.

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KUJIRA NO KORA WA SAJYO NI UTAU © 2013 Abi Umeda / Akita Publishing Co.


Kasane Ki-oonKasane, la voleuse de visage #1
de Daruma MATSUURA chez Ki-oon : « La voleuse de visage« … c’est bien mystérieux tout ça, comme la couverture du premier tome. Ajoutez à ça la nomination aux Taisho Awards 2015 et d’autres prix au Japon et la publication dans l’Evening de la Kodansha (Gunnm, Moyasimon, Coq de combat,…) : tout ceci donne une certaine aura au titre, avant même sa sortie cette semaine aux éditions Ki-oon. Et la réputation n’est pas usurpée…

Voici le résume officiel, plutôt bien écrit : Kasane est une fillette au visage repoussant, presque difforme, régulièrement moquée et maltraitée par ses camarades de classe. Sa mère, actrice de premier plan célèbre pour son immense beauté, lui a laissé pour seul souvenir un tube de rouge à lèvres, et une consigne mystérieuse : « Si un jour ta vie devient trop insupportable, maquille tes lèvres, approche l’objet de ta convoitise, et embrasse-le. »
Le jour où, au bord du désespoir, Kasane s’exécute, elle fait une découverte incroyable : le rouge à lèvres légué par sa mère lui permet de s’approprier le visage de ses victimes ! À la fois malédiction et bénédiction, cet héritage va offrir à la jeune femme un avenir auquel elle n’osait rêver jusqu’à maintenant…
« La beauté est une bénédiction : elle permet de tout obtenir… même quand elle n’est qu’illusion.»

L’image que l’on a de soi et celle que l’on renvoie aux autres : voilà la thématique principale de ce récit. La transformation d’une héroïne recluse en personnage populaire n’est pas quelque chose de nouveau dans un manga, mais le traitement de Daruma MATSUURA démarque nettement son œuvre des autres. Il y a la cruauté de la situation, tout d’abord : Kasane EST  repoussante et défigurée, ce n’est pas juste une jeune fille rondouillarde et mal fagotée. Malgré un faciès souvent dissimulé sous une longue chevelure noire – histoire de faire fonctionner notre imagination – on perçoit un visage plus proche du batracien que de la jeune fille lambda. Et rien ne s’arrangera, même avec les années qui passent, et la beauté légendaire de sa mère ne fait que rajouter à l’ironie du destin et renforce le contraste.

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Cette différence avec ses camarades entraîne fatalement l’isolement, les moqueries, les mauvais tours. Sans parent elle est à la merci d’une tante qui l’a récupéré uniquement pour se donner l’image publique d’une femme généreuse mais qui ne cache pas son dégoût en privé. Ainsi, si on constate de facto la laideur, c’est plus souvent dans le regard des autres qu’on ressent réellement la difformité, par la peur et la révulsion qu’elle inspire. Mais notre héroïne est habituée à ces visages dégoûtés. Elle en souffre mais avec les années elle a appris à éviter et à fuir cette antipathie. Ce qu’elle ne soupçonnait pas, c’est ce que sa vie pourrait être si elle était belle. L’avant-gout qu’elle va en avoir, le jour de sa première transformation, est un véritable choc, un shoot d’amour et d’adrénaline sous la lumière des projecteurs. Associé à un véritable don pour le théâtre – qui réussirait presque à faire oublier son apparence – cette nouvelle beauté fait de  Kasane une actrice adulée par toutes et tous.

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Néanmoins, comme je le disais plus haut, l’histoire est cruelle. Il lui faut voler un visage pour devenir belle, la victime se retrouvant défigurée dans l’opération. Mais le charme est réversible et ne fonctionne qu’à certaines conditions, et Kasane se retrouve telle une cendrillon qui doit retourner à sa triste existence une fois minuit passé. L’amour et les applaudissements du public sont-ils réellement pour elle ? Comment y re-goutter à nouveau  sans que le secret ne s’évente ? Que faire de la femme enlaidie pendant que Kasane profite de son séduisant costume ?

Avec le théâtre comme fond rêvée pour ce conte ensorcelé, ce premier tome de Kasane captive par son récit vénéneux qui va de rebondissement en rebondissement, tandis que son héroïne torturée risque bien d’enlaidir son âme en embellissant son visage. Diablement prenant !

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RitournelleRitournelle
 de Aoi IKEBE chez Komikku: Fin 2015 Komikku lançait sa collection Horizon, largement inspiré des collections Latitudes de Ki-oon ou Écritures de Casterman. Parmi les premiers titres proposés, Ritournelle mérite donc qu’on s’y arrête deux minutes… C’est d’abord un bel ouvrage : ce one-shot fait honneur à son coût assez élevé (18 euros) en proposant de très belles couleurs, qui rendent hommage au graphisme très doux de la mangaka, tout en poussant l’immersion grâce à des pages extrêmement soignées : les contours des cases sont ornementés de motifs fins et élégants et le reste du cadre de la page est tramé  dans toute une gamme de couleurs – qui varie et développe différentes ambiance – dans un rendu proche du marbre. C’est très réussi et cela résonne assez bien avec l’histoire elle-même. Ah !  J’ai failli oublié de vous parler du scénario d’ailleurs !

L’époque ou le pays du récit sont volontairement passés sous silence, car Ritournelle c’est surtout l’histoire d’un bâtiment iconique : un couvent et la vie de ces habitantes il y a quelques centaines d’années, à l’époque où la foi était l’alpha et l’oméga de nombreuses vies. En lisant ceci, je suppose que les réfractaires à la religion ont plutôt une réaction de rejet ou au moins de profonde méfiance, tout comme votre athée de chocobo (qui ne croit que dans la plume de phénix et les légumes de Gysahl, à al rigueur). Heureusement, Ritournelle n’a rien d’un prêchi-prêcha qui cherche à vous vendre les Saintes Écritures avec un paquet d’hosties en bonus. C’est presque le contraire.

La vie dans ce « sanctuaire » pour nonnes nous est présenté à travers le regard de deux générations : celui d’une jeune orpheline recueillie par l’église, Amilah, qui doit chaque jour participer aux très nombreuses taches pour entretenir la chapelle, sous les ordres de sœur Marwena, modèle de perfection au visage fermé et souvent songeur, souvent tourné vers le monde extérieur, avec qui elle semble entretenir un lien… étrange. Marwena, entièrement dévouée à sa foi, irrite ses consœurs par sa perfection et n’épargne rien à la jeune Amilah, mais il y a beaucoup à découvrir derrière le voile des apparences… Et la gentillesse de certains pourraient bien faire voler en éclat la plus solide des armures. Dans Ritournelle la foi est donc un chemin arpentée par plusieurs femmes, mais n’est en rien un point de départ ou d’arrivée et ce sont ces destinées faites de détours et passages secrets qui font tout le sel de cette histoire, bien plus que la religion elle-même, qui est surtout prétexte au recueillement et à l’introspection dans un cadre communautaire strict, certes, mais qui se veut paisible et apaisant.

On obtient donc une oeuvre belle, originale, réfléchie, sur le rapport épineux aux autres et la définition – ou la nécessité – du bonheur. Une belle lecture en somme…

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© 2014 Aoi Ikebe (AKITASHOTEN)

Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des sessions de lecture en live. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?

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Chroniques Manga : O Seinen ! My Seinen !

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Après un mois de janvier, des plus riches en bonnes lectures,
je craignais un creux en février, un peu d’ennui dans ma masure.
Que nenni mon bon ami,
trois seinens étaient de la partie.
Fantastique, anticipation, thriller ou horreur,
ont ajouté bonne dose d’action, narration palpitante, embellissant mon humeur !
Donc, mon bon ami, trêve de ritournelles ou autres qualificatifs,
voici les chroniques de ces trois titres que, ô mon capitaine, je kiffe !
O seinen ! My Seinen ! Rise up and hear the tales !
(et big up Walt Whitman !)


Dimension W 8Dimension W #8
de Yuji IWAHARA chez Ki-oon : Et là je dis, une fois de plus, MONSIEUR IWAHARA. Tout est réussi dans ce tome. On commence par cette sublime couv’, avec l’un des personnages les plus énigmatique de l’histoire, armé d’un sourire qui l’est tout autant, dans un mariage de jaune, violet-gris et noir diablement efficace. Et toujours ce revêtement phosphorescent que l’on oublie et que la nuit nous rappelle (« punaise mais c’est quoi cette lumière sur ma table de chevet ?!!! Ah oui, c’est vrai !« ).

Heureusement le contenu vaut sans problème le contenant. Notre groupe de récupérateurs mené par Kyoma et Mira se rapproche de l’endroit où s’est produit la mystérieuse explosion, et les chemins de nos différents protagonistes, jusqu’ici éparpillés sur l’île, semble converger… D’abord enfermé dans ces souvenirs, Kyoma s’en extirpe et la mémoire lui revient par fragments. Malheureusement les souvenirs de son passé de combattant ne sont pas les seuls à revenir : les anciens compagnons d’armes de Kyoma qui n’ont pas eu la chance de revenir entier de la Dimension W ont été transformés en zombie et manipulés par un assassin de la confrérie Eudos, dont on ne sait pas grand chose non plus. Avec cet arc au cœur d’une île maudite, voici que le polar d’anticipation prend de l’ampleur et vire au thriller, toujours gorgé d’action.

Avec 8 itérations au compteur, on connait maintenant bien les protagonistes – nous y sommes attachés, même – et on ne demande qu’à les voir poussés dans leur retranchements pour qu’ils évoluent, maintenant que leur passé commence à été mis à nu. Kyoma le taciturne râleur est sous les projecteurs et le fait qu’il soit en plein doute fait remonter des émotions qu’on a peu l’habitude de lire sur son visage… A ce titre, la fureur mêlée de tristesse qui explose en fin de tome est tout simplement grisante. Comme ce fut le cas pour Tokyo Ghoul avec son volume 7, la séquence en cours de Dimension W est donc des plus prenantes.

Si on ajoute les doubles pages somptueuses de Yuji IWAHARA, ses lignes de force variées et hyper bien placées, ses zooms et dézooms super dynamiques, son talent pour la superposition des plans et des cases… La conclusion est simple : ce manga est toujours aussi canon de chez canon !

Dimension W8 planche 4 copie

Ajin 4Ajin#4 de Gamon SAKURAI chez Glénat: je ne vous avais pas reparlé d’Ajin depuis son premier tome en juillet dernier, même si je partageais souvent mon intérêt pour le titre sur les réseaux sociaux. Mais ce tome 4 mérite un nouveau coup de projecteur car un scénario qui mûrit et de bonnes doses d’adrénaline sont au programme…

Ajin c’est ce titre où certains humains s’aperçoivent du jour au lendemain qu’ils ne peuvent pas mourir – ou plutôt qu’ils ressuscitent à chaque fois – et qu’ils sont les seuls à percevoir un étrange fantôme qui leur sert de compagnon. Du côté du gouvernement on a pu découvrir dans les trois premiers volumes que les pires atrocités sont conduites sur les Ajin afin de les étudier, dans le plus grand secret : on écrase, on découpe, on flingue, on tue et re-tue à longueur de journée, sans se soucier de l’humain qui est leur cobaye, pourtant capable d’éprouver la douleur de chacune de ces séances de tortures. « Pour vivre heureux, vivons cachés » : tel est l’adage des Ajin jusqu’ici, mais un certain Sato a décidé de changer la donne en passant un appel public au regroupement des Ajin. C’est sur cet appel et sur l’évasion de Kei, le héros de notre histoire, d’un centre d’expérimentation gouvernemental, que nous nous étions quitté au volume précédent.

Dans ce volume 4, sept Ajin font le déplacement pour écouter ce que Sato a à dire, mais le projet terroriste que ce dernier leur dévoile ne va pas convaincre tout le monde. Sato n’est pas décidé à laisser les mécontents entraver son chemin et tentent de les réduire au silence mais l’un d’eux, le jeune Nakano, parvient à s’échapper, in extremis.

Ajin planche

Une nouvelle course poursuite se met alors en place pour Nakano, qui tente de fuir le groupe de Sato puis les hommes du gouvernement qui ont décelé sa trace et qui cherchent à le capturer. Les circonstances vont alors pousser Nakano jusqu’à la planque de Kei… Mais le relation entre ces deux-là va démarrer de manière assez singulière. Pendant ce temps Sato prépare son plan et l’officialise, une fois de plus en public : « mercredi à quinze heures, nous ferons exploser le siège des Laboratoires Grand.»

ajin tome 8 planche 2Après avoir pas mal tergiversé – ou présenté confusément – le fil conducteur de son histoire et ses intentions scénaristiques, Gamon SAKURAI structure son récit et nous permet de sortir du brouillard. Il fallait sans doute ces trois tomes pour que l’immersion se fasse et que chaque protagoniste prenne sa place. Temps nécessaire également pour que le héros, Kei, parvienne à prendre pleinement conscience de sa condition et des alternatives qui lui sont offertes. Mais maintenant, ça y est, la série est lancée et ce volume 4 confirme qu’elle est sur d’excellent rail.

Sato est un bad guy à la désinvolture glaçante et se moque totalement du sang qu’il peut avoir sur les mains : il est en guerre et persuadé de sa toute puissance, a des envies de revanche envers ceux qui l’ont maltraité et se montre redoutablement intelligent. Kei lui aussi n’est pas en reste, surtout depuis qu’il est passé entre les mains des scientifiques du gouvernement : il a mis ses émotions de coté et a appris avec méthode à utiliser ses pouvoirs, et nous en fait la démonstration de manière extrêmement efficace :un modèle de sang-froid et de détermination afin de sauvegarder une existence tranquille. Mais si on se doute bien que ça durera pas.

La narration et le scénario murissant, il n’y a donc plus aucune raison de ne pas découvrir et d’apprécier Ajin, car ce seinen de chez Kodansha avait déjà son excellente qualité visuelle pour lui : dessins regorgeant de détails, belle gestion des perspectives et un talent certain pour passer d’un cadrage serré ou américain à des plans larges voir hyper larges. Lors des multiples chutes et sauts qui parsèment la série, cette alternance donne presque le vertige aux lecteurs et confère à l’atterrissage un impact retentissant. Ensuite, Ajin a aussi des solides arguments dans des phases d’actions plus « horizontales » avec des excellentes idées tant chorégraphiques que martiales, incluant à merveille la capacité de mourir à l’infini dans la façon de se battre des protagonistes. On se croirait par moment avec des héros de jeu vidéo, capable de mourir à l’infini et de tester des expériences fatales juste pour par curiosité du résultat…

Bref, graphiquement, scénaristiquement et narrativement la série est maintenant en place : tous les ingrédients sont maintenant pour en faire une réussite !

Anguilles-demoniaques-1-komikkuAnguilles démoniaques#1 de Yusuke OCHIAI (dessin) & Yû TAKADA (scénario) chez Komikku : connu pour être l’auteur qui a lancé les éditions Komikku avec l’île infernale, Yusuke OCHIAI avait séduit par un bon coup de crayon et une bonne mise en scène mais on retenait aussi quelques difficultés sur le scénario, confirmé par son one-shot Moon Shadow sorti la semaine dernière, amusant mais assez répétitif. Ainsi cette adaptation d’un roman noir de Yû TAKADA est une excellente occasion pour OCHIAI de faire ce qu’il fait le mieux : dessiner, installer une ambiance, créer des angoisses chez le lecteur qui devient rapidement addict à cette descente en enfer.

Dans Anguilles démoniaques, c’est Masaru Kurami, un trentenaire japonais à l’imposante carrure, qui va s’enfoncer dans l’horreur. Criblé de dettes de jeu, il est obligé de devenir l’usurier de Chiwaki Entreprise : recouvrement de dettes, transport de marchandises, extorsions et prostitution déguisée, voici la nouvelle vie de notre timide yakuza. Mais sa grande stature et sa timidité qui lui confère un aspect taciturne font de lui un homme doué à sa tache et Chiwaki, son boss, mise beaucoup sur lui, quitte à lui faire la boule à zéro et à lui fabriquer un nouveau look pour le rendre encore plus inquiétant.

Malheureusement l’histoire ne s’arrête pas là et, un beau jour, Masaru se voit confier une étrange tâche : livrer un container chez un éleveur d’anguilles dans le quartier lugubre de Kuromu. Le salaire est bon, très bon, mais il ne faut pas poser de question : ni sur l’employé défiguré qui travaille chez l’éleveur, ni sur le frère du boss qui tient la place et à qui il manque presque tous les doigts, ni, SURTOUT, sur le contenu du container. Même si ce dernier semble faire du bruit à l’arrière du camion. Sa mission, le quartier, les éleveurs d’anguilles : tout ça va rapidement obséder Masaru, même une fois le travail effectué. Quand, quelques semaines plus tard, son boss va lui demander de gérer une nouvelle livraison, Masaru risque bien de plonger encore plus profondément dans l’antre du démon !

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L’horreur est donc à l’honneur, même si c’est plus la violence des émotions et l’angoisse que génère le non-dit qui fait palpiter le cœur du lecteur pour le moment, beaucoup plus que des gerbes de sang qu’on nous sert parfois dans ce genre de récit. Masaru est tout de suite identifié comme un bon garçon qui s’est laissé entraîné par l’appât du gain et qui s’échine désormais à faire amende honorable pour vivre un nouvelle vie, pour lui et une charmante épouse qui a aussi eu sa part d’obscurité. Ce gros ours plutôt dans le repentir est surtout loyal à ce boss qui lui a donné une seconde chance. C’est à travers ses yeux et dans ses journées presque ordinaires, pour un malfrat tout du moins, que l’on sent monter progressivement l’inquiétude. Vient alors ce tournant, avec l’arrivée dans le quartier sordide de Kuromu : ce travail est clairement une autre paire de manche et les responsables de l’élevage des anguilles font froid dans le dos. Comme Masaru, on en ferait facilement des cauchemars, se demandant ensuite si on a bien rêvé, d’abord, puis si la réalité ne serait pas encore pire.

Qu’adviendra-t-il de notre montagne de muscle dans ce monde des plus cruels ? Avec cette série en 3 tomes dont le premier sort la semaine prochaine, on devrait le savoir assez vite !

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Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse avec pas mal de nouveautés arrivées cette semaine… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?

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[Interview éditeur] Ki-oon : to the next level !

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Ahmed AGNE - Crédit Photo ©Le Monde.Fr

Interview éditeur : c’est reparti ! Afin de réaliser le Bilan Manga 2015 de Journal du Japon (fait avec passion, lisez le !) je suis reparti à la rencontre de trois éditeurs, dont je vais vous proposer les interviews complètes ce mois-ci. On commence par celle des éditions Ki-oon, un éditeur à l’actualité des plus riches, qui va potentiellement passer du statut de challenger à celui de leader dans les années qui vont venir, grâce à l’acquisition d’une licence à gros potentiel : My Hero Academia. Même sans ça, il y a beaucoup à dire : publication de manga à la française, bilan 2015, choix de licences, d’auteurs ou de segments du manga pour continuer de construire le catalogue… C’est comme toujours avec plaisir qu’on accueille Ahmed AGNE, le directeur éditorial pour évoquer tous ces sujets et plus encore !

Donc en route pour l’interview… et bonne lecture !

Actualité : de la France à Shueisha

Bonjour Ahmed AGNE,

Tremplin-Manga-Ki-oon (©Manga.Tv)

Tremplin-Manga-Ki-oon (©Manga.Tv)

Commençons l’interview par votre actualité : vous avez annoncé le mois dernier votre second tremplin manga ! Où en êtes-vous du premier ?

Nous avons fait la remise des prix au mois de mars 2015 à la MCJP et nous sommes en train de travailler avec Shin qui a remporté cette première édition et qui avance sur sa nouvelle série.

Les gens s’imaginent parfois qu’un manga se fait en six mois mais ça ne fonctionne pas comme ça ! Nous travaillons depuis 8 mois sur ce projet et c’est uniquement ce qu’il faut pour réfléchir à l’histoire, à l’univers, aux personnages, et pour commencer à travailler quelques chapitres. Et donc, c’est une série que je ne m’attends pas à lancer avant, au mieux, 2017. Ce délai vaut pour les auteurs français comme pour les auteurs japonais : quand nous travaillons avec Tetsuya TSUTSUI sur une nouvelle série, il faut bien compter deux ans avant que le premier tome ne paraisse.

En tout cas, ne vous inquiétez pas, elle est bien vivante ! (Rires)

C’est la seconde édition de ce tremplin, c’est donc bien parti pour une annualisation du concept ?

Oui. L’idée n’est pas de faire un coup d’épée prudent dans l’eau pour voir si ça marche ou pas. Nous lançons plusieurs projets et nous voyons ça comme un combat sur le long terme. Nous avons un premier projet français qui va paraître cette année, et qui sera notre toute première création française, puis le gagnant du premier tremplin sortira probablement en 2017 et j’espère que celui de cette année pourra être publié en 2018. Ce que je veux éviter à tout prix, c’est de lancer une série dès que le premier tome est prêt car le principal handicap du manga français vis-à-vis du public ou du manga japonais c’est son rythme de parution : le lecteur n’est pas habitué à avoir un tome 1 en janvier et devoir attendre 1 an pour avoir le second. Donc nous accumulons le maximum de planches avant de lancer une série pour pouvoir la publier à un rythme raisonnable, au moins sur ses trois ou quatre premiers tomes.

L’urgence n’est donc pas de mise.

Tremplin-Manga-Ki-oon

D’autant qu’il vaut mieux s’assurer de la qualité de ce que vous sortez car il y a toujours quelques réfractaires au manga français…

Ah il y en a plus que « quelques » ! (Rires)

Ça nous oblige à réfléchir mûrement la manière dont nous les présentons et dont nous les lançons. C’est ce que nous avons essayé de faire, en tentant des choses un peu différentes et nouvelles pour notre projet français de 2016.

 

Ensuite on poursuit avec votre nouveauté leader de 2016. On ne connait pas tout votre catalogue pour cette année mais on se doute qu’elle est dans le haut du panier : je parle bien sûr de My Hero Academia !

Yeaay !

My-Hero-Academia-Tome-1Racontes-nous l’histoire de l’acquisition de cette licence !

C’est toujours compliqué de parler du contexte d’une acquisition car il y a des choses confidentielles  qu’on ne peut pas partager avec le public. Mais on peut commencer par dire que Ki-oon n’a pas une image de gros éditeur de shônen. Notre catalogue est plutôt orienté seinen, et je suis moi-même moins lecteur de shônen que je ne l’étais il y a quelques années

Mais celui-là… Eh bien celui-là m’a littéralement foudroyé sur place : il est frais, barré, ne se prend pas au sérieux, ne multiplie pas les héros poseurs. C’est un récit porté par une galerie de personnages humains et éminemment sympathiques, qui évoluent dans un univers aux possibilités immenses.

Pour autant ce n’était pas gagné d’avance car nous avons qu’une relation très courte avec Shueisha et que My Hero Academia avec son statut de nouvelle série phare du Jump attisait évidemment de nombreuses convoitises. Elle est déjà très mise en avant par Shueisha au Japon, et au-delà de ça, c’est une série qui a été portée par un engouement immédiat et exceptionnel des lecteurs nippons dès ses premiers chapitres.

Ce n’est pas rare qu’un éditeur japonais s’essaie à la « fabrication » d’un blockbuster en donnant un cahier des charges très précis à un auteur. Mais c’est voué à l’échec dans 95% des cas. Un phénomène ne se créé pas sur commande. On ne fabrique pas un Harry Potter ou un Star Wars : c’est une œuvre qui part d’une démarche sincère, et c’est le public qui décide de sa destinée en y adhérant ou pas. C’est ce qui s’est passé avec My Hero Academia pour lequel il y a eu un vrai plébiscite des lecteurs. Il a été classé numéro un des votes très tôt ce qui est rarissime pour une œuvre qui débute.

Evidemment, les éditeurs de Shueisha sont très intelligents et quand ils voient qu’une série a ce potentiel, ils la mettent en avant et font tout pour l’imposer très tôt.

Est-ce que c’était votre première demande de licence shônen chez eux ?

Nous avions déjà un titre, Ad Astra, qui est la première série que nous avions demandé chez eux. My Hero Academia c’est la deuxième pour laquelle nous avons postulé. Du moins, ça fait partie de notre seconde vague d’offres pour être plus précis.

Et quand tu as fait ta demande… tu l’as faite parce que tu t’es dit que ça valait le coup d’être tenté mais sans trop y croire, ou tu t’es dit que tu avais de bonnes chances de l’avoir ?

Non ce serait mentir de dire que nous étions certains de le décrocher, tout comme Kurokawa ne partait pas en pôle position pour One-Punch Man. Nous n’avions chacun qu’une série chez Shueisha et un historique de collaboration très court. En face il y avait des éditeurs historiques installés depuis longtemps. La « logique » destinait plutôt ces titres à eux qu’à nous, les petits nouveaux.

Maintenant, pourquoi ils ont décidé de nous le confier plutôt qu’aux historiques, je ne peux pas répondre à leur place… Tout ce que je sais c’est que ça a été une négociation très longue, et que nous avons fourni le plan marketing le plus ambitieux que nous ayons jamais réfléchi chez Ki-oon, ce qui n’est pas peu dire car nous sommes connus pour la qualité de nos mises en avant… Nous avons proposé un projet où nous soutenions le titre sur le très très long terme, sur plusieurs années.

my-hero-academia-ki-oon-annonce

Autre point important, je ne me suis pas positionné sur One-Punch Man. Non pas que je n’aime pas cette série mais quand il y a deux titres aussi importants sur le marché il est complètement utopique de croire que l’éditeur japonais va te confier les deux. Si tu te positionnes sur les deux tu fais deux demi-plans demi-convaincants et tu éparpilles ton temps de parole… Je voulais qu’on se concentre sur My Hero Academia et qu’on lui consacre 100% de notre temps de cerveau disponible. D’une part parce que c’est celui des deux que je préfère, et aussi parce que j’y crois beaucoup plus sur le long terme. Peut-être que ça s’est ressenti dans mon discours.

Oui, le fait de prendre ce risque en misant tout sur un seul a sans doute montré votre engagement…

Le pari n’est pas forcément évident vu de loin car My Hero Academia n’a pas du tout la même pré-notoriété qu’un One-Punch Man. OPM est la licence manga la plus attendue en France depuis trois ans, il disposait avant même son lancement d’une communauté impressionnante de fans, et son auteur MURATA a déjà vendu plus d’un million d’exemplaires chez nous avec Eye Shield 21. Vu l’historique et le niveau d’attente, il était clair et net que son démarrage allait être phénoménal !

Avec My Hero Academia, nous sommes vraiment au début du phénomène, et le combat court sur le long terme. One-Punch Man va marcher très très fort, et très vite, mais ne durera peut-être pas très longtemps. Pour My Hero Academia, même si nous n’avons pas du tout les mêmes attentes en termes de lancement, je suis persuadé que ce titre peut devenir, dans le futur, la locomotive du marché du manga au Japon et en France, au même titre qu’un One Piece. On verra dans 5 ans si le pari était judicieux ou pas.

My Hero Academia Shonen JUMPQu’est-ce que ça t’inspire quand on dit que cette série est « le nouveau Naruto  » ?

Il faut évidemment faire très attention à la manière dont cette comparaison doit être comprise : ce n’est pas le nouveau Naruto dans le sens scénaristique du terme, car ce sont deux histoires qui n’ont pas vraiment grand-chose en commun. C’est le « nouveau Naruto » dans le sens où la place qu’occupait la série de Masashi KISHIMOTO dans le Jump a clairement été reprise par My Hero Academia. Ce statut de nouveau Naruto, vient aussi du fait que Masashi KISHIMOTO lui-même a déclaré être persuadé que My Hero Academia était la série qui allait prendre la place de Naruto dans le Shônen JUMP. Ce n’est pas dit à la légère. Et ça en dit long sur les attentes que suscite My Hero Academia au Japon.

Pour ce lancement, vous prévoyez combien d’exemplaires sur l’année ?

Six. Nous en sortons deux en avril et après il y en a un tous les deux mois. Ce sera à peu près la même chose en 2017 a priori.

Et il y a un anime qui arrive c’est ça ?

Oui en avril, presque en même temps que le lancement du manga. Pour le moment c’est la guerre absolue entre les différents diffuseurs pour obtenir les droits de la série en France, et ce n’est pas encore décidé à l’heure où nous parlons (fin janvier, NDLR).

Après avoir publié plusieurs titres de chez Kodansha, vous voilà donc à travailler avec Shueisha… Travaillez-vous avec tout le monde maintenant où reste-t-il encore des éditeurs japonais à convaincre ?

Alors « à convaincre », non. Ils nous connaissent tous. Ceux avec qui nous ne travaillons pas c’est parce que nous n’avons pas encore trouvé de titres qui correspondent à notre ligne éditoriale pour débuter une collaboration. Shueisha était donc le dernier gros rempart à franchir… Il nous reste maintenant à faire nos preuves pour montrer qu’ils ont eu raison de nous accorder leur confiance.

Mais nous n’arrêtons pas de travailler avec les autres pour autant ! (Rires)

Bien sûr ! Et avec tous ces éditeurs nippons avec qui tu collabores, donnes-nous ton top 3 des magazines de prépublication, comme ça sans trop réfléchir !

C’est très compliqué de répondre à cette question parce qu’un magazine de prépublication évolue très vite, et que ses séries changent tout le temps. Parfois pendant six mois mon préféré sera l’Afternoon, le Haruta ou le Young Gangan. Mais ça change trop souvent pour que j’arrête un avis définitif. Typiquement le Big Gangan n’était pas un magazine que je suivais avec assiduité mais maintenant que Übel Blatt, Dimension W et la dernière série de Yuko Osada y sont publiés, je le suis avec plus d’attention que par le passé. De même je mentirais si je disais que j’étais un lecteur acharné du Shônen JUMP avant My Hero Academia, car je surveillais juste les nouvelles séries. Mais maintenant dès que l’exemplaire arrive je me jette sur l’enveloppe, je l’arrache et je le dévore dans la foulée.

 

2015 : le début d’une nouvelle décennie

Quel est, tout simplement, ton bilan 2015 pour les éditions Ki-oon ?

A Silent VoiceUne excellente année. Nous avons cinq nouveautés Ki-oon dans le top 10 des meilleurs lancements, dont le meilleur lancement avec A Silent Voice, et nous avons progressé au total de 7.4% en volume (soit 1.06 millions d’exemplaires vendus pour 2015) et de 7.8% en valeur. Bref, une très bonne année pour Ki-oon mais aussi pour le manga en général.

Je suis d’autant plus content que A Silent Voice, que je présentais comme un coup de cœur, a immédiatement trouvé son public. Je savais qu’il fonctionnerait bien sur le long terme avec le bouche à oreille mais c’est vraiment une bonne chose qu’il ait décollé si rapidement, surtout que ce n’est pas le profil de titres qui truste les charts d’habitude. C’est l’histoire d’une sourde qui tombe amoureuse de son ancien bourreau, ça parle d’acceptation du handicap dans la société et de harcèlement scolaire, des thématiques très atypiques.

Ce qui me rend particulièrement heureux avec le succès de ce titre, c’est que nous avons pu toucher de nombreux de lecteurs qui ne sont pas consommateurs de manga habituellement… De la même manière qu’avec Poison City, qui fait aussi partie du top 10 des meilleurs lancements, nous avons pu attirer des lecteurs qui se sont intéressés avant tout à la thématique de l’ouvrage plutôt qu’à son format. Même avec Inuyashiki, dans une moindre mesure, nous avons réussi à dépasser le public manga.

Ça me fait plaisir parce que, même si je suis content que Secret et King’s Game soient dans le top 10 eux aussi et que notre lectorat cœur de cible continue de nous suivre et de nous soutenir, mon obsession c’est l’élargissement et le renouvellement du lectorat potentiel… Justement, une anecdote amusante avec le commentaire le plus mignon de l’année sur A Silent Voice,  d’un lecteur qui avait acheté son tome sur un site de vente en ligne : « Bonjour, je ne comprends pas car cet ouvrage a l’air extrêmement intéressant mais l’exemplaire que j’ai reçu était monté à l’envers. » (rires) Savoir qu’on a pu toucher des lecteurs qui n’ont jamais lu de manga de leur vie et qui commencent avec A Silent Voice, c’est extrêmement gratifiant.

Nous avons eu énormément de sollicitations des bibliothèques, des CDI et de la presse grand public : c’est une autre victoire – sans mauvais jeu de mot (l’attaché de presse des éditions Ki-oon s’appelle justement Victoire) – pour ce titre comme pour Poison City et Inuyashiki,  car quand on arrive à solliciter l’attention du Monde, du Nouvel Observateur, de Télérama, France Info… etc, il en découle forcément une plus grande visibilité pour nos séries.

On dépasse les frontières du lectorat habituel…

Voilà. Et, en ça, c’est une sacrée bonne année ! (Rires)

On a parlé des bonnes surprises, y-a-t-il eu des déceptions ?

Humm… Réfléchit

Le Requiem du Roi des Roses peut-être ?

Non, même pas. Lorsque j’ai acquis ce titre auprès de l’éditeur japonais je lui ai dit : « vous savez si nous vendons 4-5000 du tome 1 en fin de vie, ce sera déjà très bien ». Au final nous finissons la première année déjà au-dessus des 4000 exemplaires écoulés donc je ne peux pas vraiment parler de déception.

Ça peut paraître difficile à juger de l’extérieur, mais pour statuer sur l’échec ou la réussite d’un titre, il faut savoir où l’éditeur place le curseur et nous le mettions à 3 000 exemplaires vendus en première année. Même si j’adore le titre, il est particulier : il mélange historique, shôjo, un peu de yaoi… Ce n’est clairement pas pour tout le monde.

your-lie-in-april-1-ki-oonSi je devais donner une déception ce serait plus pour Your Lie in April. Même si les ventes sont supérieures à celle du Requiem du Roi des Roses j’aurai voulu faire mieux sur ce titre-là. Je pense que nous avons été grandement pénalisés par le lancement tardif par rapport à l’adaptation animée. Nous voulions le sortir plus tôt mais pour diverses raisons nous n’avons pu le faire que trop tardivement. Or l’anime n’était pas juste une première saison, il retraçait l’intégralité de l’histoire du manga et, en plus, il était bien réalisé.

C’est sûr que si toute l’histoire a déjà été dévoilée, on se tourne moins vers le manga que pour un anime qui laisse l’histoire en suspens

Après je préfère le manga – il est plus riche, il y a plus de situations – mais soyons honnête, c’est un manga de musique, donc forcément tu vas plus facilement vers l’anime.

Ensuite en déception il y a aussi L’oiseau Bleu

Ah pour celui là je vais vous demander un forfait mouchoir ! Qu’est-ce qu’il était triste !

Ce n’est pas si triste que ça ! Evidemment c’est dur, mais à la fin de chaque histoire, j’ai plutôt retenu le message d’espoir de l’auteur, celui du cycle de la vie.

Après pour la déception, en termes de vente, ça été une erreur de le sortir en novembre après Unlucky Young Men sur lequel nous avons beaucoup communiqué auprès des grands médias. Il a été très difficile de les re-solliciter dans la foulée pour un autre titre, même s’il était très différent. Les chroniques sont positives et les ventes ne sont pas cataclysmiques mais il aurait pu avoir une meilleure exposition si nous l’avions sorti à un autre moment de l’année.

On a fait le tour des choses récentes, est-ce que des séries qui ont commencé en 2013 – 2014 , ont pris leur envol ?

Darwin’s game : le premier tome est paru fin août 2014, il faisait parti des meilleurs lancements malgré sa publication tardive mais là il intègre le top 20 des ventes toutes séries confondues en 2015, en 14e position.

Dans un autre genre, comment va Dimension W ?

Il se porte bien, le fond est en progression et on continue de recruter des lecteurs. Ça devrait continuer, comme Erased qui va de mieux en mieux lui aussi, grâce à l’adaptation animée.

The Arms Peddler 7On continue avec deux séries emblématiques de votre catalogue sous le thème de la Dark Fantasy : The Arms Peddler et Übel Blatt ! Pour le grand retour du premier, est-ce que les lecteurs étaient au rendez-vous ?

Complètement, nous avons très bien vendu le tome 7. Déjà c’était une série où il y avait vraiment très peu de décrochage à la base. Normalement tu perds toujours des lecteurs d’un tome à l’autre, à fortiori avec plus de deux ans de pause. Et pourtant si on compare à nombre de semaine équivalente, le nombre d’exemplaires vendus est à peu près équivalent à ceux des tomes précédents. Les lecteurs de la série sont toujours là, mais les écoulements seront forcément impactés à long terme si la série ne retrouve pas un rythme régulier.

Justement quel rythme peut-on envisager ?

Eh bien… ça dépendra de l’auteur ! (Rires)

J’espère avoir un tome en 2016. La série a repris dans le Young Gangan et le plan de départ c’était un chapitre par mois mais on est plutôt à un chapitre tous les mois et demi, donc ça s’achemine vers un tome par an.

Ensuite Übel Blatt a eu le droit à deux tomes en 2015 et il se porte bien : c’est encore la 4e série la plus écoulée du catalogue en 2015 derrière Darwin’s Game, Pandora Hearts et A Silent Voice. Enfin, cela dit, si on regroupait les différentes saisons de Kings Game ce dernier serait d’assez loin en première place.

 

Choix de catalogue : titres, auteurs ou thématiques  ?

Passons à un autre secteur de votre catalogue : le shôjo. Vous en avez très peu. Est-ce que c’est une montagne qu’il reste à gravir ou plutôt un secteur où tu ne te vois pas forcément pousser le curseur ?

Je n’ai pas envie de faire du shôjo pour faire du shôjo. J’ai eu un gros coup de cœur shôjo au Japon en 2014 et j’ai essayé de l’acquérir mais je ne l’ai pas eu, donc il n’y a pas eu de nouveauté shôjo chez Ki-oon en 2015 et il n’y en aura pas en 2016, a priori. Il faut que je tombe sur des titres qui me plaisent, une fois encore. J’en lis mais c’est juste que sur quarante lectures il y en aura peut-être une qui va m’intéresser. Je suis beaucoup plus séduit par des titres à la frontière des catégories japonaises, comme A Silent Voice qui est un shônen avec des éléments shôjos, Your Lie in April pareil…

Le requiem du Roi aussi…

Oui nous l’avons classé en seinen mais c’est un shôjo à la base. Donc voilà ce sont des titres plutôt différents. Ce n’est pas un shôjo à la Love Mission, qui pour le coup n’est pas vraiment ma came. Tant mieux si ce type de titre a son public chez nous, mais ce n’est pas ce que je cherche. Il faut trouver le bon titre…

En clair : il y aura du shôjo quand il y en aura, quoi ! (Rires)

Secret Ki-oonLorsque nous avons évoqué vos séries survival / game dans une précédente interview pour savoir comment elles allaient, tu avais précisé en substance : « attention on ne fait pas que ça et c’est même assez restreint en nombre de séries, avec une ou deux nouveautés de ce type par an. » Sur le coup je n’avais pas relevé plus que ça mais en 2015 j’ai plusieurs fois entendu cette association « Ki-oon et leur survival »…  C’est réducteur mais ça a l’air de vous coller à la peau finalement… non ?

Quand tu as une thématique qui marche ça définit forcément un peu ton image. Du coup le raccourci est facile alors que le survival chez Ki-oon c’est 8 titres publiés en 9 ans dans un catalogue qui  compte plus de 140 séries. Donc c’est au contraire un genre très peu représenté dans notre catalogue par rapport au succès qu’il rencontre en France. On pourrait au contraire faire dans la facilité et en sortir 5, 6 par an, mais c’est un choix que je me suis refusé à faire. Du coup, aujourd’hui Ki-oon est loin d’être l’éditeur le plus prolifique en la matière. Il y a beaucoup plus de survivals sortis chez nos concurrents en 2015 mais comme ils n’ont pas fonctionné, on n’en a pas parlé plus que ça.

Bref, c’est la rançon du succès, ce n’est pas dramatique. Mais c’est vrai que ça frise la mauvaise foi de nous réduire au survival une année où nous avons sorti A Silent Voice, Poison City, Le Requiem du roi des roses, Your Lie in April, Unlucky Young Men, L’oiseau bleu, Last Hero Inuyashiki, Darker than Black… et où au contraire, nous n’avons jamais eu un catalogue aussi varié…

Puisque l’on parle de ce genre là, je continue et je grossis le trait pour la question suivante : Secret n’a pas l’air de répéter le carton des précédents…

Quand on cumule les ventes de l’édition standard et de l’édition collector, la série se classe 5e sur plus de 170 lancements de nouveautés en 2015, donc c’est très bien. Après qu’il y ait une lassitude qui s’installe  parce que c’est le même auteur qui revient trois fois avec le même concept, c’est plutôt logique. Mais il ne faut pas confondre l’érosion naturelle d’une série avec un désintéressement du public. Car dire que le public se désintéresse du survival ce n’est pas vrai du tout.

Vous en avez un de prévu cette année ?

Oui, une nouveauté, Re/member. C’est plus de l’horreur que du survival mais on va le classer comme ça pour faire plaisir aux haters. (Rires) Et la suite de King’s Game, mais difficile de parler de nouveauté dans ce cas précis.

Autre sujet : en 2015 on a pu constater que certains auteurs déjà connus en France sont arrivés chez Ki-oon : Yuki URUSHIBARA (Mushishi), Eiji OTSUKA (MPD Psycho),  Takashi MURAKAMI (Le chien gardien d’étoile), Aya KANNO (Otomen) ou encore Hiroya OKU (Gantz) pour ne citer qu’eux. Ton choix se fait-il toujours œuvre par œuvre ou y-a-t-il aussi un choix d’auteur, sur le plus long terme ?

Déjà, leur renommée chez nous est toute relative. Les ventes de Mushishi et Du Chien gardien des étoiles ont malheureusement été très confidentielles. Ensuite, le cv d’un auteur ne m’intéresse pas vraiment quand je choisis une œuvre, c’est la série avant tout qui motive l’achat chez nous, pas le pédigrée de son auteur. Etorouji SHIONO est un auteur prolifique au Japon et nous n’avons édité que Übel Blatt de lui alors que c’est un de nos blockbusters.

Last Hero InuyashikiPour Inuyashiki : j’aimais bien Gantz mais à la fin de la série il ne restait que quelques milliers de lecteurs, donc je n’ai pas vraiment acquis Inuyashiki pour profiter de la notoriété de Gantz. D’ailleurs il y a eu assez peu de concurrence lors de l’acquisition de cette série, sans doute parce que mes confrères pensaient que l’auteur appartenait au passé et ont analysé ça par le spectre de Gantz. Moi c’est Inuyashiki qui m’intéressait avant tout. L’histoire de ce petit vieux qui prend sa revanche sur la vie. De la même manière, ce n’est pas parce qu’Inuyashiki cartonne que je vais sortir toutes les séries que OKU a fait et qui restent inédites en France.

Pour Underwater c’est plutôt la sortie de la version deluxe qui m’a décidé, même si j’aimais beaucoup Mushishi. Pour Unlucky Young Men c’est une série co-écrite par Kamui FUJIWARA qui est un auteur que j’aime beaucoup. Ça faisait longtemps que nous voulions acquérir les droits de cette série qui date de 2007 au Japon mais des problèmes de droits nous en empêchaient. Le fait d’avoir invité Kamui FUJIWARA à Japan Expo pour Emblem of Roto nous a permis d’en rediscuter et ça a débloqué les choses. Enfin pour être parfaitement honnête pour Aya KANNO j’ai lu les deux premiers tomes d’Otomen et j’ai arrêté, je ne suis pas le public visé. Si j’ai choisi Le requiem du roi des roses c’est avant tout parce que j’ai tout de suite accroché à l’histoire ainsi qu’à la psychologie des personnages. Et c’était cohérent par rapport à des œuvres qu’on a déjà publiées avant.

Un des rares auteurs que je suis quelles que soient ses sorties c’est Tetsuya Tsutsui, car j’adore sa narration, sa manière de raconter ses histoires, et qu’il me fournit l’intégralité du scénario avant même de commencer à dessiner. Donc, je sais toujours dans quoi je m’engage, ce qui est rarement le cas avec un achat de licence classique.

 

2016-2017 : un avenir prometteur !

Terminons avec les perspectives 2016-2017… Depuis quelques années votre nombre de sorties tourne autour d’une centaine de nouveautés : 106 en 2014, 107 en 2015. Est-ce que c’est votre plafond en nombre de sorties ?

Ma politique est de ne pas augmenter le nombre de sorties. Si je regarde mon planning de 2016 nous avons 107 nouveautés prévues. C’est un planning au 26 janvier bien sûr, donc il peut encore y avoir du mouvement, mais ça peut aussi être moins si des séries prennent du retard au Japon et que des tomes sont décalés à 2017. Ce qui est sûr c’est que nous n’avons pas de volonté de diminuer ou d’augmenter notre production.

Oui vous êtes placés entre 90 et 110 volumes depuis quelques années maintenant…

Oui, entre 2011 et 2012 nous sommes passés de 88 à 105 et depuis c’est très stable.

Concernant à nouveau l’année à venir : A Silent Voice était votre pari éditorial 2015, quel est l’outsider de 2016 ?

Il y en a plusieurs. Je peux parler des deux premiers que nous avons annoncés. Kasane la voleuse de visage tout d’abord. C’est un livre qui parle du métier d’actrice, de théâtre, de l’obsession, du regard de la société sur soi et des apparences… Si je devais tenter une comparaison cinématographique, je dirais qu’l y a quelque chose du Black Swan d’Aranofsky. Le second, c’est Père & Fils qui nous embarque dans un road-trip avec un apprenti papa et son rejeton au cœur de la nature japonaise. Le père est herboriste ambulant et on apprend énormément de choses sur les plantes et leurs vertus médicinales. Mais c’est avant tout l’histoire d’un papa maladroit qui cherche à nouer un lien unique avec un enfant qui a perdu sa mère. C’est un magnifique récit tranches de vie dans lequel on rit et on pleure avec les personnages. Je pense qu’avec ces deux titres-là, il y a moyen de parler à un lectorat qui n’est pas forcément super sensible au manga.

Voilà pour le début de l’année ! J’en ai un autre en août mais il est encore trop tôt pour en parler.

Pour 2016 qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Ki-oon et au marché du manga en général ?

Le marché va vivre une année 2016 exceptionnelle : le lancement de OPM en janvier a été extraordinaire. C’est clairement le signe que le public manga aime toujours autant les blockbusters et qu’il avait envie d’une nouvelle locomotive. Je ne dis pas que le public va jeter One Piece ou Naruto à la poubelle mais ces séries ont plus de 15 ans et c’est normal qu’il y ait une érosion et une envie de renouveau. My Hero Academia va aussi apporter sa pierre à l’édifice et participer au dynamisme du marché pour les années à venir. Et ça, je le dirais même s’il n’était pas publié chez moi. Je pense sincèrement que l’arrivée de cette série est une bonne nouvelle pour le marché en général.

Oui de toute façon tu te réjouissais du succès de Seven Deadly Sins l’an dernier de toute façon.

Absolument. Quand ce genre de série fonctionne c’est bon pour tout le monde, parce que les gens vont en librairie… et plus ils y vont, plus ils sont susceptibles d’acheter toutes sortes de titres. La preuve en est que nous avons connu un très bon mois de janvier en termes de ventes. Les démarrages d’Underwater et de Kasane dépassent nos attentes.

Pour My Hero Academia nous ne prévoyons pas faire une démarrage aussi puissant que celui One-Punch Man, la série ne dispose pas encore d’une pré-notoriété suffisante pour ça. Nous visons un lancement dans les eaux de ceux réalisés par Arslan ou Seven Deadly Sins sur l’année. Si nous y arrivons, ce sera de très bon augure pour la suite…

On vous le souhaite alors, bonne année 2016 à Ki-oon !

Pour suivre Ki-oon vous avez le choix : vous pouvez les retrouver ce mois-ci au Salon du Livre de Paris, suivre leur actualité sur leur site internet, leur page Facebook ou leur Twitter ! Merci à Ahmed Agne pour son temps et sa disponibilité. Merci également à Victoire pour la mise en place de cette interview !

Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :

Akata (décembre 2015)

Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)

Glénat (mars 2009décembre 2012, janvier 2015)

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Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 avril 2011janvier 2012janvier 2013, avril 2014, février 2015, février 2016)

Komikku (mai 2014)

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nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu (octobre 2012, novembre 2014)

Pika (avril 2013, décembre 2014)

Sakka ( juillet 2015)

Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)

Tonkam (avril 2011)

Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 20132014 et maintenant 2015 !

Chroniques Manga : les guerres de printemps…

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Chroniques Manga Paoru 2016-001-2

Après une période de bilan manga chargée, je commence à retrouver du temps pour faire baisser la pile des mangas à lire… Ce ne sont pas les bonnes lectures qui manquent, donc autant les partager avec vous. Au programme de cette semaine ? Ce sera la guerre par Bélénos ! Moyen-âgeuse, normande, orientale ou romano-carthaginoise, la thématique a pas mal de bons étendards et l’arrivée d’un petit nouveau, Hawkwood chez Doki-Doki, était l’occasion de faire un point sur le genre… En route pour ces trois chroniques guerrières !

Hawkwood-1-Doki-DokiHawkwood #1 & 2 de Tommy OHTSUKA chez Doki-Doki : je l’avais évoqué à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux puis dans les attentes du mois de Journal du Japon : en ce mois de mars, j’ai enfin pu le lire ! Pour ceux qui n’en ont pas entendu parler , voici le petit résumé officiel commenté façon vis-ma-vie de gars du cru.

L’histoire se déroule donc au XIVe siècle, royaume de France, province de Normandie. (OUAI, CHEZ MOI ! ) La petite ville de Carentan (où je passe à chaque fois pour aller voir Mamie Thérèse, près de Coutance dans la Manche) est sous la menace de l’ennemi (la ville hein, pas Mamie Thérèse). Devant ses murs se presse l’armée régulière anglaise, lancée à la conquête de la France (à l’époque de Mamie Thérèse, dans sa jeunesse, les Anglais on les aimaient bien et on les planquaient dans la grange pour qu’ils évitent les Allemands. Nous les Normands on sait pas c’qu’on veut, c’bien connu crénom de d’là !). À la tête de cette armée, le prince Édouard, fils légitime du roi d’Angleterre (pas des marrants dans la famille, c’est moi qui vous l’dis !). Pour se sortir d’une situation a priori désespérée, les assiégés font appel à la « compagnie des corbeaux blancs » de John Hawkwood, un officier audacieux dont les stratégies outrepassent les règles de la chevalerie…

En effet, la guerre, surtout quand ça dure 100 ans et qu’on se tape dessus pendant 2, 3 voir 4 générations (imaginez une guerre débutée par votre arrière-grand père que vous devez faire à votre tour), ça coûte cher. Que ce soit entre des seigneurs cousins qui se déchirent pour des domaines ou un pays qui affronte sans arrêt un envahisseur étranger, on finit par apprendre à faire avec ce qu’on a sous la main. C’est ainsi que Sir John Hawkwood (1320-1394), considéré comme le premier mercenaire de l’ère moderne, offre les services de sa compagnie, les fameux corbeaux blancs, pour peu qu’on les paie grassement.

Hawkwood_tome_2Pour mener chaque mission à bien ce chevalier qui ne paient pas de mine, avec son armure basique et son cheval vieillissant, est des plus pragmatiques. Il n’a que faire des codes bien-pesants de la noblesse ou de la chevalerie – aussi galvaudés qu’inefficaces – car c’est celui qui gagne qui a raison, vu qu’il reste en vie et qu’il empoche les trésors de la victoire.

On apprécie autant l’ingéniosité d’Hawkwood, pour ses plans sur le champ de bataille, que son mépris des titres ronflants et des attitudes pompeuses de certains commandants. Un désintérêt pour les bonnes manières qui est loin de le rendre populaire soit dit en passant, ce qui va laisser quelques traces assez sombre dans sa bibliographie d’ailleurs, comme on peut le voir ici. Mais il n’en a cure et suit son objectif qui nous reste encore mystérieux, d’ailleurs. Hawkwood est donc un homme de terrain à la tête d’une compagnie assez sympathique : ils ont beau faire de la guerre leur métier, ils profitent de l’instant présent quand ils le peuvent et partent au combat quand il le faut, pour faire le job qu’on leur a confié. Des seconds rôles qui, comme tout ceux de la série, ne sont pas forcément marquants mais ils apportent leur contribution au tableau global qu’OHTSUKA dresse sur ces guerres du Moyen-Âge.

Et la Normandie ou l’Histoire dans tout ça ? Disons que c’est l’une des composantes du récit parmi d’autres, un peu à l’image d’un Wolfsmund et de son histoire de l’Helvétie : important mais pas forcément central. On retrouve plusieurs points d’ancrage comme le Roi Edouard, la ville de Carentan, le Comte d’Alençon ou encore les chevaliers de Saint-Lô. Mais le but n’est pas de raconter, détails à l’appui, la vie de l’époque, le contexte historique ou que sais-je du contexte du XIVe siècle : ce qui nous intéresse ici c’est surtout l’histoire de soldats hauts en couleur qui se tapent copieusement les uns sur les autres en usant de toute une batterie de technique, d’armes et de stratégies propres à l’époque, avec boyaux et hémoglobine en bonus. Il se trouve simplement que, en bonus, tout ceci se déroule dans un lieux familier et à une époque que nous avons tous croisé un moment ou à un autre dans nos livres d’Histoire. C’est donc l’épopée qui prime avant tout pour ce récit en huit tomes et qui s’intéresse surtout au destin de notre célèbre mercenaire.


Arslan Kurokawa
Arslan #4 
de Hiromu ARAKAWA & Yoshiki TANAKA chez Kurokawa : Le titre fait honneur à son titre « La légende héroïque de« . C’est en effet une vraie épopée que nous offre cette superbe adaptation. Je vous en ai déjà parlé à travers mes différents ôdes à Arakachou, l’une des meilleures mangakas de sa génération, mais ce volume quatre apporte une pierre de plus à l’édifice. Après avoir ajouté un bel éventail de protagonistes durant les premiers tomes, la mangaka commence à mettre en exergue les différentes forces en jeu dans le combat pour le royaume de Parse : on découvre quelques seigneurs aux allégeances diverses et changeantes, mélangeant ainsi la loyauté et le sens du devoir, la trahison et le profit ou tout simplement le pragmatisme et la neutralité.

Au milieu des rouages du destin qui commence à s’emboîter on apprécie de voir le héros, notre jeune Arslan, en doute idéologique. Car dans ces deux camps qui s’affrontent ce manga a l’intelligence de poser un fléau dans chacun des deux camps…  Lusitania, à l’ouest, vénère le dieu unique Yaldobaoth et cherche à imposer sa religion aux autres royaumes avec une folie qui est parfaitement retranscrite à travers le monomaniaque et sanguinaire prêtre Bodin – un chara design de sadique qui vous remue les tripes, un démon totalement haïssable – et Parse à l’est, un riche royaume polythéiste repose sur un système de l’esclavage que veut donc abolir Arslan. Mais redonner aux gens un libre arbitre n’est finalement pas chose aisée. La liberté est une belle idée, mais redonner leur indépendance et exiger l’autonomie de personnes qui vivent en moutons obéissants depuis des années peut se révéler parfois contre-productif au départ.

Au milieu de ça on continue de profiter de très belles scènes d’action dans des chevauchées animées, de protagonistes très humains, aux personnalités variés et un humour qui n’est jamais très loin : la fusion parfaite entre ce roman de fantasy de haute tenue, qui mérite son titre d’épique, et le style Arakawa que l’on apprécie tant. Pas étonnant, donc,  qu’il soit l’un des meilleurs lancement 2015 et il est réconfortant de voir qu’il en a encore sous le coude. En plus la petite interview bonus à la fin entre ARAKAWA et SUZUKI (Seven Deadly Sins) c’est un petit caviar qui nous permettra d’attendre le tome 5 début juillet pour Japan Expo. On a hâte !!!


Ad Astra 8Ad Astra#8 de Mihachi KAGANO chez Ki-oon: ce titre là aussi tient bien son rang de fresque historique. Jusqu’ici le mangaka évite assez bien la redondance : on a eu la genèse d’Hannibal, puis de Scipion, suivi par la démonstration du génie militaire du carthaginois et ses victoires successives sur les Romains qui se prenait pour les maîtres du Monde. Je vous parle de tout ça ici et . Les romains ont été poussé dans leurs derniers retranchements, craignant même pour leur mère patrie, mais ils réussissent depuis quelques chapitres à rendre coup pour coup et à stopper la progression de leur ennemi.

Avec l’apparition d’hommes d’envergure et les premières défaites, les hommes d’Hannibal commence à défier l’autorité de leur chef et ce dernier leur laisse donc de la place dans ce volume : Maharbal le chef Numide (de la Numidie, ancien royaume du Maghreb où se situe la célèbre Constantine) part donc affronter tout seul le Général Marcellus pour la seconde bataille de Nola, qui fait partie des grandes batailles de l’antiquité. Ce seinen continue donc de nous faire voyager dans l’histoire et de nous dépeindre l’arrogance humaine dès qu’il s’agit de guerroyer. En huit volumes on ne compte plus les chefs, commandants ou généraux des deux bords (romain ou carthaginois) sûr de faire mieux que leur prédécesseur et de plier vite fait bien fait le conflit pour revenir sous les hourras de la foule et acquérir le pouvoir ou la renommée convoitée.

Face à cette bêtise il y a le génie et le calme d’Hannibal, le talent d’observation de Scipion… mais aussi un troisième intervenant qui apparaît dans ce tome : le célèbre Archimède, scientifique bien connu et citoyen de Sicile, habitant de la place forte portuaire de Syracuse pour être plus exact. Cette citée et cet île au cœur de la méditerranée sont d’une importance capitale dans ce conflit, mais ces habitants hésitent pas mal, à cette époque, entre une allégeance romaine et une alliance avec les carthaginois. C’est pour le moment les seconds qui ont la main mise sur Syracuse et qui profitent de notre ingénieux créateur, capable de créer des machines redoutables qui vont couler de nombreux navires romains. Mais Archimède est un scientifique pacifiste et voir son génie utilisé pour tuer lui pose un cas de conscience : il pourrait bien se laisser convaincre par l’ennemi. Vous l’aurez compris, Ad Astra reste donc une belle leçon d’Histoire, librement adaptée mais toujours ancrée par les dates clés et riche par son développement des grandes figures et des grandes batailles de cette époque. De quoi faire de vous un ou une passionné(e) des guerres puniques !

Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse avec un invité surprise… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?

Chroniques Manga Paoru 2016-002

Interview éditeur – Kana : souvenirs et bilan pour l’anniversaire des 20 ans !

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Kana 2015-2016 Interview

Suite des passionnantes interviews éditeur avec, pour ce mois de mars Kana et Christel Hoolans, sa directrice éditoriale. Une façon de faire un coucou à la Belgique, aussi, en espérant qu’elle se remet doucement et qu’aucun de vos proches, ami(e)s belges, n’est touché. Dans cette interview, beaucoup de choses sont au programme. En effet, Kana fête ses 20 ans en 2016, comme vous avez déjà pu le constater à travers différentes opérations promotionnelles (ici ou). L’occasion est donc parfaite pour revenir sur les débuts de Kana, sur les premiers succès comme les premières galères, les souvenirs et ce que Kana a pu apprendre de ses nombreuses expériences. Réalisée début février cette 3 interview avec l’éditeur était aussi l’occasion de tirer un bilan de 2015, dans l’optique de celui de JDJ, sur ce qui a bien marché ou pas : seinen, shôjo, shônen et même patrimoine ou manga français, tout y passe ou presque ! Sans oublier de se projeter sur 2016 en revenant sur les licences ratées comme OPM, My Hero Academia ou Platinum End, mais aussi l’avenir du manga et de Kana à plus long terme.

Un joli pavé donc, à dévorer sans plus tarder ! Bonne lecture :)

Je vous parle d’un temps que les jeunes de 20 ans…

Bonjour Christel HOOLANS…

Cette année est celle de vos 20 ans donc on va commencer par un petit voyage dans le temps…Te souviens-tu comment tu es devenue éditrice de manga ?

Oh oui quand même !! (Rires)

Je suis arrivée dans le groupe Media ParticiChristel Hoolanspations comme stagiaire chez Dargaud Benelux, qui était – et est toujours – dirigé par un monsieur qui s’appelle Yves SCHLIRF. À l’époque il était libraire à temps plein, avec sa propre librairie, et un jour par semaine il était éditeur. Enfin disons qu’il venait physiquement un jour par semaine dans les bureaux de Dargaud mais une fois que tu es éditeur c’est un travail à temps plein ! (Rires)

Pendant trois années (avant que j’arrive), il a essayé de convaincre le groupe de lancer un label de manga. De mon coté je faisais des études d’édition et il me fallait un stage en entreprise et comme j’étais une très très grande fan de bandes dessinées au sens large, quelque soit sa forme, je voulais absolument faire mon stage là bas.

Finalement je suis arrivée au bon endroit au bon moment en pleine préparation du lancement des éditions Kana. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler aux éditions Kana et que j’ai fini, après quelques années, éditrice de ce label.

Puis Kana a commencé par des titres qui évoqueront quelques souvenirs à certains : Angel Dick et Armagedon, deux manhwas !

Oui exactement, deux titres de Hyun-Se LEE. Nous avons commencé de manière très artisanale pour être honnête. C’était très différent de ce que la maison savait faire, à savoir des bandes dessinées franco-belges, nous n’étions pas vraiment des acheteurs de licence dans le groupe. Donc nous avons appris sur le tas.

Nous avons débuté par des licences coréennes parce que ce sont des excellents titres avec des excellents scénarios, mais aussi parce que ce sont les seules licences que nous avons réussi à décrocher. Ça a été un long chemin de croix pour acquérir des licences au Japon.

  angel_dick Kana  Armagedon 

Est-ce que tu te souviens des premiers contacts, là bas, avec la Shueisha ?

Oui, l’anecdote est célèbre même si je ne faisais pas partie du voyage je peux te la raconter…

Kana décide d’aller au Japon pour se présenter en « live » et nous faisons le tour des maisons d’éditions de manga dont la Shueisha. Yves y est allé avec François PERNOT, actuel directeur général de la société Dargaud – Lombard mais aussi patron du pôle image de Media Participations, qui était, à l’époque, directeur commercial. Il avait bien accroché au projet de Yves et avait décidé de l’accompagner. Évidemment, arrivés au Japon, ils sont reçus extrêmement poliment par un certain Monsieur MAKINO qui les a écoutés religieusement mais qui leur a dit en substance : « vous êtes bien gentils mais non merci, nous sommes les plus grands éditeurs au monde de bande dessinée et nous n’allons pas travailler avec vous ».

Ensuite, gros coup de bol. Yves avait avec lui un magazine japonais dans lequel il figurait, grâce à Carlo LEVY, le patron de Dybex. En fait Carlo avait fait à l’époque un article sur Yves et sa librairie : il trouvait très drôle qu’il importe des mangas en version originale alors que les lecteurs ne lisaient pas, la plupart du temps, le japonais. C’était assez étonnant et Carlo s’est dit : « tiens, je connais des journalistes au Japon, ils vont trouver ça drôle et on va faire un article là-dessus ».

Yves avait donc cet article avec lui et, avant de se faire claquer la porte au nez, il l’a glissé dans les mains de l’éditeur en même temps qu’il les remerciait de les avoir reçus. Très poliment toujours, monsieur MAKINO a lu l’article. Puis il les a arrêté, les a fait se rasseoir, et a appelé des gens… Et là, a commencé la vraie discussion.

Ce qui a joué à l’époque, même si ce n’est plus trop le cas aujourd’hui, c’était la passion d’un étranger pour le manga et la culture japonaise. « Ce type a l’air complètement passionné par notre culture, écoutons le cinq minutes de plus. »

Et ils sont donc repartis avec la licence de Saint Seiya.

saint-seiya-chevaliers-zodiaque-tome-1

Et c’est ainsi que tout a commencé !

Voilà ! (Rires)

Ces premières années sont donc ponctuées par Saint Seiya, Yuyu Hakusho, Conan

Oui Détective Conan était le second, chez Shôgakukan, et après ça s’est enchaîné avec Slam Dunk, Yu-Gi-Oh, Shaman King, Hunter X Hunter, etc.

Est-ce que ces œuvres ont tout de suite trouvé leur public ?

Oui, absolument. Alors pas au niveau de ce qui a suivi dans les années 2000 et encore moins au niveau de Naruto mais ces titres ont fortement marché et des œuvres comme Slam Dunk se sont extrêmement bien vendues à l’époque. Forcément la concurrence était moindre, les titres étaient plus visibles. Mais je me souviens que pour Yu-Gi-Oh, quand l’anime a été diffusé sur M6, nous avons explosé les ventes du manga qui ont été multipliées par 6, ça a été hallucinant !

 Detective Conan  Slam Dunk  yu-gi-oh

De plus, nous étions à une époque où, nous, fans de mangas, nous achetions tout ce qui sortait, on pouvait encore !

Exactement, et ça se voyait dans les chiffres ! Nous avions un cœur de lecteurs d’environ 5 000 personnes qui achetaient absolument tout ce qui sortait. Pour donner un autre exemple avec Samurai Deeper Kyo qui est sorti en 1999 au Japon, nous avons vendu trois millions d’exemplaires. C’est colossal.

Cette aventure commence donc par du shônen. Puis est arrivé Psychometrer Eiji, comment l’avez-vous classé à l’époque ?

Nous l’avons mis dans la collection Dark Kana.

Comment est née cette collection ?

C’est le premier label que nous avons créé après nos titres shônen. En fait, à l’époque où nous avons sorti nos premiers mangas, il y avait en Belgique comme en France une vraie chasse aux sorcières. La police descendait dans certaines librairies mangas car, par méconnaissance peut-être, certains mangas adultes étaient classés avec des BD tout public.

C’était l’époque de la diabolisation du manga…

Oui il y avait vraiment une très mauvaise presse autour de ça. Quand nous avons sorti nos premiers shônens, des simples shônens pourtant, je me souviens qu’une association de parents soi-disant « bienveillante » nous avait envoyé une lettre en disant que Hunter X Hunter allait traumatiser les jeunes enfants à vie, que c’était un scandale de commercialiser ça.

Dans ce contexte là nous avons très vite créé ce label, Dark Kana, un label uniquement européen parce que c’est une segmentation qui n’existe pas au Japon : Death Note est vendu à coté de Naruto là bas, c’est la même tranche d’âge. Mais voilà, chez nous, il nous paraissait important de mettre un label un peu rassurant pour les parents, ça permettait de différencier les titres et de leur dire « attention ceux là sont un peu plus violents que les autres ». Donc Ghost in the Shell, Samourai Deeper Kyo ou Psychometrer Eiji étaient classés dans cette collection là.

 death-note,-tome-1  samurai deeper kyo 01  hunter-x-hunter-tome-1

Ensuite sont arrivés les seinens…

Oui, pour nous ce fut Monster en 2001, dans la collection Dark Kana car nous n’avions pas encore de label seinen. Nous l’avons créé en achetant notre second titre du genre, Arms. C’est à ce moment là qu’est né Big Kana.

Pour ces premiers seinens est-ce que, dans la communication ou pour le lancement, vous aviez une stratégie différente par rapport au shônen ?

Honnêtement, non. Comme je te l’ai dit nous avons tout expérimenté sur le tas en attendant de voir ce qu’il se passait, en apprenant au fur et à mesure.

Monster 1Il faut dire que Monster a été l’un des premiers seinens du marché français. Nous ne savions pas du tout où nous mettions les pieds. C’est d’ailleurs pour ça que nous avions préféré acquérir Monster que 20th Century Boys, pas pour le scénario mais tout simplement parce qu’il était plus court. Il s’est avéré être un énorme carton. De toute façon nous étions tombés amoureux de URASAWA et nous voulions absolument le publier.

Chez Kana nous avons toujours eu cette volonté de suivre les auteurs pour lesquels nous avons eu des flashs, de les éditer sur la longueur. Pour le coup URASAWA ça a tout de suite bien marché mais pour d’autres c’est plus compliqué mais cela ne nous empêche pas d’y croire énormément. Après les éditeurs japonais ne nous laissent pas toujours faire, malheureusement, car certains titres changent d’éditeur et en fonction des alliances nous n’avons pas forcément le titre suivant.

Si nous le pouvions, nous publierions pourtant URASAWA de A à Z. C’est pareil pour KISHIMOTO et dans notre esprit c’était aussi le cas pour OHBA et OBATA, ASANO, MATSUMOTO (Leiji et Taiyo) et autres…

D’ailleurs est-ce que vous rencontrez souvent les mangakas que vous publiez ?

De plus en plus en fait ! Un nombre croissant d’auteurs ne souhaitent plus avoir une protection marquée de leur éditeur et sont de plus en plus curieux de ce qui se passe ailleurs, notamment en France qui est un grand marché, et ils le savent.

La France est un pays qui a toujours fait rêver les Japonais, d’une façon générale. Donc savoir que leur manga est édité la bas c’est un peu le Graal. Et quand ils peuvent venir nous voir et participer à un salon, ils découvrent en direct les foules de fans venus les voir, ce qui les impressionne toujours beaucoup.

Ces rencontres sont assez rares au Japon, les auteurs sont tellement déifiés. Et puis ils ne sortent pas de chez eux car ils ont un tel rythme de travail qu’ils n’ont pas la place dans leur emploi du temps pour aller se balader le weekend sur un salon. Donc cet amour du public qui leur revient en pleine face comme ça, en direct, c’est intense !

Il y en a même qui prennent peur: j’ai eu le cas un jour d’un auteur à Angoulême qui, en plein milieu de la dédicace, s’est levé et est parti en courant… Nous n’arrivions plus à le retrouver c’était l’angoisse totale, pour nous comme pour lui. Pourtant c’était un grand auteur expérimenté mais cette proximité avec le public – qui était calme pourtant, qui respectait sa file d’attente –a déclenché chez lui une vraie crise d’angoisse !

Mais voilà, à l’époque, les auteurs que l’on rencontrait ne savaient rien de ce qui se passait en dehors de leur travail de mangaka : ils ne connaissaient pas la BD en dehors de leur frontière. Mais je constate que, depuis quelques années, ça change : ils essaient de se dégager du joug de certains éditeurs japonais, ils ne veulent plus avoir ses rythmes de travail de folie, ils commencent à voyager, ils s’intéressent à la bande dessinée à travers le monde et sont dorénavant capables de citer des auteurs qu’ils aiment bien en BD franco-belge ou en comics… Il y  a une curiosité pour le monde extérieur qu’il y avait moins avant, surtout parmi les jeunes auteurs.

Du coup ça change les choses lorsque l’on vient au Japon. Forcément au bout de vingt ans de relation nous sommes invités à des événements auxquels nous n’avions pas accès avant et où se trouvent ces auteurs. Puis nous avons aussi des contacts directs avec eux, via les réseaux sociaux ou parce qu’ils apprécient tout simplement notre travail… Tout en gardant une relation professionnelle avec l’agent ou l’éditeur, bien entendu.

Si l’on revient à notre historique… Nous avons évoqué le shônen, le seinen mais quid du shôjo, il est arrivé encore après ?

Il est arrivé en même temps que le seinen en fait, nous avons créé notre label shôjo avec Basara et l’année suivante nous avons publié Lady Oscar.

 Basara 1  La rose de Versailles

Là encore il s’agissait d’initier et de tester un marché, quels ont été les premiers retours sur ces deux titres à l’époque ?

Ça a été compliqué pour Basara, pour des raisons que nous avons analysées après : nous sommes allés peut être un peu trop vite et trop fort. Basara est une série assez longue, une grande épopée historique avec un dessin peut-être un peu rédhibitoire pour le marché français car trop marqué, trop ancien, même si personnellement j’adore cette série.

Après pour Lady Oscar l’accueil a été plus réussi grâce à la série télé…

Oui il y avait déjà un historique local…

Oui voilà, c’est tout de suite plus facile ! Après c’est du shôjo donc on ne parle pas de ventes comparables avec le shônen mais nous avons vendu beaucoup de Lady Oscar, ce qui nous a permis de refaire une nouvelle édition récemment, et c’est très chouette de ressortir des titres dans un joli format, et de corriger au passage quelques erreurs de jeunesse.

À l’époque votre politique éditoriale était de « faire découvrir à la France la grande richesse du manga… »

Ça l’est toujours d’ailleurs !

Est-ce que cette politique éditoriale ne vous a pas tendu quelques pièges parfois, dans le sens où certaines thématiques sont difficiles à traiter, comme le sport, le furyo…

L’édition, dans le sens où nous l’entendons,  c’est de faire découvrir des auteurs, des livres. S’il y avait une recette ça se saurait et tout le monde l’appliquerait. Nous, ce que nous avons toujours voulu faire et ce qui nous a toujours motivé, c’est de proposer un catalogue qui soit le reflet du monde asiatique en général. Même si dans les faits les succès de nos titres japonais leur donnent la part la plus importante, il ne faut pas oublier tous les titres chinois et coréens que nous avons édités, en création ou en achat de licences.

Nous avons un catalogue généraliste, proposant des titres de tous les genres, pour tous les âges et pour tous les goûts. Donc nous essayons de ne pas nous répéter, en alternant les thématiques. Forcément il y en a qui fonctionnent mieux que d’autres, donc l’important est de trouver un équilibre entre les succès commerciaux qui vous font vivre et la découverte.

Le but est de faire découvrir un maximum de choses différentes, c’est comme ça que nous concevons l’édition. Donc lorsque nous proposons Inio ASANO nous savons très bien que nous n’allons pas faire de succès monstrueux (ce qui est vrai, en tout cas à date) mais il nous parait essentiel de le faire au même titre qu’un KAMIMURA par exemple.

 bonne-nuit-punpun-tome-1  Kamimura Le club des divorcés

Donc, oui, nous nous sommes ratés sur certains sujets et nous pouvons en tirer des conclusions mais, en même temps, elles ne tiennent pas bien longtemps : des thèmes ou segments qui ne marchaient pas il y a quelques années commencent à marcher maintenant, comme le seinen qui explose ces dernières années alors que dans les années 2000 ce n’était pas si évident à faire émerger.

Si on reprend l’exemple du sport c’est vrai que nous nous sommes plantés avec Prince of tennis mais avec Slam Dunk nous avions fait un succès. C’est pour ça que même si nous avons connu des échecs, il ne faut pas à chaque fois en tirer des règles ou des conclusions définitives.

On arrive à la fin de cette première décennie pour Kana, en 2006, la fin de l’explosion du marché du manga en France et on ressent progressivement une certaine saturation du marché, à commencer par le secteur du shônen…

Oui beaucoup d’éditeurs se sont mis à augmenter leur production, d’autres ne faisant pas de manga jusque là et voyant son succès s’y sont mis aussi, et le nombre de nouveautés a explosé. Ensuite, effectivement, comme tous les best-sellers étaient du shônen, tout le monde s’est mis à en faire. Ça a été un peu le bazar ! (Rires)

Les ventes globales du marché du manga vont commencer à stagner vers 2008-2009, puis est venue la crise économique. Cette seconde décennie a été une période plus difficile… comment vous l’avez abordée chez Kana ?

NarutoNous étions d’abord un peu protégés par Naruto qui était un énorme best-seller, une ombrelle protectrice qui nous a permis de ne pas être trop inquiétés. Mais d’un autre coté, en interne, nous avons commencé à travailler très différemment les titres. Ça allait d’une réflexion en amont jusqu’à la sortie pour essayer de différencier chaque livre…

En fait nous essayions de travailler chaque titre comme s’il appartenait à un marché de niche : en fonction du sujet, de l’auteur, de son potentiel…. D’être beaucoup plus précis qu’on ne l’était avant, d’être plus original aussi, voyant en effet qu’il était de plus en plus difficile de faire émerger des titres, même s’ils étaient très bons.

Le but était de faire tout ça mais en continuant de proposer de nouvelles choses. À l’époque que tu évoques nous venions de créer Made In, un label que l’on considère comme plus underground, puis nous avons créé le label Sensei, présentant les grands maîtres méconnus du manga. L’idée était donc de mieux expliquer notre catalogue, d’en faire moins un fourre-tout et de plutôt proposer des tiroirs pour guider un peu les gens dans cette masse.

Nous voilà arrivés à 2015-2016. Avant de passer au bilan de l’année dernière : si tu devais retenir un moment de ce parcours, de ces 20 ans pour Kana, quelque chose qui t’a marqué…

Dans l’aventure Kana il y a plein de choses qui m’ont marquée mais je me souviens de nos 10 ans où on a réussi à faire imprimer le magazine Livre Hebdo à l’envers, dans le sens japonais, pour notre anniversaire. Ça prouvait que le manga en était arrivé à un tel point de notoriété que ce magazine de référence pour le marché du livre en France avait été imprimé dans le même sens de lecture que les mangas. Au niveau symbolique c’était assez génial, ça faisait un pied de nez à pas mal de gens autour de nous, auteurs de BD, éditeurs, concurrents ou dirigeants, qui nous disaient : « le manga c’est qu’une mode et ça va s’arrêter ». Et bien non. Et nous sommes toujours là.

À la différence des autres éditeurs plus jeunes c’est vrai que Kana a vécu ça pendant toute sa première décennie. Nous, lecteurs de mangas trentenaires, avons connu ça pendant l’adolescence, à l’école ou ailleurs, le fameux cliché du manga = sexe et violence !

Et nous avons eu le droit à ça pendant 10 ans effectivement, sans arrêt, c’était « vade retro satanas ». On nous disait « avec la BD on a vaguement réussi à faire comprendre aux gens que ce n’était pas une sous-culture et voilà qu’on recommence avec un truc qui ressemble à rien, qui vient de l’étranger en plus et qui va manger le pain dans la main de nos propres auteurs maison ! », etc.

Le temps a joué en notre faveur et les générations ont été remplacées par des adultes qui lisent du manga…

Et qui en font lire à leurs enfants !! Les chiffres le prouvent de toute façon, une BD sur 3 vendues en France est un manga, et ça depuis quelques années maintenant.

Une belle façon de refermer cette première partie, passons maintenant au bilan de l’année dernière…

2015 : bilan pour Kana, à l’heure de la reprise

Quel bilan tires-tu de 2015 pour le marché et pour Kana ?

C’est une année assez géniale au niveau  du marché car il redémarre fort, là où ceux du livre et de la BD restent plus ou moins stables. Le manga accélère et ce qui est chouette à voir c’est que cela se fait avec des nouvelles séries car, en 2015, les trois leaders que sont One Piece , Naruto et Fairy Tail régressent.

On parle d’un recul de 8-9% chacun…

Oui voilà c’est ça, alors que le marché fait lui +6.5% en volume et +8.5 % en valeur, donc c’est impressionnant. Le fait que ce soient de nouvelles séries qui viennent dynamiser ce marché est très intéressant.

Pour ce qui concerne Kana, on a vu le fond de Naruto repartir, après six années de baisse c’est pas mal. Nous avons la chance d’avoir deux titres qui font des percées importantes alors qu’ils sont là depuis quelques années : Assassination Classroom et Black Butler continuent à recruter et ne se contentent pas de rester sur un pallier atteint après leur lancement, donc ça c’est très bon signe. Nous avons aussi fait des bons démarrages avec Seraph of The End (15e meilleur lancement en 2015) et Devils Line (16e meilleur lancement de 2015) dans un tout autre genre…

 Assassination Classroom 1  Black Butler 1 Kana

Devils Line est un beau pari, parce que tant qu’on ne l’a pas ouvert et qu’on se contente du pitch et de la couverture, ou de juste le feuilleter rapidement, on peut vraiment croire que ce titre est très bateau, un énième titre de vampire, alors que ce n’est pas du tout le cas !

Alors d’abord j’adore ces couvertures, je les trouve hyper accrocheuses et c’est d’ailleurs un retour constant que j’ai, par les libraires et le lectorat. Ensuite nous savions que ça n’allait pas être une évidence pour tout le monde, pour les raisons que tu as évoquées. Mais je trouve que, alors que le sujet peut sembler bateau, son traitement dans la série est quand même excellentissime. Même si son dessin – que j’aime beaucoup là aussi – pouvait sembler un handicap au début, tout le monde s’accorde à dire que c’est une série qui est à lire absolument.

Elle a aussi l’avantage sur d’autres titres du même sujet, d’être très mixte, mêlant fantastique, action et romance, ce qui est relativement rare sur les titres manga. C’est un peu comme I am a Hero qui est une grande déception chez nous, qui est du zombie que je trouve extrêmement bien traité et de manière beaucoup moins banale que nos amis de The Walking Dead pour ne pas les citer. Et pourtant ça se vend moyennement, en tout cas pas à la hauteur de son excellence.

 Devils line tome 1  i-am-a-hero-tome-15

Comme nous l’avons évoqué dans nos colonnes, I am a Hero reste ce qui s’est fait de mieux en manga de zombie, comment tu expliques que ça n’ai pas pris avec le recul ?

Oh c’est difficile à dire. Peut-être que, justement, ce n’est pas le traitement habituel de ce type de série sur le zombie, c’est peut-être trop cru quelque part, parce que le dessin est hyper réaliste et que ça met donc un peu mal à l’aise. Il faut aussi passer le tome 1 parce qu’il ne donne aucune idée de ce qui vous attend ensuite… Pourtant nous avions fait une sortie conjointe des deux premiers tomes, en connaissance de cause.

Après c’est vrai que ce n’est pas joyeux. C’est vrai que le zombie traité par The Walking Dead il y a des amourettes, des petits trucs frais et légers, alors que dans I am a Hero il n’y a aucun espoir et ça va de mal en pis ! (Rires) On s’imagine que, si les zombies débarquaient, c’est exactement ça qu’il se passerait. Peut-être que les gens veulent des choses un peu plus fun, difficile à dire.

C’est vrai. Si on reprend notre fil de 2015… passons à du shôjo, avec Daytime Shooting Star !

Daytime Shooting Star_6Ah c’est génial celui là ! C’est notre petit shôjo chouchou. Comme je le disais nous essayons pour tout notre catalogue de pas nous répéter et de prendre des choses inédites, ce qui n’est pas toujours facile en shôjo car la trame basique est souvent redondante et que seul le traitement varie. Mais Daytime Shooting Star est un peu dans la lignée d’un Sablier, très frais, un peu écolo, avec une fille de la campagne qui débarque à Tokyo et qui tombe sur un oncle assez différent de son souvenir, c’est assez drôle et mignon comme tout…

Et avec un dessin assez chouette…

Oui c’est vrai que c’est vraiment joli en plus.

Puisque l’on évoque le shôjo… On évoquait la façon de travailler les shôjos avec Bruno Pham de Akata en interview. Alors d’abord il disait, je cite : « notre départ de Delcourt a fait un trou, qui n’est pas encore comblé, parce que les gens ne savent pas le faire forcément comme nous –  encore que chez Kana il y a une ligne éditoriale plus proche. »

Ah ça fait vraiment plaisir car je trouve leur travail très très chouette moi.

Il a aussi évoqué les shôjos de chez Hakusensha. S’ils ne sont pas correctement présentés ou mis en avant, s’ils ne sont pas travaillés différemment, il constate que les shôjos de cet éditeur se plantent en France. Vous éditez justement ce mois-ci Telle que tu es de chez eux, votre avis là-dessus ?

telle-que-tu-es-t1C’est vrai que si on les vend comme des autres shôjos ça ne va pas marcher. C’est plus difficile de placer un shôjo car vu la masse de nouveautés qui sont publiées chaque mois et le nombre de lecteurs potentiels (nettement moins que pour le shônen), encore que chez Kana, nous avons aussi une part non négligeable de lecteurs masculins pour nos shôjos car nous essayons de sortir des titres plus mixtes. Il faut faire, comme je vous le disais, du marketing de niche et mettre en valeur la particularité du sujet traité pour travailler autour de ça, faire des partenariats avec des sites qui vont évoquer ce sujet, etc.

Telle que tu es est un shôjo sur la difficulté d’être soi-même. L’héroïne est un peu rondelette mais elle le vit sans problème : elle est bien dans sa peau et n’a aucun problème avec le fait d’être ronde. Jusqu’au jour où le gars le plus populaire de l’école tombe amoureux d’elle et tout le monde se moque d’eux. Donc elle commence à se poser des questions : « mais pourquoi il s’intéresse à moi celui là ? Je ne suis pourtant pas dans les canons de beauté, je devrais peut-être commencer à faire un régime ? »

Elle se pose donc plein de questions, qui sont des interrogations qu’ont pas mal  d’adolescentes, que l’on retrouve sur des forums et qui touchent à des sujets comme l’anorexie et l’image de soi. Ça nous permet de travailler le titre autrement que « voilà un shôjo de plus sur le marché français ».

En tout cas nous avons un buzz génial et très fort pour Telle que tu es.

La thématique et/ou le sujet comme axe principal semble effectivement une bonne idée…

Voilà. Ensuite pour défendre les shôjos, c’est aussi intéressant de pouvoir suivre des auteurs, ce qui est plus facile dans le shôjo car il y a moins de concurrence sur les licences. Par exemple un auteur comme Io SAKISAKA (Strobe Edge, Blue Spring Ride) nous allons pouvoir faire directement le lien d’un titre à l’autre car le lectorat shôjo est assez fidèle aux auteurs comme aux titres. Ainsi nous pourrons faire un booklet du premier chapitre de la nouveauté de Io SAKISAKA qu’on pourra glisser dans le dernier tome de Blue Spring Ride.

Pour refermer cette parenthèse shôjo tu vas peut-être pouvoir nous éclairer car, sur l’année 2015, il y a deux sons de cloches : plusieurs éditeurs annoncent que leur segment shôjo se portent bien ou repart à la hausse et de l’autre coté les ventes globales de shôjo régressent… Comment l’interpréter ?

C’est vrai qu’au global ça baisse mais il faut rapporter ça au nombre de titres qui sort. L’offre est moindre : pas mal d’éditeurs qui en faisaient n’en font plus, en font moins ou en tout cas plus au même rythme qu’avant. Donc pour que l’analyse soit pertinente il faudrait comparer le nombre de nouveautés shojo avec le nombre paru en 2014.

Chez Kana nous gardons notre rythme de sortie, de 2 à 4 nouvelles séries par an. Comme les séries s’arrêtent beaucoup plus vite qu’un shônen, ça se renouvelle plus rapidement. Et si je regarde les chiffres de Kana pour le secteur shôjo nous sommes en croissance. Ce sont des ventes beaucoup plus petites, mais par exemple, chaque titre de Io SAKISAKA se vend davantage que le précédent, d’une série à une autre mais aussi d’un tome à l’autre.

 blue-spring-ride-t1  STROBE EDGE_01

Bonne nouvelle ça… Allez revenons à notre fil 2015 !

Alors pour finir sur 2015 il y en a deux autres qui me tiennent vraiment à cœur et que je trouve très bons c’est d’abord Lesson of the Evil. Malheureusement il ne démarre pas totalement au tome 1 donc il faut lire aussi le second car après ça part crescendo et c’est magnifique. En plus je suis très contente car nous avons réussi à changer la couverture originale pour en faire une qui, selon nous, collait mieux au marché avec ses codes noirs et rouges proches du polar et du thriller. La couverture originale en jaune avec des plumes de corbeau faisait très littéraire et roman et n’était pas assez marquée. Le public risquait de passer à coté donc c’est bien d’avoir eu la validation des éditeurs japonais là-dessus.

Et quel accueil du coup ?

C’est une série qui se vend bien (on a passé la barre des 10 000 ventes nettes sur le tome 1 et on recrute à chaque tome. Une bonne dynamique donc.) Bien mais pas suffisamment vu l’enthousiasme que la série génère chez les lecteurs. C’est une série qui ne fait que 9 tomes et qu’on va continuer de pousser pour la sortie du T5, avec un pack « 2+1 » + un nouveau trailer pour présenter la série sous l’angle d’un nouveau personnage. 2016 sera l’année « Lesson of the evil » ! Nous pensons donc que nous avons encore une belle marge de progression sur cette série.

Et la seconde série qui te tient à cœur ?

C’est Levius.

Aaaah Levius !

Je suis hyper fière qu’on l’ait dans notre catalogue. C’est un extra-terrestre magnifique.

 lessonof-the-evil-1-kana  levius-1-kana

Du coté de la presse spécialisée c’était un titre assez clivant, certains voyant cette innovation comme un trait de génie, d’autres trouvant ça moche et brouillon. Quel a été l’accueil global de votre coté ?

Vraiment très bon. Nous avons eu une presse dithyrambique sur ce titre, j’en ai jamais eu autant sur un ovni comme celui là. Ça a été l’occasion de toucher un public assez large, notamment par son sens de lecture car l’auteur a choisi de le publier dans le sens occidental alors qu’il est japonais.

Le public BD et les lecteurs de romans graphiques ont été très intrigués par la manière dont il dessine, avec ses flous en arrière-plan qui donnent beaucoup de puissance aux avant-plans. C’est une technique que très peu de Japonais utilisent. Il va beaucoup plus loin qu’une simple utilisation des trames pour donner du volume. J’ai eu aussi beaucoup d’auteurs de BD qui sont revenus avec ça en disant « waaaah, c’est quoi ce truc c’est terrible ! ».

Il faut parfois un peu de temps pour s’y faire mais après ça devient une évidence.

Complètement… Et ce qui est très amusant c’est que j’ai eu la chance de rencontrer l’auteur. Il est tout jeune alors qu’on aurait pu penser à quelqu’un d’expérience en voyant son travail. Et quand tu le vois dessiner ses pages c’est très étonnant : son dessin à l’air extrêmement lâché mais en fait quand il dessine il utilise des repères partout, il mesure sans arrêt, fait plein de calculs et de lignes de perspective avant de poser son crayon… c’est hyper cadré, très mathématique comme façon de faire, alors que le rendu parait très lâché, très libre ! C’était très intéressant à découvrir.

Est-ce qu’il y a encore eu d’autres choses marquantes chez Kana en 2015 ?

On pourrait encore parler de Seraph of the End qui marche très bien, de Kuro ou encore du Club des Divorcés le dernier KAMIMURA, par exemple. Sinon, un autre dossier important pour nous, c’est le simultrad, dont nous sommes très très contents même si, sur le plan purement business nous n’y sommes pas encore.

Izneo Kana

L’expérience était très intéressante à plein de points de vues : la négociation avec les éditeurs japonais, le développement technique bourré d’embûches, la réorganisation en interne mais aussi avec les freelances, etc.  Nous avons du apprendre à travailler complètement différemment…

C’est-à-dire, dans le timing ?

Oui tu es obligé de travailler par chapitre et tu as sept jours pour tout régler : recevoir le matériel, le nettoyer, le traduire, le corriger, le lettrer puis l’envoyer au Japon pour le faire valider et enfin le mettre en ligne.

Ah oui, quand même !

Sachant, que évidemment, rien ne fonctionne comme tu l’avais imaginé : on t’envoie le matériel mais tu le reçois pas, la technique bloque au moment où tu dois faire la mise en ligne, je t’en passe et des meilleurs. C’est une espèce de… Disons que de loin ça peut ressembler à une grande usine à gaz alors que c’est beaucoup plus organisé que ça !

Je me souviens d’une interview chez Mangacast où l’on ressentait effectivement les difficultés et une certaine fatigue…

Oui parce que, à ce moment là et en plus de tout ce que je viens de te dire, nous expérimentions l’application Naruto Simultrad et on devait à chaque fois attendre la validation de Apple de San Francisco qui fait le grand écart horaire avec le Japon, et je perdais encore un jour dans le processus. Apple n’arrêtait pas de nous mettre des bâtons dans les roues au départ. Heureusement, on a pu passer ensuite sur izneo, en direct sur le web, ce que le Japon avait refusé de faire au départ, pour plein de raisons différentes.

Nous avons donc dû montrer pourquoi ça ne fonctionnait pas, d’autant que lorsqu’Apple dit quelque chose, tu peux toujours faire la danse du ventre pour les faire changer d’avis, rien n’y fait. Et du coup c’est amusant parce que, pour la deuxième expérience sur le web, l’ibookstore a été parmi les premiers à mettre nos titres super en avant avec des bandeaux de dingue alors qu’on ne le leur avait même pas demandé ! (Rires)

Il faut trouver la bonne formule quoi…

Oui, voilà, il faut trouver, et tant que tu n’essaies pas tu ne sais pas. Nous n’aurions jamais imaginé avoir autant d’obstacles alors que nous nous étions très bien préparés avant…

En fait si on prend du recul on voit que sur 20 ans vous êtes un éditeur spécialiste dans l’essuyage de plâtres en fait ! (Rires) Après la sale réputation du manga à combattre, des secteurs entiers à défricher en payant quelques pots cassés au passage, vous avez remis le couvert sur le numérique…

Ca fait partie de notre philosophie d’éditeur, nous ne sommes pas là pour ne rien faire et attendre que les choses se passent. Nous préférons nous lancer, c’est ça aussi éditer! (Rires)

Tout ça nous amène justement au présent. Sur cette fin 2015 début 2016, nous avons appris plusieurs acquisitions de licences qu’on aurait pu attendre chez vous : Platinum End, My Hero Academia voire One-Punch Man… Quoi que, sur ce dernier, avez-vous fait une offre ?

one-punch-man-01-shueishaAprès ça fait partie de la compétition, en tout cas dans deux cas sur trois que tu as cités car pour Platinum End,  la compétition n’a jamais été ouverte dans la mesure ou Kazé a fait valoir sa première option et donc il n’a jamais été mis « sur le marché » si on peut dire…

Est-ce que Shueisha vous a expliqué ses choix ?

Les éditeurs japonais n’ont pas l’habitude d’expliquer le pourquoi du refus, quelque soit le cas, même pour l’approbation d’une PLV .

Pour One-Punch Man et My Hero Academia je sais que la compétition a été forte et je sais qu’en face de nous nous avions des concurrents qui ont fait des offres vraiment très hautes. Donc c’est le principe de la compétition. Même si pour One-Punch Man ce choix fait par la Shueisha de prendre un challenger aux partenaires historiques a été le même dans le monde entier, ce qui montre – enfin ce n’est qu’une analyse personnelle – qu’il y a une volonté de challenger les éditeurs entre eux, de donner une opportunité à certains bons compétiteurs, de faire un test.

La compétition était donc énorme. Après les éditeurs qui l’ont eu sont de très bons éditeurs de mangas donc tant mieux pour eux bien sûr ! C’est bien en tout cas que le marché acquiert de si bons titres, ça va forcément le redynamiser et ça va faire bouger les choses. C’est juste dommage qu’ils ne soient pas chez KanaRires !

Suite à ces décisions est-ce que vous vous êtes demandé s’il y avait un problème dans vos relations avec la Shueisha, est-ce que ça vous a inquiété de ce coté là ?

Évidemment nous nous sommes posés plein de questions, ça a été un échec pour nous… Nous avons donc fait notre « examen de conscience » en quelque sorte. Rires ! Nous sommes allés les revoir, nous leur avons posé plein de questions et nous nous sommes interrogés sur notre manière de faire… mais toutes les conclusions que nous pouvons en tirer sont très théoriques. De toute façon ça faisait un moment que nous avions commencé à nous réorganiser pour faire évoluer des choses chez Kana. Nous en avons tiré des leçons.

Pour autant je ne pense pas que nous ayons de problèmes avec la Shueisha, car le fait est que cet éditeur a acheté Kazé Manga donc pour Platinum End ce n’est pas une surprise, on s’attendait à ce que les gros titres aillent chez eux. Malgré ça nous avons quand même pu acquérir Assassination Clasroom et nous avions la chance d’avoir encore Naruto aussi. Donc quand tu es un éditeur japonais tu ne vas pas non plus mettre tous tes œufs dans le même panier. Ce n’est donc pas totalement anormal ce qui arrive avec One-Punch Man ou My Hero Academia.

Platinum End

Platinum End en couverture du JUMP SQ

Celui qui me fait le plus mal par contre, je l’avoue, c’est pour OBATA. Nous l’avons suivi depuis longtemps, nous avons toujours eu cette stratégie auteur chez Kana. Nous avons beaucoup travaillé les titres de cet auteur, car il ne faut pas oublier que Death Note a été beaucoup soutenu au lancement et tout au long de la série, ce n’est pas comme si nous n’avions rien fait ou qu’il s’était vendu tout seul, même si c’était la belle époque…

Kana a aussi essuyé de sacrées affaires avec Death Note en plus !

Oui aussi ! C’est vrai qu’à l’époque avec ces faits divers qui ont fait la une, nous avons dû faire face et nous nous en sommes bien sortis au final. La preuve c’est que, même s’il n’y a plus de nouveauté depuis des années, Death Note contredit complètement l’adage qui dit qu’une série finie est une série morte, car elle se place toujours dans le top des ventes, un peu comme Dragon Ball, sauf que nous n’avons même pas eu de nouvelles éditions et que toutes nos propositions dans ce sens ont d’ailleurs été déclinées par le Japon.

Ensuite nous avons fait Bakuman mais aussi Blue Dragon et en nouveauté il y a aussi la série qu’il a fait avant Platinum End (Gakkyû Hotei, NDLR) que nous sortons bientôt donc, voilà, nous avons vraiment suivi cet auteur alors que, comme tout le monde le sait, tout n’est pas égal dans ce qu’il a fait. Mais nous avons joué le jeu et nous avons fait notre travail d’éditeur donc, là, je t’avoue que ça a été vraiment dur d’avaler la pilule.

C’est d’autant plus frustrant que vous n’avez même pas pu faire une offre…

Oui voilà ce n’est même pas sur une proposition que la décision s’est faite. Nous aurions pu échouer même dans ce cas là, bien sûr, mais au moins tu peux essayer de comprendre ce qui n’a pas été. Là non, donc c’est vrai que c’est difficile. Même si on comprend la stratégie qu’il y a derrière, forcément.

Dernière question, tournons-nous vers l’avenir : après deux décennies passées sur ce marché français du manga, comment envisages-tu les dix ans à venir pour le marché du manga et pour Kana ?

Maintenant nous avons un marché du manga pérenne et installé. Je pense que le manga va continuer à représenter au moins 30% du marché BD et qu’il est là pour longtemps.

Je pense aussi que nous avons fait le tour des anciennes séries et du fond de catalogue du marché japonais, même s’il reste parfois quelques perles mais qui sont souvent bloquées par des problèmes de droit. Donc maintenant il va s’agir d’un travail de fond pour installer ces anciens titres, ces classiques qui sont très bons mais aujourd’hui un peu oubliés. Nous avons essayé plein de choses mais nous n’avons pas encore trouvé comment faire. C’est un aspect  qu’il faut creuser.

Ensuite il faut continuer de bien travailler les nouvelles licences, et l’émulation qu’on a évoqué avec les autres éditeurs nous y pousse, il ne faut surtout pas t’endormir sur tes lauriers même si tu fais beaucoup de chiffres et que tout se passe bien pour toi. Il faut rester sur le qui-vive.

Enfin nous voulons continuer de développer la création, même si nous n’avons pas l’intention d’en faire 50% de notre catalogue, mais plutôt de continuer ce que nous faisions depuis la naissance de Kana. Nous avons eu des bonnes surprises ces dernières années comme Une vie chinoise de Kunwu LI qui s’est très bien vendu et que nous avons pu publier dans 12 langues, il y a des titres comme Save me pythie que j’ai pu vendre au Japon : ce sont des chouettes expériences qui nous amènent vers d’autres choses et nous ouvrent d’autres perspectives.

Nous expérimentons donc d’autres pistes à côté de l’achat de licence qui reste, en tout cas chez Kana, une grosse partie du catalogue… et qui va le rester a priori, même si, avec moins de titres disponibles que par le passé au Japon il y aura – et il y a déjà – beaucoup plus de compétition ! (Rires)

Une décennie où il y aura de quoi faire, on ne va pas s’ennuyer ! Merci et encore joyeux anniversaire des 20 ans à la maison Kana !

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Suivez l’actualité des éditions Kana sur leur site internet ou via leur réseau Facebook et Twitter et retrouvez aussi Christel Hoolans  sur Twitter.

Remerciements à Christel Hoolans pour son temps et sa bonne humeur !

Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :

Akata (décembre 2015)

Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)

Glénat (mars 2009décembre 2012, janvier 2015)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Kana (novembre 2012 janvier 2014, février 2016)

Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 avril 2011janvier 2012janvier 2013, avril 2014, février 2015, février 2016)

Komikku (mai 2014)

Kurokawa (juin 2012,  décembre 2013novembre 2015)

nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu (octobre 2012, novembre 2014)

Pika (avril 2013, décembre 2014)

Sakka ( juillet 2015)

Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)

Tonkam (avril 2011)

Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 20132014 et maintenant 2015 !

Chroniques manga : quand on garde le meilleur pour la fin…

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Chroniques Manga-1

Le rattrapage de lecture en retard, voir très en retard, fut  une activité de bon aloi pendant ces vacances d’avril (profitez bien, vous qui y êtes encore) parce que les piles de manga aux allures de tours de Pise me regardaient depuis quelques temps d’un mauvais œil. Ce rattrapage se fit dans une ambiance de renouvellement avec un enchaînement de derniers et de premiers tomes : quatre séries courtes ont raccroché les wagons et sept nouvelles se faisaient une petite place dans mes étagères… Onze mangas au programme sur la trentaine que j’ai lu pendant ces vacances, et ça ne m’étonnerait pas que quelques autres viennent s’ajouter à la liste avant la fin du mois.

Pour éviter l’indigestion, je commence par vous parler de ces 4 fins cette semaine, avant d’attaquer les nouveautés au prochain numéro. Bonne lecture à toutes et tous !

Ah j’oubliais : de nouveauté il était déjà question ce mois-ci, mais ailleurs, car j’ai signé un papier sur la nouvelle génération de super-héros en manga, avec One-Punch Man et My Hero Academia à l’honneur sur Journal du Japon. Allez y jeter un œil ;)

Les inratables… forts en émotions !

Orange 5Orange #4 & #5  d’ Ichigo TAKANO chez Akata : impossible de passer à coté de la fin tant attendue d’Orange, ce phénomène shôjo 2015-2016 qui a su embarquer des dizaines de milliers de lecteurs… Et pour du shôjo ce n’est pas tous les jours ! Pour ceux qui seraient passés à côté je vous rappelle qu’il s’agit d’une bande d’amis de lycée, aujourd’hui adultes, qui sont rongés par la mort – le suicide, on l’apprend assez vite – de leur ami Kakeru, lui-même hanté par le suicide de sa propre mère. Un peu de science-fiction aidant, ces amis en question parviennent à écrire à leur moi du passé, leur envoyant une lettre chaque jour, et n’ont désormais plus qu’un but en tête : ne pas répéter les erreurs du passé et sauver Kakeru.

Trois garçons, trois filles, un triangle amoureux, les difficultés de communiquer avec autrui, la perte d’un être cher et comment soigner ceux qui souffrent en silence, à côté de vous. : voilà quelques thèmes et ingrédients de cette romance très originale qui, en plus d’un scénario accrocheur, s’est développée pendant cinq tomes en conservant ces deux qualités principales : des émotions à fleur de peau et l’angoisse relative au potentiel suicide de Takeru. Sans parler d’un excellent coup de crayon, pour ne rien gâcher.

Dans cette histoire, Takeru et la jeune et émotive Naho se montrent tous deux très maladroits – ça encore, dans les shôjos, on a l’habitude – mais Ichigo TAKANO amplifient singulièrement la nature des enjeux amoureux, dans la mesure où l’on ne sauve plus seulement une romance mais bel et bien une vie. Pour Naho la pression devient alors de plus en plus grande : il n’est plus question d’un jeu de séduction ou d’avoir le dernier mot, mais de réussir à déverrouiller la forteresse qu’a bâti Takeru autour de son cœur pour le convaincre qu’il a le droit au bonheur. Et c’est une tâche des plus ardus car ce dernier se montre très secret dans ses émotions et il est totalement effrayé par le mal qu’il peut faire à autrui. Ajouter à cela une immense culpabilité vis à vis du suicide de sa mère et on atteint une souffrance telle que les remparts qu’il est capable de dresser autour de lui sont impressionnants.

Rien n’est donc gagné d’avance, et les jours vont s’égrainer petit à petit jusqu’à la date prévue du suicide, faisant vivre de vrais montagnes russes au lecteur : tout semble possible jusqu’à la dernière minute ! Au moment où on a l’impression que le futur n’est pas écrit, le destin vient pour reprendre ses droits, presque à chaque fois, empêchant toute prédiction et nous laissant sur le fil, prêt à chuter dans le drame. De plus, on ne sait même plus quel futur on désire pour Naho car est-ce que son autre prétendant, Ueda, mérite de tout sacrifier pour Takeru, ses sentiments comme un avenir de rêve ? Tout ceci est aussi palpitant que poétique et nous laisse le cœur en émoi jusqu’à la dernière page…

Bilan :  Orange, c’était différent, c’était beau, c’était émouvant. Merci Ichigo TAKANO.

Poison City 2Poison City 2  de Tetsuya Tsutsui chez Ki-oon : si j’avais rapidement consacré un article au premier tome et même eu la grande chance de rencontrer l’auteur, je ne pensais pas que Tetsuya TSUTSUI parviendrait à conserver l’intensité de son pitch dans ce deuxième et dernier tome. Je me disais qu’en lisant la suite un an après la parution du premier opus, la magie se serait en partie envolée. Mais, un an et un mois après, j’ai finalement retrouvé un titre qui avait encore du répondant. Mikio, le mangaka censuré pour son titre Dark Walker était à la croisée des chemins. Pour continuer d’exercer son métier normalement, il devait édulcorer sa série… Qu’il refuse de s’avouer vaincu je m’y attendais un peu, mais c’est sa descente aux enfers que je n’avais pas prévu !

C’est en effet une seconde tourmente qui attend notre jeune auteur, encore plus violente que la première, où ce n’est plus son oeuvre qui est mise en cause mais lui même, risquant d’être proclamé « auteur nocif » et envoyé en cure de réhabilitation. Carrément, façon Orange Mécanique.

On visualise dans ce second tome ce qu’il pourrait advenir si un un affrontement idéologique de grande ampleur devait avoir lieu… On comprend à quel point un auteur, peu habitué aux joutes publiques, est grandement désarmé lorsqu’il veut faire valoir son droit à l’individualité dans une société de consensus, face à des hommes politiques préparés et qui amènent le débat là où ils le veulent. Ces derniers, méprisables, ont en effet les arguments qui font mouche, mais uniquement parce qu’ils sont bien tournés… Des gigantesques troll contre la liberté d’expression sortent donc de leur bouches méprisantes, révoltant par leur obscurantisme, par leur agressivité – parfois latente, parfois explosive – sous le couvert du respect des bonnes mœurs.

Le « camp » des auteurs tel qu’il est décrit dans Poison City ne manque pas d’argument pour autant et il est loin d’être ridicule, bien au contraire, mais certaines guerres sont plus longues que prévues, et commence parfois par une défaite. La mise en garde de Tetsuya TSUTSUI résonne donc une dernière fois dans ce seinen qui est plus que jamais un indispensable de vos mangathèques, pour rester vigilant.

Bilan : avec ce titre passionnant on nous aura prévenu en tout cas, et plutôt deux fois qu’une !

Les inédits… qui nous avait intrigués


Sangsues tome 5 CastermanSANGSUES #4 & #5 
de Daisuke IMAI chez Sakka : L’éditeur, le sympathique Wladimir Labaere, m’en avait venté les mérites l’été dernier et c’est vrai que le premier tome vous happait avec force, via un pitch peu commun : SANGSUES, c’est l’histoire de Yoko, jeune fille malheureuse qui, suite à un concours de circonstances, est déclarée comme morte. Mais elle est bien vivante, plus qu’avant même, car elle se retrouve dés lors libérée des contraintes de sa vie d’avant. Elle vit désormais comme une sangsue, squattant appartements et maisons inoccupées pendant quelques heures ou quelques jours grâce à des résidents au travail ou en vacances. Une vie sans contrainte ? Pas si sûr…

Dans cette série en cinq  volumes on comprend rapidement que ce mode de vie était partagé par plusieurs personnes, une sorte d’ethnie fantôme avec ses propres lois, souvent celle du plus fort d’ailleurs. Ce qui a donc débuté comme un manga envoûtant, entre rêverie d’une vie sans attache et le phénomène des fameux évaporés au Japon, s’est très rapidement orienté vers un thriller. Notre héroïne déchirée entre cette nouvelle liberté et les attaches « humaines » de sa vie d’avant se confronte à un Japon de l’envers des plus violents, dans un système clanique qui évoque un peu celui des yakuzas.

La discussion n’est donc plus de savoir si une autre forme de vie est possible, loin du matérialisme et de la possession, mais si en sortant du système on doit ou non sacrifier notre humanité et nos sentiments pour revenir à l’état sauvage – et sa camoufler dans la jungle urbaine – ou perdre au contraire toute émotion pour se placer au-dessus des humains et de leurs lois stupides.

La poésie, même si elle est encore présente par petites touches (notamment dans la mise en scène et en page) a donc laissé la place au suspens, à l’action, aux rebondissements de situations, à des êtres finalement dévorés par leur exclusion et leur solitude. L’envoûtement initial s’est donc un peu étiolé lors du second et du troisième volume mais la narration efficace et les personnages secondaires bien campés, crédibles malgré leur grain de folie, font qu’on lit cette aventure inédite et cruelle jusqu’au bout.

Bilan : Un thriller original et bien exécuté, qui changera un peu du lot commun d’un genre plutôt bien fourni. On attend désormais avec impatience le prochain Daisuke IMAI… pour voir où il nous emmènera la prochaine fois.



monde-de-uchu-2-castermanLe monde selon UCHU #2
 de Ayako NODA chez SAKKA: C’est rare des mangas en deux tomes qui me marquent – vous en avez beaucoup dans vos étagères, vous ? – et c’est donc d’autant plus étonnant d’en trouver un deuxième dans cette sélection, après Poison City. Si ces deux histoires parlent toutes les deux de manga dans le manga, c’est vraiment – mais vraiment – leur seul point commun.

Là où le titre de TSUTSUI défend une cause dans un monde proche du notre, Ayako NODA nous projette directement dans un manga où les personnages prennent conscience de leur nature en 2 dimensions. Comme le dis le héros à l’héroïne – Uchu à Alice – « nous sommes dans un manga« . Ils sont alors capables de voir physiquement les bulles mais aussi de sentir qu’ils sont observés (par nous, les lecteurs) et manipulés par un auteur… Sans compter que les dialogues intérieurs, dans d’autres bulles sont dès lors à la disposition de tous puis que toute leur intimité risque bien d’être exposée au grand jour. Tout cela est écrit avec énormément d’ingéniosité et d’humour et m’avait accroché dès le volume 1, comme j’en témoigne dans cet article…

Conscient de cet état de fait le héros tentait, à la fin de cette première itération, de préserver son entourage : il choisissait de s’éloigner de ses amis afin qu’ils ne soient plus sous les projecteurs et qu’ils retrouvent leur vie privée. Mais rien n’est aussi simple car si un personnage disparaît le mangaka a alors une multitude de possibilités… Il peut le faire ré-apparaître de force, il peut changer le héros de son manga, en faire apparaître un second pour des histoires en parallèle, il peut faire bifurquer une romance vers un nouveau duo… Mais, fidèle à son inventivité et à sa capacité à nous surprendre, Le monde selon UCHU s’amuse de ces voies narratives : à peine les a-t-il utilisées qu’il les chamboule pour faire apparaître un personnage inattendu : Ayako NODA elle-même ! Et quand une mangaka se raconte elle-même au milieu de ses propres personnages, plus rien n’est véritablement prévisible.

Heureusement, le récit ne devient pas pour autant un bordel sans nom et on se laisse totalement embarquer par les doutes qui envahissent les protagonistes de ce monde métaphysique, en se posant nos propres questions : est-ce que les personnages guident l’auteur ou est-ce l’auteur qui guide ses créations et leur impose sa volonté ? Après tout on a plus d’une fois entendu un auteur avouer que ses personnages avaient pris vie et avaient modifié les intentions premières de leur créateur…

Mais, alors, comment les personnages de manga peuvent-ils prendre conscience de leur état et s’opposer aux altérations réalisées par l’auteur vu que le résultat de ces dernières ne sont rien d’autre qu’une nouvelle réalité, insoupçonnable ? De plus, même s’ils ont conscience d’eux-mêmes, comment les définir ? Etre ou ne pas être puisqu’ils peuvent être totalement transformés par un simple coup de crayon ?  Je pense donc je suis ne semble pas non plus un adage suffisant ici. Enfin, question toute aussi inquiétante : est-ce que les protagonistes, lorsqu’ils comprendront que l’histoire s’achève au 15e chapitre, pourront raisonnablement penser que leur vie va s’arrêter et qu’ils vont donc, de facto, mourir ?

Psychologie et philosophie se bousculent ainsi dans ce second tome, qui ne perd pas pour autant sa poésie ni son humour (mention spéciale aux yonkomas en début d’ouvrage : savoureux !).

Tout ça pour dire que Le monde selon UCHU est un ovni qui se lit et se relit avec plaisir, bourré de personnages attachant mais aussi de niveaux de lecture. Le cœur du lecteur comme son cerveau ont ainsi de quoi être comblés… Jetez-vous dessus !

Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. On finit avec la pile de choses à lire, toujours aussi volumineuse… Y a des choses qui vous intéressent là dedans ?

Chroniques Manga-2

En attendant de faire grossir la pile, rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle interview éditeur !!

[Itw éditeur] Ototo, Taïfu & Ofelbe : les fans d’abord…

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Ototo Ofelbe Taifu 2016

La voici la voilà, la 4e et dernière interview bilan de 2015, après Kurokawa, Ki-oon et Kana ! La dernière mais pas des moindres puisqu’il ne s’agit pas d’un éditeur mais de presque trois. L’ensemble a su briller en 2015 par ses résultats en progression et il propose une actualité 2016 assez riche : je vous parle du trio composé de Taifu, Ototo et Ofelbe !

Cet assemblage éditorial est plus que jamais à part au sein du paysage français, car il a su évoluer en ayant comme cap d’aller là où les fans se trouve, qu’ils aiment le yaoï, le yuri, le hentai, le light novel, etc. Une démarche qui contraste avec la conquête nécessaire du grand public néophyte et dont se charge d’autres maisons d’éditions.

Pour analyser cette démarche, de ses différentes possibilités à ses résultats, c’est Guillaume Kapp, l’attaché de presse du trio, qui a répondu à mes questions, en en février dernier (quelques mises à jour venant actualiser le tout, forcément). Je vous laisse donc en sa compagnie, bonne lecture !

 

L’actualité et ses bonnes novels !

Paoru.fr : Bonjour Guillaume Kapp,
On commence avec l’actualité… Tu ressors de deux salons, le FIBD d’Angoulême puis Paris Manga. Paris Manga nous avons l’habitude de vous y voir, mais Angoulême je n’ai pas l’impression…

Angoulême 2016Guillaume Kapp : Effectivement la dernière fois que nous sommes allés à Angoulême c’était en 2013. Nous n’y étions pas retournés depuis car lors de cette édition 2013 nous avions été un peu déçus au niveau des retours, que ce soit sur le plan de la communication et des rencontres avec les professionnels du milieu (libraire, bibliothécaire, etc.), ou sur le plan des ventes.

Cela s’explique par une certaine jeunesse du label Ototo à l’époque. Il existait déjà mais c’était le tout début : le manga de Spice & Wolf a pu être mis en avant mais, derrière celui là, nous n’avions que des licences assez anciennes, comme +Anima ou d’autres qui fonctionnait difficilement comme Samidare et Adekan. Enfin nous étions aussi présents à travers Taifu et nos titres yaoi, ce qui ne correspond pas forcément au public du FIBD.

En 2016 nous avons décidé d’y aller parce que notre catalogue est beaucoup plus important avec des titres shônen qui conviennent mieux au jeune public présent sur le salon. Nous voulions également communiquer sur la nouvelle collection Light Novel d’Ofelbe et aussi sur Sword Art Online ou Spice & Wolf. Même si Angoulême est un festival BD et que certains pensaient que le light novel serait hors-sujet, il ne faut pas oublier que c’est un format d’origine pour de nombreux mangas. On dit souvent que le manga est la base de nombreuses choses dans la pop-culture japonaise, des animes aux produits dérivés, mais il n’y a pas que ça et le light novel prend de plus en plus ce rôle (de format d’origine) dans certaines licences : beaucoup plus de mangas et beaucoup d’animes en sont issus.

Donc voilà, nous voulions expliquer ça aux gens et leur faire découvrir ce format.

Spice & Wolf 3 LN

Enfin cette édition, grâce à la place donnée à Katsuhiro OTOMO, était aussi une bonne opportunité avec toute l’actualité autour de cet auteur, d’Akira et du quartier Asie mis en place. C’était l’occasion où jamais de retenter et, tant qu’à le faire correctement, nous avons pris la décision d’être présent à travers un gros stand, pour imposer notre présence dans cette espace Asie.

Au-delà ce qui s’est passé sur les prix Fauve – où tout a déjà été dit de toute façon – ça a bien fonctionné pour nous. Les ventes ont été au rendez-vous, nous avons pu réaliser une bonne mise en avant de nos licences, comme Sword Art Online mais aussi Accel World, de manière notable. Cette seconde série tournait convenablement mais nous avons pu constater que la diffusion de l’anime sur Game One lui avait fait beaucoup de bien. Nous avons aussi réussi à bien mettre en avant les titres Ofelbe : nous avons pu vendre Spice & Wolf, Sword Art Online et Log Horizon. De plus, même si les gens n’achetaient pas toujours, ils étaient assez curieux et posaient des questions, ce qui est une bonne chose.

Enfin ce salon nous a permis de faire un autre test : nous n’y avons pas ramené Taifu ou plutôt nous n’avons emporté qu’un titre : In This Words. Nous nous sommes dit que le titre pouvait plaire à ce public et nous avons vu juste car il s’est très bien vendu… Pas au jeune public, mais à des adultes de 35-40 ans en moyenne, des femmes comme des hommes. Je l’ai beaucoup défendu comme non réservé au seul public yaoiste – c’est avant tout un thriller – et les gens ont été réceptifs à ce message.

in-these-words-manga

C’est pour ça que j’ai réalisé un article dessus d’ailleurs, alors que je ne suis pas lecteur de yaoi. Son graphisme comme son scénario ou sa narration en font un bon titre au delà de son thème, et ainsi un ambassadeur du genre…

C’est un très bon ambassadeur, il permet de remettre en valeur la thématique yaoi et fait partie de ces titres que nous voulons publier chez Taifu et qui se veulent beaucoup plus grand public, pour casser les clichés. Après plusieurs années à le défendre nous sommes parfois fatigués de voir ce secteur du manga trop souvent dénigré. Nous savons qu’au départ, les premiers titres yaoi ont suivi les codes du genre, nous avons favorisé cette image en publiant beaucoup de titres de ce style. Mais l’offre était quasi-inexistante et la demande tellement forte qu’il nous a d’abord fallu rattraper le retard. Mais maintenant, depuis deux ou trois ans, nous essayons de faire connaître de nouveaux auteurs, de dépasser les clichés pour mieux faire connaître le yaoi.

In This Words est donc à la fois la locomotive et le porte étendard de cette nouvelle ligne éditoriale. Il est désormais secondé par Deadlock qui s’inscrit dans la même lignée.

Deadlock

Après Taifu, continuons avec Ofelbe qui a pas mal d’actualité, notamment la nouvelle licence Dan Machi. Ce titre est lui aussi un étendard, mais pour une nouvelle collection chez Ofelbe qui porte le nom étonnant de Light Novel. Étonnant car, auparavant, vos titres étaient aussi des LN chez Ofelbe, pourquoi différencier celle là des autres ?

En fait la première intention des éditions Ofelbe avec Spice & Wolf, Sword Art Online et Log Horizon était de faire connaître un nouveau genre, que nous n’avons pas tout de suite appelé light novel mais plutôt roman jeunesse japonais. En effet, lorsque nous parlions aux médias spécialisés, ils connaissaient tous le terme light novel… mais pour les médias généralistes cela ne signifiait rien du tout.

Ainsi la collection classique des éditions Ofelbe a pour but d’éditer des light novels que l’on peut considérer comme des romans jeunesses qui correspondent aux standards du genre que l’on peut trouver en France : ils peuvent plaire aussi bien au public manga ou amateurs de la culture japonaise qu’au grand public comme les lecteurs d’un Harry Potter, Divergente, Hunger Games, Labyrinth… Mise à part le visuel de ces titres, typés manga, ces romans ne sont pas connotés Japon par une façon d’écrire ou par le choix de thématiques.

Par contre d’autres titres très demandés à l’heure actuelle chez nos lecteurs, ne sont clairement pas publiables dans la collection classique Ofelbe avec leur coté ecchi, leur thématique très japonaise, etc.

Le but de cette collection Light Novel est donc de se laisser plus de libertés sur la ligne éditoriale afin de faire connaître toute la diversité de l’offre japonaise. Ce n’est pas parce qu’un titre n’est pas de la fantasy ou qu’il est très marqué « culture pop-japonaise » que ce n’est pas un titre de qualité ou qu’il ne va pas plaire au public roman. Il fallait juste faire une distinction entre les deux.

Dan Machi LN

Dan Machi, par exemple, a un petit coté harem et dans les illustrations il y a un coté coquin, ce qui fait sortir ce titre des standards du roman jeunesse classique. Il y a néanmoins, encore, un petit coté fantasy dans Dan Machi, mais ça ne sera pas le cas pour la licence suivante. Le choix sera vraiment plus large dans les thématiques que nous allons proposer. Nous ne pouvions pas ne pas le signifier, pour tous nos lecteurs et surtout ceux qui ne sont pas des habitués de cette culture japonaise. Et pour faire découvrir toute cette diversité, le nom le plus adapté nous semblait bien LN –Light Novel.

Nous serons donc dans une collection destinée aux connaisseurs, qui ne seront pas gênés par un peu de ecchi ou une identité nippone forte, voir qui la recherche justement ?

Exactement, et ça va un peu à contre-courant de ce que font d’autres éditeurs, que ce soit Casterman, Ki-oon ou plus récemment Komikku en proposant des collections qui « s’éloignent » du public manga, s’orientant vers le grand public ou un public de non-connaisseur. Avec LN –Light Novel nous essayons au contraire de nous recentrer sur ce public d’amateur, en leur proposant un format intermédiaire entre les mangas et les romans, de part son contenu mais aussi son prix. Le coût moyen d’un manga est d’environ 7.50 euros, celui d’un roman c’est entre 15 et 17 euros et la collection classique d’Ofelbe est à 19.90 : il y avait donc un gros différentiel entre un manga et un roman. Avec la collection LN on passe à 12.99 euros, un prix plus proche de ce public là, qui sera plus attractif.

Il s’agira d’un tome simple avec un nombre de pages équivalents à celui d’un manga, ce qui peut aussi faire moins peur à un public pour qui l’épaisseur d’un livre peut-être rédhibitoire. On sait qu’une partie du public manga ne lit que ça, parce qu’il ne trouve pas ce qu’il recherche dans les romans ou parce que le format roman peut leur faire « peur » par la taille. Nous avions déjà réfléchi à tout ça pour la collection classique et nous y avons encore fait plus attention pour cette nouvelle collection.

NDLR : Depuis l’interview on connait désormais deux autres titres de la collection LN, le très populaire Durarara !! mais aussi The Irregular ar Magic High School !

Durarara LN

Durarara LN

Communiqué : La collection LN – Light Novel accueillera dès le 8 septembre son deuxième titre avec « Durarara !! », une œuvre écrite par Ryohgo Narita et illustrée par Suzuhito Yasuda, un artiste dont le travail pourra être apprécié par les lecteurs dès le 9 juin avec la sortie du tome 1 de « DanMachi – La Légende des Familias » dans la même collection. La collection classique de l’éditeur fêtera, dès le 27 octobre, l’arrivée d’une quatrième saga avec « The Irregular at Magic High School », un titre que nous devons au duo Tsutomu Sato pour le scénario, et Kana Ishida pour les illustrations.

The Irregular LN

The Irregular LN

Plus d’infos sur Durarara ici et pour The Irregular at Magic High School c’est là.

Ofelbe est aussi dans l’actualité pour la sélection de son catalogue à deux prix littéraires : le Prix Chimère et le Grand Prix de l’Imaginaire… Le light novel ne serait donc PAS qu’une sous-littérature, alors ? (Rires)

Mais exactement, c’est de la vraie littérature ! C’est vrai qu’on entend parfois ce reproche, sous prétexte que les visuels sont typés mangas. Ce serait dommage de ne se limiter qu’aux illustrations car elles ne représentent qu’une dizaine ou quinzaine de pages tout au plus. Nous espérions que 2016 nous fournissent des retours par rapport à certains prix sur lesquels nous avions candidatés mais nous ne voulions pas faire des pronostics et nous porter la poisse ! (Rires)

Alors on va dire que ce ne sont que des sélections mais être présent sur deux prix reconnus c’est déjà une bonne nouvelle… Ce ne sont plus uniquement les ventes qui prouvent qu’ils méritent qu’on s’y intéresse.

Log Horizon Grand Prix de l'Imaginaire

C’est une forme de reconnaissance pour le format light novel finalement, ça règle la question de savoir si ça mérite le nom de roman. Et c’est oui. Après il y a des titres en concurrence et savoir si vous avez le meilleur roman de l’année c’est encore une autre question…

Voilà. En plus, ce qui est intéressant, c’est que ce sont deux prix opposés… Le Prix Chimère donne clairement la part belle aux lecteurs, car c’est eux qui choisissent les lectures préférées donc nous aurons ainsi leur retour. Sur le Grand Prix de l’Imaginaire nous aurons les avis des professionnels, donc ça nous permet d’avoir cette reconnaissance et cette légitimité sur ces deux tableaux.

SAO Prix Chimère

Maintenant comme tu le dis avoir le prix est une autre paire de manche, il y a des sacrés titres en compétition, comme Phobos chez Robert Laffont au Prix Chimère qui est un gros titre de 2015.

Enfin il ne manque plus qu’une sélection pour Spice & Wolf, en 2016 ou 2017 sur un autre tome, et ça nous permettrait d’avoir un 3/3. Nous continuons d’y croire et nous nous disons que le mois d’avril sera peut-être riche en bonnes nouvelles !

On croise les doigts aussi !

NDLR : Si SAO n’a pas réussi a obtenir de prix pour sa première sélection, Log Horizon a passé le cap des sélections et il est désormais dans le top 5 final du Grand Prix de l’Imaginaire ! Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, Spice & Wolf a été sélectionné pour le PRIX IMAGINALES 2016, catégorie roman étranger traduit.

Hentai : réflexions et interdits

Pour finir sur l’actualité : c’est le retour de la collection sans interdit. Dans notre dernière interview, fin 2014, tu avais évoqué un ralentissement des sorties pour une montée en gamme. Comment s’inscrit le retour de cette collection ? Est-ce la même qu’avant ?

Oui ce sera la même collection qu’avant, c’est toujours non censuré. Nous faisons notre retour avec Linda, un auteur déjà connu chez les lecteurs de cette collection puisque c’est l’un de nos premiers avec Partenaires Particulières sorti en juillet 2013.

Quelques soucis sur le hentai demeurent cependant : c’est un genre à prendre avec des pincettes et nous rencontrons parfois des difficultés dans la sélection des titres : nous n’avons pas accès à tous les catalogues des éditeurs de ce secteur et notamment les principaux…

Qu’est-ce qui bloque ? Est-ce un refus de sortir du Japon ?

Linda_WivesIl y en a un qui travaille avec les Etats-Unis mais qui ne veut pas encore travailler avec le marché européen (l’éditeur Wani, NDLR), et le second ne donne pas vraiment d’explication. Peut-être est-ce un désir de ne pas sortir de ses frontières. Cela ne nous empêchera pas de refaire des demandes en 2017 ou dans quelques mois. Un « non » sur une licence n’est pas une réponse définitive pour tout un catalogue, donc nous faisons avec. En attendant le collection reprend, avec deux titres de Linda donc, Wives Color en mars et Lovers Color en avril. Nous n’aurons peut-être pas un rythme de sortie régulier, et les nouvelles œuvres arriveront peut-être tous les deux ou trois mois. Nous avons encore quelques titres sous le bras mais nous n’avons pas envie de faire n’importe quoi… Nous prenons le temps de réfléchir.

Notre politique sélective pour le yaoi est encore plus vraie pour le hentai car parmi toutes les œuvres publiées au Japon il y a beaucoup de choses qui ne peuvent pas être publiées en France, un problème que l’on rencontre beaucoup moins sur le yaoi. Tout ce qui est loli ou shota c’est compliqué voir impossible à sortir en France que ce soit du point de vue de notre éthique – ça ne nous intéresse pas de sortir ce genre de titre – ou avec toutes les nouvelles lois sur les œuvres à caractère pédopornographique issues de l’imaginaire.

Mais le souci est que le hentai est un genre avec beaucoup de recueils. Il suffit que sur 200 ou 300 pages il y ait deux ou trois pages avec une petite fille ou un petit garçon et cela devient tout de suite rédhibitoire. Soit on censure soit on ne publie pas. Malheureusement censurer un ouvrage c’est mal vu par l’éditeur japonais et nous sommes dans une collection qui se veut non censuré et sans interdit, donc…

C’est se tirer une balle dans le pied que de travailler sur des titres comme ça, qu’elle que soit l’approche choisie…

Voilà, et nous avons déjà suffisamment de travail et d’autres titres à proposer car Taifu Comics n’est pas une maison d’édition qui essaie de faire du racolage grâce à cette collection.

 

2015 : le bilan des fan base

Passons maintenant au bilan manga 2015. On commence par Ototo ; quel est votre bilan ?

Sur 2015 nous avons sans doute l’un des plus faibles nombre de nouveautés du marché français : quatre tomes 1 donc quatre nouvelles séries, dont trois de la licence SAO : Fairy Dance en février, Progressive en juin, Phantom Bullet en octobre et entre temps Accel World en mai. Ces lancements se sont à chaque fois très bien passés, 2015 a donc été une très bonne année de ce point de vue.

 SAO Phantom Bullet Manga   SAO Progressive 4

Pour te donner quelques chiffres, qui incorpore les ventes en salons :

Fairy Dance, sorti en février : nous avons vendus quasiment 15 000 exemplaires du tome 1 et si on cumule les ventes des trois tomes nous sommes plus proches des 30 000 que des 20 000.
Pour Progressive sorti en juin nous sommes aux alentours des 18 000 exemplaires vendus pour le tome 1.
Pour Phantom Bullet, sorti fin octobre, nous approchons des 10 000 exemplaires pour le premier tome.
Pour Accel World – j’ai envie de dire le « petit » Accel World, qui est censé ne pas payer de mine par rapport à SAO – nous atteignons les 6 000 exemplaires vendus sur le tome 1, des ventes dopées par la diffusion de l’anime sur Game One comme je te le disais précédemment. C’est une licence qui a du potentiel et qui le montre.

Les titres lancés les années précédentes ont eux aussi bien fonctionné : le premier SAO, Aincrad, a été décrié pour ses dessins mais il continue à bien tourner, Spice & Wolf et Magdala aussi même si, ce dernier étant fini, les ventes ralentissent… Fate Zero continue à faire lui aussi son petit bonhomme de chemin et nous remarquons d’ailleurs une légère augmentation des ventes sur ce titre comme sur Spice & Wolf.

Quelques chiffres là aussi pour ces titres cités ?

Voici les ventes au global :

SAO Aincrad tome 1 : on a dépassé les 23000 exemplaires vendus
Spice & Wolf tome 1 : on approche des 8000 exemplaires vendus.
Pour Magdala, Alchemist Path tome 1 : un peu plus de 5000 exemplaires vendus.
Enfin sur Fate/Zero tome 1 : un peu plus de 5000 exemplaires vendus.

 Fate Zero 11  Spice & Wolf Manga 12

Le fait de ne pas avoir énormément de sorties nous permet de continuer à travailler le fond de notre catalogue et ses titres un peu plus anciens, tant en terme de temps que de budget. Nous dépensons aussi ça en allant à de nombreux salons, qui sont l’un des axes principaux de notre stratégie de communication.

Lorsque l’on s’était vu fin 2014 tu avais évoqué cet axe Manga – light novel comme une piste pour Ototo mais finalement on voit que c’est devenu bien plus qu’une piste : c’est une ligne éditoriale à part entière chez Ototo. C’est aussi le choix pour 2016 ?

Le 12 mai 2016 nous sortons les deux premiers tomes de Gate, qui est un light novel à la base. Donc, oui, cette piste sera plus que jamais présente. Cette année, nous partons sur une base de cinq lancements, et quatre sont des mangas adaptés de light novel. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas – des opportunités autres peuvent toujours se présenter – mais c’est devenu une caractéristique des éditions Ototo.

 Gate-couv-2  Gate tome 1

La Société Euphor qui regroupe Taifu & Ototo ou la société Ofelbe semblent depuis quelques années focalisées sur des niches : niche du yaoi, du hentai, du light novel… Vous travaillez sur des communautés de fans assez ciblées, à la différence d’un éditeur généraliste qui va souvent parler -ou vouloir parler – au plus grand nombre… C’est votre modèle ?

Nous avons compris qu’il est important d’avoir une fanbase afin de faciliter le lancement d’un titre, mais attention, car cela n’est pas une recette qui marche à chaque fois. Cela peut aider quand un éditeur n’a pas encore la force de communication pour faire des grosses campagnes et faire connaitre au grand public un titre inconnu. Bien évidemment, cela passe aussi par la presse, il faut aussi prendre en compte les attentes du public, mais dans un premier temps il est important pour Taifu, Ototo et Ofelbe d’avoir des bases solides. Une fois que c’est fait, nous pouvons partir à l’aventure et tenter des coups ! Pour le moment, c’est le cas pour Taifu et c’est pour cette raison que le catalogue Yaoi va arriver des auteures inconnues en France, des titres plus originaux. Pour Ototo, on va dire que c’est plus facile maintenant qu’on a SAO de tenter des paris sur certains titres. Pour Ofelbe, il est encore un peu tôt, même si on s’y prépare.

Pour Ototo, pour le moment on est sur des licences tirés de Light Novel, mais ce n’est pas forcément un marché de niche, c’est juste qu’on prend exemple sur ce qui se fait au Japon où de plus en plus de mangas adaptés de LN sont publiés. Les fans de LN français représentent une communauté à ne pas sous-estimer, ils peuvent donc être intéressés par ces adaptations mangas. Le tout est de bien choisir et de se concentrer sur des titres qui ont le potentiel de plaire à tous les lecteurs de mangas. C’est pour cette raison qu’il faut aussi prendre en compte les attentes des lecteurs, les évolutions des marchés, ce qui se fait chez les autres éditeurs…

Un autre élément important pour Ototo, c’est les stratégies cross-media qu’on peut mettre en place sur nos licences, car ça permet de toucher un plus large public, d’être plus présents. C’est l’exemple d’Accel World que je citais plus haut, avec une diffusion télé qui concorde avec une augmentation des ventes, ce n’est pas un hasard.

Accel World

Pour finir, j’aimerais revenir sur le critère de la fanbase. Qu’elle concerne un titre ou un éditeur, les choses sont plus faciles tant qu’on communique avec cette communauté et qu’on la respecte. C’est ce qui a été fait avec Taifu Comics, Ototo et Ofelbe, et maintenant ça fait plaisir de voir des habitués qui nous soutiennent et qui nous font confiance sur nos choix de licences. Je ne pense pas qu’on puisse nous reprocher de ne pas être actifs sur les réseaux et présents sur les salons. D’ailleurs, petite anecdote, on me reproche des fois d’être trop connecté ! (Rires)

Si on passe de Ototo à Taifu, la transition peut se faire sur le thème du Yuri : Inu et Neko semble plutôt une déception chez Ototo et voici qu’est arrivé Citrus chez Taifu… qui a l’air de bien fonctionner, lui. Comment s’est passé ce transfert, comment vous avez réfléchi au placement de cette thématique compliquée chez Taifu, en 2015 et 2016 ?

Inu & Neko n’avait pas pour but de déplacer le yuri chez Ototo, c’était plus pour donner une chance supplémentaire au titre, car les mangas Ototo ont une meilleure visibilité en librairie que ceux de Taifu. C’était aussi pour lui éviter de lui coller une étiquette car ce n’est pas un yuri à 100%, c’est une auteure qui joue avec les codes du genre pour proposer un titre assez mixte avec en plus une narration de type yonkoma. Il était à la frontière entre les deux labels donc nous voulions lui donner plus de chance en le mettant chez Ototo. Bon au final ça n’a pas pris mais nous restions de toute façon dans l’optique de proposer du yuri chez Taifu.

Citrus 2

Là il y a donc eu la sortie de Citrus en janvier. Comme nous l’avons dit sur les réseaux et au public de fan du genre, c’est un peu la dernière chance de cette collection car Citrus est censé être le titre le plus demandé, le plus apprécié et cela fait d’ailleurs quelques années que nous travaillions pour l’avoir. En effet, quitte à essayer, autant le faire avec le blockbuster du genre : si cela fonctionne tant mieux, ça signifie qu’il y a un public de base. Mais si Citrus ne fonctionne pas il faudra se poser des questions, nous ne pourrons pas continuer à publier à perte. Si cela signifie qu’il y a 1000 ou 2000 lecteurs de Yuri en France, nous les décevrons donc mais, malheureusement, un titre comme ça ne peut pas être rentable avec aussi peu de lecteurs.

Défendre un genre c’est bien, mais si c’est pour qu’il coule les autres, l’intérêt est assez limité…

Exactement. Déjà le travail et les moyens employés sur cette collection ne sont pas utilisés pour d’autres, donc si c’est fait pour une collection qui n’est pas rentable voir même pas amortie, ça n’en vaut pas la peine. Il y a des priorités et des choix à faire.

Pour le moment que les lecteurs se rassurent, Citrus a l’air de bien tourner. Pour information, après un peu plus de deux mois en librairie, nous avons dépassé les 2000 exemplaires vendus sur le tome 1 de Citrus. On va dire qu’on est entre 2200 et 2500. Le lancement se passe donc plutôt bien, une chance pour le genre. Nous en ferons un bilan dans quelques mois et nous verrons ce qu’il en est. En tout cas, nous ferons en sorte que le titre soit une des bonnes, voir très bonnes, surprises de 2016.

Dernière partie : du coté Light Novel et de Ofelbe maintenant, quel bilan pour 2015 ?

L’année 2015 a été là aussi une très bonne année. Le lancement de Spice & Wolf et Sword Art Online, sortis en mars, se sont très bien passés : sur les tomes 1 et 2 de SAO on approche des 30 000 ventes cumulées, ce qui est loin d’être négligeable pour un tout nouvel éditeur. SAO peut certes s’appuyer sur une fan base importante mais chez le public roman le titre était clairement inconnu. Après c’est un phénomène, qui n’est pas forcément représentatif du potentiel du marché du light novel. Nous savons que les premiers tomes de nos light novel ne s’écouleront pas tous à 20 000 exemplaires. Pour Spice & wolf par exemple, nous espérions qu’il fasse entre un quart et un tiers des ventes de Sword Art Online, ce qui est le cas.

SAO 3 Phantom Bullet

De plus nous sommes sur un marché qui ne nous connait pas encore donc en se faisant connaître nous espérons voir nos ventes augmenter. Pour cela, il faut continuer à faire un travail de fond sur les différents prescripteurs (libraires, bibliothécaires, documentalistes, journalistes, blogueurs, Booktubers etc.), mais aussi au niveau des lecteurs en continuant à se déplacer sur des salons, et aller sur des événements qui sont davantage destinés aux littératures de l’imaginaire. Par exemple, nous allons aux Imaginales à Epinal, fin mai, un événement incontournable quand on publie de la Fantasy. Nous aimerions également aller à salon de Montreuil, mais là, c’est plus compliqué… Des fois, il suffit d’un déclic pour voir les ventes augmenter…

Enfin Log Horizon est sorti en novembre 2015 donc il faut attendre encore un peu pour statuer mais ça se passe bien. C’est la licence qui avait le moins de notoriété par rapport à Spice ou SAO, même avec un anime plus récent. Le light novel était donc moins attendu mais nous avons dépassé la barre des 2500 exemplaires vendus. Il devrait y avoir un rebond des ventes avec la sortie du tome 2. Après, on espère avoir une bonne surprise avec sa sélection pour le Grand Prix de l’Imaginaire dans la catégorie roman jeunesse étranger. Ce genre de prix peut apporter une mise en avant non-négligeable au titre, au genre et à notre maison d’édition. Si ça continue sur le même rythme on se dirige vers des ventes proches de Spice and Wolf… Ce qui est pas mal vu que le manga ne porte pas vraiment la licence et qu’on attend une saison 3 de l’anime pour qu’il exprime son potentiel, là où SAO ou Spice and Wolf ont davantage d’actualité.

Log Horizon 2

Si Log Horizon fonctionne sans cette actu, c’est sans doute qu’il y a une attente sur le format light novel lui-même, que les gens ont envie d’en lire ?

Oui, je pense que le genre se fait connaître petit à petit. Nous ne pouvons pas sortir n’importe quoi et nous faisons attention mais effectivement les gens achètent du light novel par intérêt pour ce format. Après avoir lancé des séries connues et attendues nous espérons pouvoir profiter de cet intérêt pour sortir des titres un peu moins connus, un peu moins attendus : proposer des vraies découvertes, comme ce qu’on peut faire chez Taifu & Ototo. Si les ventes continuent sur le même rythme, nous pourrons peut-être tenter ça fin 2017 ou 2018.

On suivra ça de près, on souhaite bonne chance à la collection LN donc, et que les portes étendards de Taifu et d’Ototo soutiennent le catalogue et que de nouveaux auteurs puissent éclore !

Pour rencontrer les équipes de Taifu, Ototo et Ofelbe, rendez-vous aux Imaginales du 26 au 29 mai avec une conférence le vendredi 27 mai à 14H00 pour Ofelbe, ou toutes les équipes, sur le pied de guerre comme toujours, pour Japan Expo ! Retrouvez également leur actu via les liens suivant :
Taifu : siteFacebook et Twitter
Ototosite, Facebook et Twitter
OfelbesiteFacebook etTwitter.

Remerciements à Guillaume Kapp pour son temps et sa disponibilité !

Retrouvez toutes nos interviews éditeurs :

Akata (décembre 2015)

Doki-Doki (mai 2012, janvier 2014)

Glénat (mars 2009décembre 2012, janvier 2015)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Kana (novembre 2012 janvier 2014, février 2016)

Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 avril 2011janvier 2012janvier 2013, avril 2014, février 2015, février 2016)

Komikku (mai 2014)

Kurokawa (juin 2012,  décembre 2013novembre 2015)

nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu – Ofelbe (octobre 2012, novembre 2014, février 2016)

Pika (avril 2013, décembre 2014)

Sakka ( juillet 2015)

Soleil Manga (mai 2013, mars 2015)

Tonkam (avril 2011)

Retrouvez également les bilans manga annuel du marché français réalisés par le chocobo : 2010, 2011, 2012 , 20132014 et maintenant 2015 !

Chroniques manga : 7 nouveautés à essayer pour finir le mois de mai !

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Chroniques manga mai

Après des fins de séries le mois dernier, chose promise chose due, voici de la nouveauté ! Ce n’est pas ce qui manque et c’est plus d’une vingtaine de tomes 1 qui me sont passés entre les mains ces dernières semaines. J’en ai gardé 7. Au sommaire : de la fantasy avec Drakengard et Gate, de l’historique avec Divci Valka, du shônen étonnamment bien avec le recueil de l’auteur de Seven Deadly Sins. Il y aura aussi du shôjo kodomo très bien trouvé par Glénat, avec 12 ans, du seinen très intéressant pour les curieux de l’édition, avec Bienvenue chez Protect, et enfin un ovni – et ce n’est rien de le dire – publié par Casterman et signé Hiroaki  l’habitant de l’infini  SAMURA : Halcyon Lunch.

Allez trêve de blablas, c’est parti pour les chroniques… Bonnes lectures à toutes et tous !

Fantasyyyy and hiiistoryyyyyyyyy

Allez cher lecteur, dis-moi que tu as cliqué sur la note de musique et que tu chantes avec moi sur cette playlist ! Bon, sinon, tant pis pour toi, et passons aux trois premiers titres qui mélangent de la fantasy plus ou moins dark et une dose d’Histoire assez passionnante.


Gate tome 1Gate, Au-delà de la porte #1 & 2
de Satoru SAO et Takumi YANAI chez Ototo : on commence par une bonne surprise. En effet ce seinen fourre-tout mélangeant guerre et fantasy ne paie pas de mine, car le graphisme de Satoru SAO est des plus classiques avec son chara-design tout droit sorti des années 80-90, entre Dragon Quest et Slayers pour les habitués du genre. Ça donne un petit coté old school et un peu de charme à l’univers pour les nostalgiques, car ce style de dessin se mélange bien aux codes de la fantasy avec ses chevaliers, ses magiciens, ses démons, elfes, etc.. Néanmoins, lors des premiers chapitres, ça donne des personnages très lambdas, qui sont loin d’enchanter le lecteur.

Ce n’est pas pour rien qu’Ototo a publié les deux premiers volumes ensemble, car il faut attendre un bon demi-tome avant que la mayonnaise ne prenne. Comme je le disais plus haut c’est l’univers, ou plutôt l’affrontement de deux univers très différents, qui va donner du sel à cette histoire. Tiens, d’ailleurs, je m’aperçois que je nous vous ai pas encore donné le pitch. Le voici : 20xx, un été dans le quartier de Ginza en plein cœur de Tokyo. Une mystérieuse porte donnant sur un monde parallèle apparaît brusquement. De celle-ci surgissent des monstres et des soldats d’un autre temps. Les Forces japonaises d’autodéfense, les FJA, interviennent et s’installent ensuite dans cet autre monde pour y entreprendre une mission d’exploration…

Vous pouvez lire un extrait sur le site de Ototo également.

Gate tome 2Deux mondes se confrontent donc, celui des forces militaires japonaises avec tout l’équipement moderne et les connaissances tactiques nécessaires, et une armée impériale à l’ancienne faite de soldats en armures, d’archers, d’elfes et de quelques créatures fantastiques comme des orcs et des dragons. Une fois passée la surprise – et le massacre de centaines de badauds qui se baladaient tranquillement à Ginza – les forces japonaises ripostent… et vont mettre quelques sévères raclées aux armées impériales du camp d’en face. Ils ont beau venir par dizaines ou centaines de milliers avec les meilleures lames et les meilleurs destriers, comment voulez-vous que ces soldats qu’un autre temps l’emportent face à une batterie de missile, des mitrailleuses, des grenades, des chars et des hélicos… On se demande donc qui, au sein de ce nouveau Monde, a choisi de faire apparaître cette porte menant sur notre Terre du 21e siècle, tant les premiers échecs sont cuisants.

Vu qu’il suffit d’un bazooka pour faire match nul avec un dragon cracheur de feu, les escadrons nippons envoyés en repérage au delà de la porte vont rapidement devenir des légendes et les nouveaux dieux de la guerre. Cela dit, on comprend quand même assez vite que, dans cette contrée moyen-âgeuse, tous ne sont pas des idiots et qu’il y a encore des puissances démoniaques mystérieuses qui ne sont pas sorties de l’ombre pour prendre part au combat. Idem du coté de notre Monde : l’accès à ce nouvel univers attise les convoitises et les autres pays comme la Chine et les Etats Unis sont impatients de ramasser le pactole de cette potentielle conquête. Tout est donc loin d’être joué et on finit par être assez curieux des prochains rounds.

Enfin, au delà de ce choc des civilisations inter-dimensionnel qui mélange action, tactiques de guerres et politique internationale, on profite aussi de situations assez comiques. En effet, le titre a le bon gout de ne pas trop se prendre au sérieux et joue des nombreux quiproquos possibles sur la rencontre de ces populations, et met pour cela, à la tête des forces humaines, un otaku fort sympathique. Si cette adaptation en manga de light novel n’a donc pas grand chose à voir avec Spice & Wolf ou Fate / Zero, elle n’en n’est pas pour autant dénuée de nombreux atouts… Au bout de deux tomes, me voilà tombé sous le charme !


Drakengard tome 1Drakengard, Destinées écarlates #1  
de Jun EISHIMA, ZET et Taro YOKO chez Kurokawa : de la dark fantasy sans retenue avec sa dose de sang et de sexe (et pour les moins de 16 ans, donc), ce n’est pas si souvent dans les mangas et c’est assez récréatif, surtout avec un chouette coup de crayon. Cette adaptation de la licence vidéo-ludique Drakengard, surtout de l’épisode RPG sur PS3 , nous conte les aventures d’un beau et sombre guerrier, One, capable d’invoquer un dragon. Il est accompagné par Nero, elfe frivole qui aime autant jouer de l’arbalète que… de l’arbalète. Leur but : tuer tous ceux atteints de la maladie de l’œil rouge et détruire l’église des anges.

Dans le domaine de la Dark Fantasy, les challengers sont peu nombreux donc on accueille celui-ci avec plaisir. Il permettra aux fans du genre de patienter entre deux tomes de The Arms Peddler ou d’Übel Blatt. C’est plutôt de ce second que Drakengard se rapproche d’ailleurs avec elfes, dragon, magie et monstres. Néanmoins, avec une histoire qui va se terminer en seulement trois volumes, le scénario ne prendra sans doute pas une ampleur folle. Du côté des personnages, les mangakas ont eu le bon goût de se limiter principalement aux deux héros, dont la personnalité est rapidement limpide, autant par leurs actes que grâce à leur chara-design bien pensé. Si le récit ne s’éparpille pas trop on peut donc espérer un manga qui tient bien la route, en plus du plaisir des yeux sus-cités et d’une bonne dose d’action qui laisse peu de temps mort au titre. De la dark fantasy correctement ficelée, pour ceux qui aiment quoi !

divci-valka-1-komikku
Divci Valka  
de Kouichi OHNISHI chez Komikku : et un nouveau titre historique, un ! Après les combats normands au XIVe siècle dans Hawkwood chez Doki-Doki, on reste quasiment à la même époque mais on s’envole à Prague pour, devinez quoi, une guerre de religion !

Tout commence en 1415, en plein cœur du Saint-Empire Romain Germanique, quand un théologien du nom de Jan Hus finit sur le bûcher pour avoir proclamé haut et fort la corruption de l’église et les malversations du pape de Pise, Jean XXIII. Il faut dire qu’avant de finir rôti sur la place public pour hérésie, Jan Hus avait de plus en plus de partisans, et le futur Roi du Saint-Empire, Sigismond, devait gérer une crise de l’église qui dure depuis pas loin de 40 ans et qui met un sacré bazar en Europe, avec plusieurs papes et plusieurs courants religieux qui se déchirent et qui affaiblissent le pouvoir global des religieux (ça s’appelle le Grand Schisme d’Occident pour les plus curieux). Bref, ce n’était pas vraiment le moment qu’un théologien viennent rajouter une couche de défiance par là dessus. Donc, hop, au bûcher !

Le soucis c’est qu’en brûlant un homme aimé, on en fait un martyr et on pousse des peuples à se révolter. Les partisans de Hus, les hussites, finissent donc par s’opposer aux catholiques bien plus frontalement que dans un simple débat d’idées : en 1419, 4 ans après la soirée barbecue avec l’ami Jan, on atteint le point de rupture. Un autre Jan, Jan Zelivsky, grand prêtre hussite, mène une attaque en plein Prague avec quelques fidèles et ils tuent des conseillers catholiques en les balançant par les fenêtres. Simple et efficace, ça. Une défenestration à un méchoui partout. Mais le nouveau Pape censé unifier la chrétienté, Martin V, et ce cher Roi Sigismond le prennent assez mal (susceptibles hein ?) et ils partent donc en guerre contre les hussites. Voilà le contexte de cette histoire qui nous fait vivre l’embrasement de cette région que l’on connait sous le nom de Bohême, et qui correspond à l’actuelle république Tchèque.

Le manga débute en 1420 quand l’armée du Roi débute son éradication des hussites. Une jeune fille du nom de Sarka s’avère la seule survivante du massacre de son village et elle va croiser la route de Jan Zizka, chef de guerre hussite et personnage historique qui sera le fer de lance de l’armée hussite dans la guerre qui s’annonce. Il fera de cette survivante un symbole pour motiver les troupes et enclencher la revanche.

divci valka

© Kouichi Ohnishi 2013 / Futabasha Publishers Ltd.

On suit donc une révolte du peuple – l’armée de Zizka étant constitué de paysans – et le mangaka choisir de donner une place prépondérante aux femmes dans son récit… d’où le titre Divci Valka que l’on peut traduire par « la guerre des filles » en VF (d’où le sous-titre la guerre des pucelles, aussi). Ce titre s’inspire d’ailleurs d’une veille légende Tchèque du VIIIe siècle qui mélange une armée féminine d’amazones et la fondation de Prague (et du peuple Tchèque au passage). Le mangaka superpose cette légende au conflit des hussites et confie aux femmes une arme encore nouvelle à cette époque, mais qui va peu à peu faire ses preuves : le pist’ala ou flûte en slave, qui deviendra le bien connu pistolet. Comme vous pouvez le constater on apprend plein de choses dès ce premier tome, aussi bien dans le récit, qui n’est pas avare pour autant en scène d’action, que dans les captivants bonus en fin d’ouvrage qui s’intéressent autant aux faits historiques qu’au folklore et aux populations de l’époque.

Un titre qui rappelle donc Wolfsmund, pour son monde cruel et sans pitié et ses inspirations historiques et folkloriques, mais qui s’en écarte par un graphisme un ton en-dessous et un chara-design plus (trop ?) juvénile. Malgré cet aspect visuel comme petit point faible, on obtient un bon premier volume dans lequel on se plonge rapidement. La série compte actuellement six tomes au Japon et elle est toujours en cours, de quoi développer aussi bien les personnages que le récit, ce qui nous promet le meilleur… On en reparlera très certainement dans ces colonnes. Rendez-vous à Japan Expo pour le tome 2 !

Feuillettes moiiii, découvre moiii-ahaaa

On passe à deux titres qui ne paient pas de mine mais qui méritent qu’on aille au-delà de leur couvertures…

12 ans Glénat12 ans de Nao MAITA chez Glénat : Le shôjo kodomo, ou du moins pour les jeunes adolescentes, ce n’est pas mon truc d’habitude. C’est souvent un tas de fantasmes de princesse, de love story surjouées et de situations abracadabrantesques qui me saoulent rapidement. Pourtant découvrir l’amour à 12 ans est en soi une aventure incroyable, surtout si on y ajoute tous les changements morphologiques de l’adolescence et les histoires d’amitiés qui deviennent parfois compliquées. Mais voilà, pas besoin d’en faire des caisses ni de nous sortir des vampires ou des milliardaires pré-pubères pour raconter une histoire captivante. Et ça, justement, c’est un peu ça le pari du manga de Nao MITA.

12 ans, c’est l’âge de Hanabi, qui n’a toujours pas embrassé de garçon et qui se demande aussi bien comment que pourquoi. Elle se demande aussi quand est-ce que, comme sa meilleure amie Yui, ses premières règles vont arriver. Pendant ce temps Yui se demande, elle, pourquoi elle est tombée amoureuse du garçon qui n’arrête pas de l’embêter…

Des situations banales comme vous le voyez, mais c’est aussi ça qui les rend touchantes et crédibles. Elles sont traitées avec simplicité, de l’humour et pas mal de douceur. Le graphisme est globalement épuré et tout repose sur le chara-design (rond, mignon et réussi) et les émotions, qui sont mises en valeurs par quelques trames bien choisies, en fond. Scénario et visuel misent donc sur la justesse et ne cherchent jamais à nous en mettre plein les yeux avec des rebondissements ou des effets de lumières qui viendraient surjouer l’instant.

Enfin, si 12 ans est appréciable, c’est qu’il peut aussi bien faire écho aux interrogations pratiques comme romantiques des jeunes filles du même âge, qu’aux souvenirs lointains des adultes et parents qui se remémoreront leur propre passage par cette fin de l’enfance. Moi j’avoue que je n’ai pas des masses de souvenirs de cette époque (c’était il y a 25 ans, excusez du peu T_T) mais ça m’a donné envie de filer l’ouvrage à ma nièce qui vient d’avoir 10 ans et qui se posent sans doute, déjà, plein de questions sur ce qui l’attend ! Pour vous faire une idée, direction les premières planches sur le site de Glénat.

Seven_Short_StoriesSeven Short Stories 
de Nakaba SUZUKI chez Pika : Les side stories c’est pour les fans. C’est ce qu’on dit souvent et c’est régulièrement vrai, mais on s’amuse rarement autant que dans le format d’origine, surtout lorsque ces spin-off sont des expériences de jeunesses compilées sur un tome ou deux. Dans ce type de recueil on y voit souvent un graphisme balbutiant, des personnages ou une narration pas encore bien maîtrisés… des erreurs de jeunesse en somme. Dans Seven Short Stories, on est donc agréablement surpris de découvrir quelques courts récits qui regorgent déjà de nombreuses qualités… et on savoure d’autres facettes de SUZUKI qui sont plutôt amusantes.

On profite d’abord de l’une des autres versions de Seven Deadly Sins, où est rejoué le chapitre de la rencontre entre Méliodas et Elizabeth. La version est assez différente, dans le chara-design et la personnalité des protagonistes, mais c’est déjà bougrement bien dessiné. On y repère, aussi, le goût prononcé de SUZUKI pour les jolies filles : ces nouvelles sont d’ailleurs un vrai défilé de canons en tous genres qui ont autant à nous offrir de par leur physique craquant, alléchant voir divin, que par leur caractère, parfois bien trempé, parfois plus touchant ou tout simplement amusant.

Seven Short Stories est aussi riche de nombreuses thématiques : deux romances, un mix western – SF délirant, une histoire très courte de radis complètement loufoque, une comédie qui mélange patinage artistique et héros de baston et enfin les genèses de SDS mais aussi d’une autre série, inédite en France : Ultra Red… que j’aimerai bien essayer du coup, car  cette première version est plutôt sympathique. Bref, ce one-shot n’est donc pas le titre du siècle mais s’avère un excellent divertissement qui permet de découvrir un auteur qui n’a pas que Seven Deadly Sins à nous offrir. Quelques pages en extrait, pour finir de vous convaincre :

Deux titres ooooriiiginaux, des récits qui te collent à la peauuu 

Le premier est passionnant par son propos et sa thématique « du papier au numérique » et le second est carrément une expérience de lecture (et de traduction, aussi). On finit donc avec les titres les plus surprenants du lot !


bienvenue-protect-01Bienvenue chez Protect de Miso SUZUKI chez Akata : Passionnant celui là, il me rappelle des discussions sur le marché du manga que j’ai parfois dans les interviews éditeurs. L’histoire commence avec le stage en entreprise de la jeune Nanami. Elle arrive au sein de la société Protect, une boite de consulting en médias numériques dirigée par un homme aussi extravagant que génial : Jungorô Yamada ! Première mission pour notre jeune fille : remettre sur pied la carrière d’un mangaka anciennement célèbre mais aujourd’hui dans l’impasse, pendant que Jungorô lui-même devra proposer un nouveau business model à un éditeur venu lui demander de l’aide pour y voir plus clair dans un marché culturel en pleine révolution.

Internet et la nouvelle économie de la culture, voilà un thème des plus passionnants et qui touchent tous nos loisirs : manga, littérature et jeu vidéo sont au programme de ce premier tome et ils ne seront sans doute pas les seuls. Le bilan du système éditorial classique n’est pas reluisant et notre expert comme sa stagiaire partent donc en quête de toutes les solutions possibles : changement du rapport entre auteur et éditeur, indépendance et nouvelle relation au lecteur, auto-production et droit d’auteur… Tous les aspects de cette nouvelle donne sont passés à la loupe pour savoir si elles sont de vraies bonnes idées, viables sur le long terme, où si ce ne sont que des fantasmes qui s’empilent dans l’Eldorado casse-gueule de la nouvelle économie.

Si on ajoute l’excentricité du génie de service ainsi que des personnalités intéressantes chez tous les personnages secondaires, le tout saupoudré d’un peu d’humour, on obtient donc un cocktail parfait entre un Que Sais-Je et un Bakuman version seinen. Si vous appréciez les interviews éditeurs de ce blog, c’est un titre en 3 tomes qui est fait pour vous. Vivement le second tome, qui sort ce mois-ci, et qui nous parlera de l’impact des smartphones sur le jeu vidéo !

Pour vous faire une idée, jetez un œil à la preview, sur le site d’Akata.

Halcyon Lunch tome 1Halcyon Lunch de Hiroaki SAMURA chez Casterman : Ce n’est pas l’envie qui me manque de me lancer dans l’Habitant de l’infini, mais faute d’argent et de place sur les étagères c’est avec plaisir que je découvre finalement Hiroaki SAMURA par ces autres œuvres. Après l’intriguant one-shot SNEGUROCHKA qui nous mélangeait politique, Russie et thriller, voici une histoire en deux tomes d’un tout autre genre… Et sans doute le truc le plus barré que j’ai lu depuis un an ou deux, bourré de référence culturelle de tous poils – y en a pas mal sur Jojo d’ailleurs, mais pas que – et dont le synopsis annonce, de toute façon, la couleur : La vie de Gen, chef d’entreprise quadragénaire, est retombée comme un soufflé raté. Gen a la dalle, mais il est réduit à pêcher sa pitance dans les eaux bourbeuses d’une rivière. Sa rencontre avec Hyos va changer le menu. La jeune fille est dotée d’un curieux coup de fourchette (ou de baguette): elle est capable d’avaler tout et n’importe quoi et de le régurgiter pêle-mêle, donnant vie à des créatures aussi monstrueuses que grotesques…
Là où n’importe qui ferait la fine bouche, Gen voit dans l’apparition d’Hyos une chance d’ajouter une étoile au guide de son existence. Mais il découvre très vite qu’en cuisine, une terrible menace plane sur la Terre…
Bon appétit, Gen.

« Un Festin comique de science-fiction en deux services. » comme l’annonce Casterman, et que je résumerais moi-même comme : « un gros bordel où les idées les plus folles s’entre-mêlent pour, au choix, vous faire exploser de rire ou vous sucer le cerveau ». Oui oui, tu lis ça et, pouf, plus de cerveau, parce c’est sans queue ni-tête et que ça part dans tous les sens. En même temps avec Hyos dont l’estomac est relié à une galaxie lointaine et qui régurgite des chimères dignes d’un nouvel épisode sous acide de Godzilla VS Megacheloutra… Forcément ça ne pousse pas à la rationalité. Il faut donc persister cher lecteur. Si tu as l’habitude de lire des trucs étranges – et bouddha sait qu’il en existe des trucs nippons étranges – ça ne devrait pas trop te poser de problèmes. Sinon, fait comme moi et accroches-toi, ça vaut le coup.

Halcyon_Lunch_tome_2En plus de croiser des moments de pur génie what-the-fuckesque qui te vaudras de bons fou-rires, comme le bon de commande parodique de Casterman pleine page pour empêcher une nudité frontale de jeune fille encore mineure, tu finiras par t’attacher à la petite troupe de personnages, Gen et Hyos en tête mais aussi à Ryuta, Metako, Shinji, le chien ASCII (infortunée créature…) et la seconde extra-terrestre du nom de Triazole. Ils sont tous à coté de leurs pompes et certainement pas des modèles de réussite… Mais ils sont aussi très éloignés des clichés qu’on nous sert habituellement, même si le mangaka adore les faire jouer avec.

À travers leur différente aventures, avec un dictateur, avec des amis clochards ou pour sauver notre planète, c’est finalement leur humanité et leur conception du bien et du mal qui finira par vous convaincre. Et c’est pareil pour tout le reste de l’ouvrage, à savoir sa narration comme sa mise en scène folle et inattendue : une fois qu’on a pris l’habitude on ne s’en passe plus. Pour te dire la vérité mon bon lecteur, j’ai failli lâcher prise trois fois lors de la lecture du premier tome, pour le revendre ou le filer à un rédacteur qui l’apprécierait, mais maintenant les deux tomes sont placés bien au chaud dans mes étagères entre l’édition collector de Thermae Romae et les ouvrages de la Collection Latitudes, le rayon des titres dont je ne me séparerai probablement jamais.

Halcyon Lunch, en fait, c’est une aventure à essayer… et qui pourrait bien vous marquer.

PS1 : Bravo au traducteur, pour le travail accompli sur les blagues et la cohorte de références plus ou moins obscures !

PS2 : et donc faut vraiment que je me lance dans l’Habitant de l’infini moi, vivement l’édition collector en juin !

Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. Rendez-vous au prochain épisode, on parlera très probablement de shôjo !


Manga : Retrouvailles avec Akira, 25 ans après…

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La semaine dernière j’ai fait un petit bond en ouvrant un colis. Ça m’arrive de temps en temps, les petits bonds de surprise et de joie, lorsque le carton d’emballage dévoile quelque chose que j’attendais avec impatience. Au sein de ce paquet des éditions Glénat a jailli un alléchant pavé qui m’a fait repartir plus de 20 ans en arrière : le premier volume de l’édition originale d’Akira, de Katsuhiro OTOMO, qui sort dans les librairies en ce début juin…

Akira édition originale

Je vous parle d’un temps que les mangaphiles de 20 ans…

Comme beaucoup de trentenaires mangaphiles, Akira a été mon tout premier manga… tout simplement car il a été LE premier manga publié en France aux yeux de notre génération (au delà de quelques tentatives précédentes s’entend). Nous étions alors en 1991 : je suis un adolescent lambda et je prends le titre de plein fouet… Un électrochoc. C’est trop bon, jouissif même, ça me parle comme rien en bande dessinée ne m’avait parlé  auparavant, ça contient des rêves et fantasmes qui étaient miens sans que je le sache. Je dévore donc les aventures de Tetsuo et Kaneda en même temps que je découvre le film d’animation qui arrivera la même année dans notre hexagone.

C’est une révélation et le début d’une relation forte qui va durer pendant les 5 années de publication de l’ouvrage en France. J’ai lu et relu Akira une bonne vingtaine de fois pendant cette époque – nous n’étions pas surchargés par les sorties à l’époque cela dit – puis j’ai laissé la collection prendre progressivement la poussière, sans rebondir sur la nouvelle édition publiée de 1999 à 2000 car j’étais encore trop attaché à la version couleur et surtout à ces livres que j’avais eu entre les mains si souvent. Hors de question les remplacer par quoi que ce soit dans mes étagères.

Akira - Edition Couleur - Tome 1

Akira – Edition couleur – Tome 1

Aujourd’hui, en 2016, je ne suis toujours pas enclin à m’en séparer mais j’avais envie de la faire cohabiter avec une nouvelle, et de profiter de l’occasion pour (re)découvrir Akira en noir et blanc, via cette version retravaillée et pilotée par OTOMO himself. Il se trouve que le voyage est allé au-delà de mes attentes, il s’est révélé d’une richesse inattendue… Laissez-moi donc vous parler de ces retrouvailles !

Quand OTOMO écrit Akira, il a 30 ans… et moi 13

Donc forcément, à l’époque, je vois surtout l’histoire de Tetsuo et Kaneda, deux adolescents voyous, déjà bien en marge de la société : membres d’un gang de motards, ils passent leur temps à défier l’autorité et cultivent avec humour leur insolence, reniant un système qui les rejette ou tente, dès qu’il le peut, de les soumettre. Ayant autant soif d’adrénaline que de s’échapper de cette société où ils n’ont pas de place, ils roulent à toute allure, se défient les uns les autres, se battent… Et veulent, au passage, mettre le plus gros bordel possible pour prouver au monde qu’ils existent et qu’il faudra bien compter avec eux. Une révolte évidemment adolescente qui fait bien plus que me concerner : à l’époque je suis des leurs, où du moins j’en rêve !

Akira - Kaneda - Moto

Akira – Kaneda et sa moto © 1984 Katsuhiro Otomo

Lors de ces premiers rendez-vous avec l’oeuvre je ne m’expliquais pas cette immersion, je n’avais ni l’expérience des mangas ni le recul… et de toute façon je me moquais de savoir le pourquoi du comment de mon engouement. Je kiffais et surkiffais en boucle, point. Mais en savourant cette édition la semaine dernière, une lecture entre les lignes s’est naturellement mise en place et j’ai pu toucher du doigt l’extraordinaire travail d’OTOMO, ainsi qu’une partie de ses influences ou inspirations. Akira c’est d’abord un univers extrêmement travaillé qui est posé sur des bases assez simples, en apparence : nous sommes en 2019, trente-huit ans après la Troisième Guerre Mondiale et un an avant les Jeux Olympiques de 2020 qui se dérouleront à Néo-Tokyo, la ville qui a été reconstruite sur les cendres de l’ancienne capitale nippone.

Trente-huit ans après… Wait a minute ! Akira a débuté sa publication fin 1982, début 1983 au Japon… soit trente-huit ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale ! Bon avec la coup de l’explosion nucléaire et son lien évident avec Hiroshima et Nagasaki, ceci n’a rien d’un scoop. Néanmoins, ce que je ne réalise pas dans les années 80, c’est qu’OTOMO est né en 54 et qu’il a donc vécu une bonne partie de cet après-guerre : le caractère si réaliste d’Akira vient que son auteur n’a pas eu à chercher bien loin pour trouver des éléments à même de composer son univers, vivant lui même trente-huit ans après un conflit majeur.

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Akira : la fameuse explosion qui initie l’histoire © 1984 Katsuhiro Otomo

Dans Akira, on suit les traces d’une génération d’adolescents et de jeunes adultes qui n’ont pas connu la fameuse guerre mais ils en subissent tout de même les conséquences, comme ce fut le cas pour la génération née entre 1945 et les années 60 dans la réalité, avant le miracle économique japonais : pour éviter qu’une telle catastrophe ne se reproduise, les militaires possèdent une place prépondérante dans les hautes instances du pays et ont tous les droits dès qu’il s’agit de sécurité nationale (oui oui, moi aussi ça me rappelle l’actualité, mais passons). On notera tout de même qu’OTOMO ne fait pas du corps militaire un ennemi totalement noir et manichéen. Leur commandant, l’énigmatique et implacable Colonel, doit affronter une autre armée, celle des bureaucrates, qui n’ont guère envie de croire au mystérieux danger que les militaires prophétisent et qu’ils gardent jalousement « sous leur contrôle », ni de leur fournir les budgets astronomiques nécessaires pour protéger les générations actuelles d’un nouvel Armageddon.

De l’autre coté, face au pouvoir semi-martial en place, on peut retrouver deux inspirations historiques qui viennent étoffer l’univers de la série, et qui constituent deux formes d’opposition : les motards et les gangs de voyous tout d’abord, qui sont une référence évidente aux  bōsōzoku, ces clans de motards et d’automobilistes jugés bruyants et dangereux dans les années 70-80 au Japon. Du coté moins visible de l’iceberg il y a également l’héroïne Kei, et son « frère » Ryusaku, membres d’une organisation qui cherche à faire la lumière sur les manœuvres secrètes des militaires au sein du soi-disant chantier de construction du nouveau stade olympique (pour les JO à venir, je vous le rappelle). Ils se posent aussi pas mal de questions sur les milliards qui disparaissent autour d’un étrange projet, le projet AKIRA. Cette faction révolutionnaire et armée n’est pas sans me rappeler les mouvements de protestation et d’opposition qui sont allés jusqu’au terrorisme dans le Japon de la fin des années 60 – début des années 70, et que nous avons déjà évoqués à travers Unlucky Young Men.

Akira tome 1

La sous-couverture du tome 1 dépeint une société peu enviable… © 1984 Katsuhiro Otomo

Tout ça est mis bout à bout dans une ambiance de société décadente et donne vie à un univers d’une grande richesse. Ces bases solides et passionnantes permettent à OTOMO d’entamer une vraie révolution, qui est l’une des grandes forces du titre : les mystères accumulés par la génération précédente finiront par la détruire avant qu’une nouvelle, trop ivre de pouvoir, ne mette en place un système né dans la violence et dans la loi du plus fort, recréant à foison les erreurs du passé.

Mais le talent du mangaka ne s’arrête pas là car si ces éléments s’accordent si bien ensemble et forment un tout cohérent c’est parce que le graphisme de l’oeuvre agit comme un véritable ciment pour lier et consolider le tout, en nous présentant une néo-Tokyo plus vraie que nature, gigantesque et inquiétante. Néanmoins, de cette ville moderne très verticale et sans doute assez variée socialement parlant, on nous présentera davantage les bas-fonds que les gratte-ciels. Les bâtiments méritent tout de même le coup d’œil : des immenses buildings modernes à l’école délabrée et taguée de partout, en passant par des sous-sols biscornus et des hangars pleins de bric et de broc, tous possèdent leurs petits suppléments d’âme qui suggèrent une certaine histoire….

Les décors en diront finalement beaucoup plus que la population elle-même sur la société que nous présente OTOMO, à l’exception faite de nos héros bien sûr… Mention spéciale également aux moyens de locomotion qui soulignent une passion d’OTOMO sur ce sujet et qui participent indéniablement au plaisir des yeux et à l’admiration qu’a toujours suscité Akira. En effet, même si je mets de coté les légendaires poursuites en moto qui doivent une part importante de leur popularité au film, on peut quand même évoquer la flopée de véhicules qui bénéficient tous du même soin et du même soucis du détail : du camion de livraison de poissons jusqu’aux sublimes hélicoptères de l’armée en passant par les petits véhicules volants que l’on suit dans la poursuite à vive allure au sein des égouts… tout est traité avec soin et il est bien difficile de dire ce qui est copié sur des véhicules réels de ce qui est pure invention.

Akira © 1984 Katsuhiro Otomo

Akira © 1984 Katsuhiro Otomo

Quand OTOMO écrit Akira il a donc 30 ans et plein de choses à dire, mais aussi un graphisme qui exprime à merveille sa vision. J’ai insisté sur les éléments de décors mais on pourrait aussi parler de la narration, de la mise en page, de son utilisation des lignes de forces ou de sa représentation des impacts pendant des heures. On le fera peut-être plus tard cela dit, un seul volume est paru sur les six prévus pour le moment, on a le temps de revenir là dessus. Pour terminer j’en finirai plutôt par les personnages, et par un tout particulièrement…

Tetsuo SHIMA

En relisant les 360 premières pages de cette nouvelle édition je me suis revu à l’époque : des images, des ambiances et des sensations de ma vie adolescente sont remontées. On dit souvent que le cerveau imprime tout ce qui vous arrive quand vous vivez des moments marquants, et c’est en voyant tous ces détails refaire surface dès la lecture des premiers chapitres que je comprends aujourd’hui à quel point ce manga a forgé des pans entiers de mon imaginaire. Si la vague de mangas qui va arriver quelques années après en France, de Dragon Ball à Slam Dunk, va me donner envie d’écrire dessus et de devenir journaliste en la matière, Akira a été la clé sur un nouveau monde beaucoup plus personnel, un modèle de rébellion qui me faisait rêver, une fureur de vire digne d’un James Dean.

Tetsuo SHIMA © 1984 Katsuhiro Otomo

Tetsuo SHIMA © 1984 Katsuhiro Otomo

Comme je le décrivais tout à l’heure la série possède une galerie de personnages clés qui incarnent chacun un symbole : il y a Kaneda, le héros rebelle, plutôt beau gosse, très effronté, grande gueule et casse-coup mais qui ne manque pas d’humour, d’ingéniosité et qui croit dur comme fer en l’amitié et la loyauté de ses camarades. Avec son tempérament de chef et sa tendance à se mêler de ce qui ne le regarde pas, il est l’anti-héros parfait, celui qui met tout le monde face à ses contradictions, ses erreurs et ses mensonges, celui qui vient foutre un énorme bazar pour crever tous les abcès. Kaneda c’était l’ami rêvé, celui à qui tout semble réussir, qu’on finit toujours par écouter et qui brave tous les interdits le sourire aux lèvres.

Moi, j’étais Tetsuo.

Tetsuo, c’est l’un des amis fidèles qui, un jour où il décide de devenir le premier dans une course sur l’asphalte, fait une rencontre brutale qui va le transformer… Dans tous les sens du terme. Suite à son accident avec le numéro 26, un être étrange doté de pouvoirs para-psychiques, Tetsuo va s’éveiller à ses propres pouvoirs, devenant l’un des « enfants-numéros » de l’armée, ces êtres cachés dans le plus grand secret depuis plusieurs décennies. Mais les pouvoirs de Tetsuo grandissent vite, trop vite pour lui comme pour l’armée, et ses difficultés à les gérer font ressortir les pensées les plus sombres de l’adolescent, jusqu’ici un peu timide et renfermé. Sa toute puissance le grise, l’emmène très rapidement vers le meurtre – d’abord par accident puis sciemment – et semble lui interdire le retour en arrière. Encore faudrait-il qu’il le veuille et, de toute façon, bientôt plus personne ne pourra l’arrêter. Cette façon de tout envoyer balader, de tout faire exploser y compris sa propre frustration me séduisait totalement : qu’est-ce que je ferais si j’étais Tetsuo ? Une interrogation récurrente dans mon esprit d’adolescent.

Kaneda - Tetsuo

Kaneda – Tetsuo, frères ennemis © 1984 Katsuhiro Otomo

Et donc arrive ce qui doit arriver, Kaneda se retrouve face à Tetsuo et les deux deviennent des frères ennemis quand le jeune monstre-junkie fait exploser la tête de leur ami commun, Yamagata, dans une scène d’anthologie d’une rare violence. C’est le point de non-retour, franchit à cause de la soif de pouvoir et de reconnaissance d’un adolescent dont on a artificiellement supprimé les limites, au nom de la science et en se moquant bien de ce qu’il allait advenir de son humanité. Mais Tetsuo rendra l’affront à ses manipulateurs, au centuple, en s’intéressant tout d’abord à l’origine de ces dons, sur un chemin qui le mènera rapidement à Akira…

Mais ça et la suite c’est pour le prochain volume, qui sort normalement le 29 juin prochain. On en reparlera sûrement car il y a encore plein de choses à dire sur cette série. En attendant, je compte sur vous pour partager vos souvenirs à la lecture ou à la relecture du titre, en commentaire de l’article !

Concours photo 2016 : prenez vos mangas en photo et gagnez des lots !

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Après un piratage de site et un bras en vrac pendant un mois, la pause du chocobo s’achève enfin et on reprend avec une spécialité estivale de Paoru.fr : le concours photo de l’été. Cinquième édition dans les starting block… C’est partiiiiii !

Lots concours photo Paoru

Pour gagner, comme d’habitude, rien de plus simple : partagez avec nous vos plus belles photos de manga !

Paoru.fr vous propose cet été de remporter des livres et cadeaux en pagaille : des mangas (et pas qu’un peu !), des light novels, des sacs en tissus, des tabliers, des books, un calendrier, un cahier de texte, un jeu de cartes, une trousse… Tout ça grâce à la générosité de quelques éditeurs et un stock perso. Merci donc à OtotoTaifuOfelbe et Ki-oon en tête, car même si je n’ai pas pu me rendre à Japan Expo, ils ont eu la gentillesse d’envoyer des lots spécialement pour alimenter ce concours. Merci aussi à Pika pour son année 2016 déjà bien riche en goodies et enfin Glénat Manga, Kana, Komikku, Kurokawa, SoleilDelcourt-Tonkam et les autres partenaires mangas habituels du blog, grâce a qui ce concours est toujours autant fourni.

Le principe du concours est assez simple : du 23 juillet au 31 août, envoyez vos plus belles photos de manga à l’adresse mail ramza@paoru.fr. Cette année, à nouveau un thème unique : vos mangas en photos ! Mettez-les en scène via leur thématique clé ou selon l’inspiration du moment ! Pour vous donner quelques idées, jetez un coup d’œil aux photos des gagnants de l’an dernier, , ou ceux de 2014, ici.

Les photos reçues seront mises en ligne dans un album Facebook de Paoru.fr (une fois par semaine environ) et seront diffusées de temps à autre sur Twitter et Instagram avec le hastag #concourspaoru2016. 

Début septembre, les staff de Paoru.fr et JDJ votent, et les 20 participants ayant réalisés les plus belles photos se partageront la liste de cadeaux suivante… Pour chaque oeuvre : si vous voulez plus d’info, cliquez sur le titre.

Chez Ototo / Ofelbe il y a :

Deux exemplaires du tome 1 du récent light novel DanMachi,

Danmachi-La-Légende-des-Familias

Un exemplaire tome 1 du plus vieux (mais indémodable) light novel Spice & Wolf 

spice and wolf

Deux tomes 1 d’une série dont je vais vous reparler rapidement car c’est un super mix fantasy et JV : Re : Monster

re_monster_vol1

Deux tomes 1 de fantasy encore, old school et prenante, et ça aussi je vous en reparlerai je pense : Gate – Au delà de la porte

Gate-1-Jaq

Que du bon quoi, et c’est pareil pour l’éditeur suivant…

Chez Ki-oon, nous avons un mélange de titre et de goodies :

Du coté des mangas généreusement envoyés on retrouve trois tome 1. D’abord le tout nouveau Awaken de Hitori RENDA, un mec bien sympathique (interview à venir chez JDJ), comme sa série :

Awaken

Ensuite le premier manga français de Ki-oon, ambiance JV Fantasy aussi, un titre plutôt bien gratté. En même temps signé par mister Shonen, on n’en attendait pas moins : il s’agit d’Outlaw Players !

Outlaw Players

Troisième tome 1 : un mangaka à suivre, Naoshi ARAKAWA – que vous connaissez via Your Lie in April  qui nous parle dans cette nouvelle série d’amitié, de se lancer des défis, avec des personnages très attachants et le tout sur fond de football… Ça s’appelle Sayonara Football, et c’est une série en deux tomes.

Sayonara Football

Coté goodies on a tout d’abord des jolis sacs en tissus, de Kasane et Awaken :

 Sacs Awaken  Sacs Kasane

Et il y a aussi le sac en tissu et le dossier de presse bien cool de My Hero Academia :

 MHA DP MHA Sac

Il devrait aussi y a voir quelques posters et petites previews pour compléter le tout, je vous en dis plus quand je les reçois 😉

On continue avec des light novels et produits dérivés  :

Comme je ne suis pas un grand lecteur de light novel, je me suis dit que j’allais vous les mettre de côté pour le concours. Voici donc à gagner les deux premiers tomes d’Another (Celle qui n’existait pas et La Fille à l’œil de poupée) et l’Attaque des Titans chez Pika.

Another celle qui Titans LN

Ensuite un peu de goodies chez le même éditeur, du Fairy Tail avec l’agenda 2016-2017 et le calendrier 2016-2017, puis un jeu de 54 cartes l’Attaque des Titans (celui du coffret collector du tome 17) et un tablier Lady and Butler.

  Calendrier Fairy Tail Agenda Fairy Tail

  TABLIER Lady and Butler Titan Cartes

On finit avec des goodies Kana et Kurokawa : un tablier Hell’s Kitchen, deux masques papier Sky-High Survival et une trousse / plumier Fullmetal Alchemist. Ah tiens, en parlant de FMA, j’ai aussi un éventail récupéré chez Square Enix à Japan Expo 2014 ou 2015, c’est cadeau ! Et pour finir coté goodies, un sac Berserk en tissu de chez Dybex.

 vacances-bann  trousses-fullmetal-alchemist

  Sac Berserk  Hell Kitchen tablier  Eventail FMA

La pile de mangas pour finir :

En plus des 7 mangas déjà cités, je voulais que chacun des 20 gagnants de cette année ait un manga ou un book donc je suis aller piocher dans le stock et voilà ce que ça donne…

Tout d’abord quelques combos, volumes 1 & 2 ou volume double : le volume double de Dragon’s Crown chez Kurokawa (seinen fantasy / JV, bonnet F included), les tomes 1 & 2 de Love X Dilemma chez Delcourt-Tonkam (romance improbable et sexy mais aux personnages intéressants) et les tomes 1 et 2 de Wizard of the Battlefield chez Doki-Doki, un manga sur la guerre façon 14-18 mais en y incorporant de la magie pour un cocktail assez inédit.

Dragons-Crown Love X dilemma Wizard of the battlefield

Ensuite nous avons un petit paquet de « book » à toutes les sauces : le roman de Fairy Tail, Seven Wishes, le Note book de City Hall et les Quizz book de Dragon Ball et de One Piece (volume 2).

 Note Book City Hall  Quiz book Dragon Ball

Quiz book One Piece 2  SDS Seven Wishes


Et on finit avec 6 tomes 1 : Entre toi & Moi, Capitaine Albator Dimension Voyage et Psycho-Pass chez Kana, Monster x Friends & Tokyo Therapy chez Komikku, et enfin Bloody Mary chez Soleil Manga !

albator dimension voyage bloody-mary-soleil Entre toi & moi 1

Monster X friends Psycho-pass tome 1 TOKYO THERAPY_T01

La répartition des lots :  J’attend de voir le nombre de participants mais en général il y a 20 gagnants (pour que je reste dans les environs de 50-60 euros en frais postaux).  Mieux vos photos seront placées dans le classement plus vous aurez de lot et de possibilité de choisir dans les lots disponibles. Je vous donne la répartition finale des lots début août, j’éditerais cet article et je vous ferai une annonce sur les réseaux sociaux.

Quelques consignes et conseils pour les participants :

  • Pensez à fournir une ou des photos nettes, sauf si le flou est voulu pour des raisons artistiques (même si c’est toujours sujet à débat).
  • Attention au contre-jour ou photos trop sombres.
  • Retouches et montages autorisés.
  • Pas de logo sur la photo, mais un © avec nom/prénom est accepté (mais pas obligatoire).
  • Évitez de nous envoyer des photos avec une résolution énorme ou au contraire minuscule : entre 400 et 1200 pixels ce sera très bien (même si nous ne sommes pas à quelques pixels près bien sûr !)
  • Vous pouvez photographier votre collection, seulement quelques mangas voir un seul mis en scène (une spéciale shônen ou shôjo, tous les titres d’un même auteur, plusieurs tomes dans les mêmes couleurs, une mise en scène liée au thème d’une série, etc…)
  • Essayez d’envoyer des photos originales et n’hésitez pas à fournir un petit commentaire avec, pour en placer le contexte.

Je précise enfin que je n’utiliserai pas vos photos à des fins commerciales, bien entendu. Je vous tiendrais au courant de l’avancée du concours sur Facebook mais disons que les résultats arriveront au plus tard entre le 20 et le 25 septembre. Les gagnants sont ensuite avertis par mail et, le temps que je note les choix de chacun, les lots partent en général courant octobre. Voilà vous savez tout, il ne vous reste plus qu’à prendre votre meilleur objectif ou appareil numérique, de bien vous amuser, et de m’envoyer vos chefs-d’œuvre à ramza@paoru.fr.

Si vous avez des questions, les commentaires sont là pour ça :)

[Critique] Dédale : le bug, c’est la vie ?

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Dedale Cover

Alors que le concours photo décolle tranquillement (je vous poste les premières photos ce weekend) je tente de rattraper un peu de mon retard manga et anime du mois sur juin-juillet. Hier je remerciais Flying Witch pour sa zenitude sur Journal du Japon et aujourd’hui je voulais évoquer un coup de cœur au format papier : Dédale de TAKAMICHI chez Doki Doki, un éditeur que j’apprécie toujours autant pour sa capacité à sortir des trucs qui viennent de nulle part et qui enchante ma vie de lecteur de manga.

Ce manga en deux volumes, répondant au nom japonais de Hyakumanjou Labyrinth nous vient des pages du magazine Young Comic Cherry d’un éditeur assez méconnu en France, Shônen Gahosha mais que connait bien Doki Doki puisqu’on lui doit Sun-Ken Rock et Gewalt ou, chez d’autres, Samidare et Drifters. À l’exception de l’ami Ken, c’est donc le genre de titre qui sont des petites pépites mais qui ne paient pas de mine, et qui se retrouvent davantage plébiscités par quelques amateurs curieux que par le grand public. Alors vu que le titre a été nominé aux alléchants Manga Taisho Awards , il est temps de vous le faire connaître… En route pour cette critique !

 Dedale tome 1  Dedale tome 2

Bienvenue… dans le Labyrinthe

« On a beau courir, et courir encore, où qu’on aille c’est toujours la même chose… Des tatamis, encore des tatamis ! De chaque côté de ce couloir sans fin, derrière toutes les portes rien que des… HEIN ?!« 

dedale-ext-2Reika et Yôko, deux étudiantes, ont été projetées dans un gigantesque bâtiment, un dédale sans fin, sans se souvenir de comment ou de pourquoi. Elles errent, à la recherche d’une sortie ou d’une logique dans cet assemblage de pièces incongru, qui semble répondre à des lois mystérieuses. Un seul indice les guide pour le moment : un message énigmatique laissé sur une table basse par un certain Tagami, célèbre créateur de jeu vidéo. Il est lié à ce monde pour une raison qui reste à découvrir mais il va guider les de notre tadem, dans ce qui ressemble de plus en plus furieusement à un univers vidéo-ludique. Et cela tombe bien : nos deux héroïnes sont des passionnées de ces univers, travaillant comme débuggeuses dans le monde réel…

Mais la partie est loin d’être gagnée pour autant : il va falloir comprendre comment fonctionne cet environnement, ses règles et les transgressions possibles, puis se méfier des ennemis qui dévorent les pièces les unes après les autres, ou ceux, armés et attentifs, qui ressemblent à des gardiens du sanctuaire… Néanmoins Reiko adore les bugs et elle se balade dans cette réalité alternative comme un poisson dans l’eau : elle teste tout, tout le temps et partout, et ne cesse de monter en compétence . Néanmoins, même si elles progressent plus vite que les autres, cela ne répond pas aux questions qu’elles se posent : quelle est la nature de cet étrange lieu ? Qu’est-ce qu’elles font ici ? Et pourquoi Tagami leur dit qu’elles sont le seul espoir de l’humanité ?

Dédale, ce survival qui n’en est pas un (et c’est tant mieux !)

« Un survival différent« , « un feel good survival« , « Un survival comme vous ne l’avez jamais vu : positif et intelligent ! »

On a beau essayer de chercher la bonne terminologie, c’est vrai que cette étiquette de survival finit par devenir encombrante tant la thématique est surchargée chez nos libraires. Et oui, ENCOOORE du survival !

Encore du survival

Ouai, merci Bohorte… Mais bon, en réalité, Dédale n’a pas grand chose à voir avec un survival game comme on l’entend. Cette étiquette, forgée par quelques dizaines de manga ces cinq dernières années et synonyme de morts, d’une ambiance sombre et de gerbes de sang,  est ici inadaptée… et c’est justement là que ça commence à devenir intéressant.

Ce récit part plutôt d’une question, assez simple : « Et si la vie réelle pouvait bugger ? ». C’est la base d’une aventure au sein de ce fameux « dédale », qui tient plus de l’énigme vidéo-ludique que d’une course meurtrière pour la survie : le bâtiment est fait de pièces de tous les jours (des salons et des cuisines pour l’essentiel, quelques chambres aussi) qui sont des copies de notre dimension et qui s’avèrent connectés à cette dernière, mais sans les personnes qui les habitent… le tout érigé dans un enchevêtrement qui défie toute logique. Pour mener leur quête à bien, les deux filles vont devoir trouver certains objets pour avancer et, pourquoi pas, tricher pour aller plus vite que leurs poursuivants. Mais nul besoin de se tuer entre elles, nulle règle qui dit que seul l’une d’entre elles pourra survivre.

dedale-ext-1Dans le premier tome tout est plutôt fait pour amuser le lecteur, tout comme cela amuse la pétillante Reiko d’ailleurs. Grâce à une bonne rythmique entre action et réflexion, on s’immerge rapidement aux côtés de cette héroïne. Toute personne qui a un jour un peu tâté de la manette pour du RPG se prend au jeu : il pense aux même astuces qu’elle, en même temps qu’elle ! Exemple, essayer de vous imaginer dans un jeu vidéo et lisez ce qui suit : dans ce monde fait de pièces recouvertes de tatamis, les tables basses constituent un motif récurent donc que se passe-t-il si vous posez un objet sur l’une d’entre elles ? Bingo, il apparaît dupliqué sur les autres ! Et là on se dit que ce qui marche pour les tables basses doit marcher pour autre chose… Tiens, au fait, si on met une table basse sur une table basse, il se passe quoi ?

C’est ce genre de logique de gamer qui donne autant de sel que de fraîcheur à ce seinen addictif, où la curiosité est une qualité qui prévaut sur tout et qui engendre ce sens si particulier de la moralité dans ce type de jeu : rentrer chez les gens, donner un coup de hache pour ouvrir leur coffre et être récompensé pour ça avec allégresse, c’est quand même un fondamental assez unique, non ? Bon et bien, dans Dédale, c’est pareil. Ce goût de l’aventure, de la découverte, est celui qui prime, même si on risque sa peau.

On avance donc d’énigme prenante en exploration casse-cou pendant les premiers chapitres, tandis que le scénario de fond pose les jalons de son univers : les ennemis, qui ils sont, d’où ils viennent, le de ce monde avec la réalité, comment y retourner, as-t-on envie d’y retourner… Toutes les questions trouvent des réponses à intervalles réguliers mais comme elles en amènent aussi d’autres (parfois pratiques et conceptuelles, parfois plus philosophiques) on conserve toujours ce qu’il faut de mystère pour nous donner envie de dévorer les chapitres les uns après les autres.

On ne s’ennuie donc jamais, et les deux tomes de Dédale filent à toute allure, sans que la conclusion de l’histoire nous laisse forcément sur notre faim d’ailleurs… même si les fins et notre façon de les apprécier, c’est assez subjectif, donc je ne m’étends pas plus. Bref, tout ça pour vous dire qu’on oublie totalement l’aspect survival. Le mangaka TAKAMACHI nous offre tellement plus d’enthousiasme, d’optimisme et de fraîcheur qu’un monde où 12 adolescents doivent se trahir et coucher ensemble pour survivre ! Bon, certes, on en finit par aimer davantage ce monde alternatif que notre réalité, donc ça en dit long quelque part sur notre envie d’ailleurs, mais pour une fois ce voyage est tellement amusant, inventif et intelligent ! S’il suffit d’un Pokémon Go pour que l’on sorte de chez soi, imaginez un univers tout entier à découvrir, maîtriser, façonner !?

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Ah, je m’emporte et j’allais finir cet article sur une envolée lyrique en oubliant l’essentiel… Scénario et narration ont beau être fichtrement réussis, ce titre a aussi pour lui un graphisme simple et irréprochable : décors nickels (avec beaucoup de soin sur la logique d’architecture, labyrinthe oblige) et un chara-design aux petits oignons pour les deux héroïnes, qui nous permet de les adopter en quelques pages sans pour autant être déçu par la suite. Reiko est la fonceuse passionnée qui doit sa réussite à son talent mais qui vit, c’est le cas de dire, sur une autre planète… En adéquation avec les caractéristiques lunatique et lunaire que l’on attribue souvent aux génies. Complémentaire, Yôko, la solide Yôko, a les pieds sur terre, résonne comme vous et moi, sait prendre du recul et reste finalement très humaine, attachée à sa réalité et voulant la défendre. Vous ajoutez le mystérieux Tagami et on a notre trio : l’épée, le bouclier et le vieux sage un peu magicien !

Voilà j’ai tout dit ou presque : scénario original, mise en scène intrigante et enjouée, narration efficace et personnages malins et attachants : Dédale vient totalement rafraîchir un genre au point de ne pas vraiment lui appartenir, et le tout en seulement deux tomes.

Essayez-le ! Adoptez-le ! Partagez-le !

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Dedale tome 1Fiche descriptive

Titre : Dédale
Auteur : TAKAMICHI
Date de parution du dernier tome : 6 juillet 2017
Éditeurs fr/jp : Doki-Doki / Shônen Gahôsha
Nombre de pages : 240 n&b
Prix de vente : 8.50 €
Nombre de volumes : 2 (terminé)

Visuels : © TAKAMACHI / SHÔNEN GAHÔSHA

Pour en savoir plus vous pouvez jeter un œil sur le site web de Doki-Doki ou sur le site web de l’auteur, même si celui est un peu pauvre. À défaut, on termine avec la preview du titre, pour vous faire un avis : elle est ici !

Cover site web Takamichi

 

[Critique] Moyasimon : boire & manger, lire & fermenter !

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Moyasimon banner

En voilà un manga compliqué à défendre, Moyasimon, et qui s’avère unique en son genre. On pourrait presque l’appeler « Encyclopédie de la vie microbienne en manga », mais ces personnages sont finalement trop attachants pour réduire ce seinen à la simple somme d’informations qu’il délivre (pourtant colossale). C’est en tout cas ce mélange unique entre savoir, humour et vie étudiante que je voulais vous détailler aujourdhui car ce manga, signé par Masayuki ISHIKAWA, est méconnu et surtout un peu difficile d’approche : publié aux éditions Glénat Manga (éditeur courageux pour le coup), il ne se lit pas en deux minutes, pour un petit moment de détente… finir un tome vous prendra généralement une bonne heure.

Voilà donc une série en 13 tomes, dont la publication en France va s’achever en cette fin 2016, et qui mérite donc quelques efforts. Mais on ressort toujours ravi. Amusé, toujours plus cultivé, et ravi… À moi de vous convaincre, maintenant, que la lecture en vaut la peine, à quelques semaines de la sortie du tome 12, le 21 septembre prochain. En route pour la critique !

 Moyasimon tome 1  moyasimon-12-glenat

Cette histoire est une fiction… enfin presque

Notre récit débute avec le pouvoir étrange de Tadayasu Soemon Sawaki : il a la capacité de voir les microbes à l’œil nu… et même de leur parler (y compris au téléphone, le truc pratique). Destiné à reprendre l’exploitation familiale de saké, Tadayasu fait logiquement son entrée dans une université agricole, et c’est là que commence son histoire…

moyashimon manga

La rencontre ! MOYASIMON © Masayuki Ishikawa / Kodansha Ltd.

Avec son ami d’enfance, Kei, ils font la connaissance du professeur Itsuki, spécialiste des microbes en tout genre avec un goût assez unique pour les choses fermentées : il affectionne les oiseaux de mers décomposés, les raies fermentées, et toutes les choses faisandées très riches en goût… Des moments puants et assez hilarants en perspective à l’image de cette tirade : « vous voyez le coin pissotière des vieilles toilettes pour hommes toutes crades, qu’on trouve dans le camping par exemple ? J’ai l’impression d’avoir mis dans ma bouche un bout de papier toilette imbibé de pisse tombée par terre là-dedans, un jour d’été.»

Vous vous en doutez, Itsuki voit le don de Sawaki avec intérêt et notre jeune homme rejoint rapidement le département de micro-biologie. Sawaki et Kei font la connaissance de toute l’équipe : la redoutable et intransigeante Hasegawa, le duo d’étudiants-truands Misato et Kawahama, la belle miss fac Muto, puante (au début du récit) ou alcoolique (plus tard) et enfin une autre nouvelle, obsédée de la propreté, du nom d’Hazuki… Sawaki fera ensuite de nombreux voyages et rencontres : le collègue étrange du professeur Sawaki, la jeune Marie (française et  héritière d’une exploitation viticole) mais aussi des artisans en tout genre et spécialistes de saké, de bière ou d’agriculture en général.

Mais dans cette liste j’oublie les autres personnages principaux de cette histoire : les microbes ! On le sait tous, les microbes sont invisibles à l’œil nu (on n’aurait pas attendu le 19e siècle pour les découvrir sinon), mais Tadayasu les voit sous la forme de petits êtres de la taille d’un petit pois. Ils différent par la forme, la taille et surtout par leur étrange et proéminente tête : des rondes, des carrées, des avec ou sans moustache, avec des chignons ou autres protubérances originales.

Par moment, ils n’ont pas besoin de Tadayasu pour exister et ils se font plaisir en devenant les stars de l’histoire, pendant quelques pages voir pendant tout un chapitre… et les bonus de chaque tome leur appartiennent ! Cela dit ils sont là pour une bonne raison et vont vous parler directement à vous, chers lecteurs, pour vous apprendre que, sans eux, la vie et les plaisirs de l’existence seraient impossibles : découvrez le rôle des microbes dans la digestion, dans la protection de notre peau contre les agressions extérieures, le rôle des microbes dans la fabrication de la sauce soja, du mirin, du saké, du vin, de la bière…

Moyashimon_micro-organisms

Ces microbes, en alternance avec le professeur Itsuki ou quelques personnages spécialistes de leur domaine (barmaid, responsable d’une micro-basserie ou d’une exploitation viticole, etc…) vont venir noircir les pages de Moyasimon dans des explications simples à comprendre mais toujours extrêmement riches en détails, regroupant toutes les notions de base que vous connaissiez (ou pas) et rajoutant plusieurs couches par-dessus… Si bien qu’il ne s’agit finalement pas que de microbes mais aussi de procédés de fabrications, d’histoire, de marché de consommateur potentiel au Japon et ailleurs, de comportement de masse, etc.

Il est difficile de tout retenir : j’ai par exemple du relire l’arc sur la bière une seconde fois (dans le tome 8, ci-dessous au centre) pour mieux en comprendre les subtilités… et ce tome est devenu l’un de mes préférés depuis, une quasi-référence en la matière. Les explications ne manquent pas d’humour, surtout quand les microbes humanisés et souvent caractériels nous racontent leur quotidien et se moquent des humains, mais on fait face à une présentation des plus sérieuses, entre vulgarisation et discours universitaire, qui fait à chaque foi un tour assez complet de la question… au moins pour ce qui concerne le Japon. Cela dit quand je vois la tête qu’ont les fromages français quand ils commencent à avoir un certain âge, je pense que l’on peut tout à fait apprécier les différentes formes d’alimentation fermentée du Japon.

 moyashimon-6-glenat  moyasimon-8-glenat  moyasimon-9-glenat

En plus, comme je l’évoquais plus haut avec Marie, la française de Moyasimon (en couverture du tome 9 ci-dessus)le manga de Masayuki ISHIKAWA n’a pas peur de sortir de l’université voir de ses frontières, en allant en France (un tome 6 aux couleurs de notre drapeau, c’est fun) ou en traversant les Etats-Unis d’un bout à l’autre histoire d’aller au-delà de certains clichés. Le manga en détruit aussi (des clichés) concernant le Japon, et soulèvent quelques questions intéressantes : action des pouvoirs publics et jeux d’influences des lobbys, comportement grégaire des consommateurs et pouvoir des campagnes de pub… les recherches effectuées par l’auteur lui permettent bien souvent d’apporter une argumentation des plus solides, qui fait réfléchir.

En résumé, Moyasimon vous parle donc de microbes, de leur utilité à la façon dont les gens les perçoivent, mais aussi de tout ce qui fermentent ou qui a ou a eu besoin un jour des microbes pour exister. Autant vous dire qu’en seulement treize volumes, cela fait un paquet d’informations, et le mangaka les distille sous toutes les formes : il y a les speechs que je viens d’évoquer, qui s’insèrent logiquement dans l’histoire ou qui en font un hold up complet (ce qui est souvent revendiqué par les microbes avec une petite touche d’humour). Ces longs discours sont aussi la spécialité du professeur Itsuki, et c’est une capacité crainte par ses élèves !

Moyasimon Itsuki

Itsuki et ses monologues ! MOYASIMON © Masayuki Ishikawa / Kodansha Ltd.

Mais ISHIKAWA va plus loin que les simples explications dans le texte et les notes ou commentaires pullulent partout dans le manga. Rares sont les doubles pages qui ne possèdent pas un, deux ou trois petits dessins de microbes dans la marge avec son nom et son rôle en quelques mots, ou alors la tête d’un personnage qui laisse une occasion au mangaka de faire un commentaire : « ça faisait longtemps qu’on ne l’avait pas vu« , « vous êtes nombreux à me dire que vous aimez sa nouvelle coupe de cheveux« , « j’ai acheté des fringues SM comme celle qu’elle porte au fait« … Beaucoup – vraiment beaucoup –  de délires sont partagés et forment, en quelque sortes un making-of in situ de l’ouvrage, assez amusant à suivre. L’auteur prend de toute façon son temps pour sortir chaque volume, donc rien d’étonnant à qu’il soit ainsi décoré : il lui aura fallu 10 ans pour 13 tomes, publiés dans le magazine Evening de la Kodansha de 2004 à 2014. Il aime d’ailleurs faire quelques références à ce magazine parfois, voir à évoquer / parodier d’autres manga célèbres qui y paraissent, le temps d’une planche.

En tout cas, pour en finir sur cette richesse du texte, j’ai une petite pensée pour Anne-Sophie Thévenon, la traductrice, que vous connaissez déjà si vous lisez Bersek, Bastard, Noragami ou Bleach : Moyasimon est certainement le manga publié en France qui possède le plus de monologues interminables et d’annotations à toutes les sauces. Un sacré défi et du beau travail en tout cas !

Entre deux microbes, sous les microscopes, la vie universitaire s’écoule…

Heureusement, comme je le disais en introduction, Moyasimon n’est pas qu’une simple encyclopédie en bande-dessinée. L’humanisation des microbes amène une bonne dose d’humour, mais il y a aussi la vie de personnages hauts en couleur qui vous attend. Bon, évidemment, avec tout le blabla autour des microbes, leur vie avance parfois au ralenti, et les 13 tomes de cette série balaie seulement une année à l’université agricole. Avec 7 ou 8 personnages au premier plan, on pourrait craindre l’ennui… mais pas du tout : c’est ce qu’ils racontent qui fait une partie de l’intérêt du livre. D’autres protagonistes vont venir compléter l’histoire à partir des tomes 7 et 8 mais l’équipe de départ se suffit déjà à elle-même, au point de nous faire régulièrement oublier Sawaki et son don pour voir les microbes.

Les personnages principaux de Moyasimon

Les personnages principaux de Moyasimon

Il y a Kei, le travesti en gothique lolita qui se passionne pour la fabrication de Saké, Misato et Kawahama étudiants passionnés mais qui montent des arnaques ou des commerces foireux sans arrêt, Hasegawa qui est une super-riche héritière et qui ne sait pas trop quelle vie choisir, Muto qui a parcouru le monde à la découverte des microbes mais qui se trompe, pourtant, en pensant avoir tout vu, tout entendu… et le prof Itsuki beauuuucoup moins sage qu’on pourrait le penser derrière ses petites lunettes… Avec ces personnages Moyasimon présente donc une seconde facette, celle de la vie étudiante, pleine de doutes et de quêtes d’identités, une découverte du Monde qui les attend… et de leur avenir. La vie étudiante est faite de recherches scientifiques poussées, d’excès et de coups de folie, mais aussi d’inquiétudes sur la future la vie active, qu’on ne pourra pas repousser éternellement. En tout cas, tous ces esprits plutôt bien construits sont capables d’idées saugrenues mais aussi d’initiatives brillantes… et de fêtes bien arrosées évidemment, car l’alcool ne se résume pas à de la fermentation : ça se consomme aussi pardi !

L'oktoberfest qui a inspiré celle de l'université dans le tome 8

L’oktoberfest qui a inspiré celle de l’université dans le tome 8 – MOYASIMON © Masayuki Ishikawa / Kodansha Ltd.

Moyasimon est donc un étrange mélange. Même si j’aimerai qu’il ait le succès le plus large possible en France, je mentirai en disant qu’il pourrait vous plaire à toutes et tous, ou en vous incitant à courir pour acheter aveuglément les 11 volumes parus. Moyasimon est un manga pour les plus curieux d’entre-vous, les esprits avides qui aiment autant apprendre que s’amuser, des nostalgiques des années de fac aussi, peut-être, des amateurs d’alcool et de la façon dont on le fabrique, sûrement.

Mais la meilleure façon pour savoir si ce manga est – ou n’est pas – pour vous, c’est encore de l’essayer, non ?

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Moyasimon tome 1Fiche descriptive

Titre : Moyasimon
Auteur : Masayuki ISHIKAWA
Date de parution du dernier tome : 21 septembre 2016
Éditeurs fr/jp : Glénat Manga / Kôdansha
Nombre de pages : –
Prix de vente : 9.15 €
Nombre de volumes : 12 / 13 (terminé)

Visuels : © MOYASIMON © Masayuki Ishikawa / Kodansha Ltd.

Pour en savoir plus vous pouvez jeter un œil sur la preview et sachez également qu’il existe un anime (inédit chez nous je crois) et un drama sur ADN !

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Concours photo 2016 : les résultats !

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Voici enfin les résultats de ce concours 2016, toujours aussi populaire depuis sa mise en place en 2012, comme en témoigne les petits mots  de remerciements dans les mails des participants : vous vous amusez chaque année pour faire les plus chouettes photos, c’est super motivant pour votre serviteur !

Gagnants Paoru 2016

Le Bilan

Résultats de cette année 2016 : pas loin de 80 participants comme l’an dernier et 205 photos, un record ! Une fois de plus le choix fut des plus ardus pour les onze jurés qui ont accepté de tout passer en revue puis de voter pour leur dix participants préférés. Certains ont mis tout le monde d’accord, la nouvelle gagnante de cette année étant dans le top 5 de 8 jurés par exemple. Pour arriver dans le top 20 il fallait séduire au moins deux jurés et ce sont au final 41 noms qui sont ressortis des votes. Ça c’est souvent joué à pas grand chose : autant les deux premiers ont chacun plus de 10 points d’avance sur leur suivant, autant ça se joue à 1,2 ou 3 points de la 3e à la 6e place par exemple.

Ce qui a plu est un mélange de photo réussi, techniquement parlant (composition, gestion de la lumière, etc.), d’originalité et d’humour (on a bien rigolé sur certaines,) de l’adéquation entre la mise en scène et le manga concerné ou alors d’un joli contre-pied, comme ce fut le cas des deux photos avec Nana par exemple, du beau WTF ! Assez peu de photo de collection cette année, mais elles ont été plutôt soignées avec des ajouts de figurines, de poster, etc. Des efforts ont été faits sur les commentaires envoyés avec ces photos : ils donnent plus facilement un contexte et une ambiance, ils racontent une histoire aussi… Ça peut aider au coup de cœur !

Ensuite… le fait de prendre vos photos avec un appareil photo et non un portable a pu jouer par moment, mais les différences de qualité s’effacent d’année en année pour l’œil du béotien d’année en année. Le fait de faire plusieurs photos en a avantagé certains en touchant un plus grand nombre de jurés, mais aussi desservi d’autres s’ils privilégiaient la quantité au dépend de la qualité. Je pense mettre un maximum à 5 photos l’an prochain, pour pousser ceux qui ont tendance à shooter à tout va à passer plus de temps sur chacun de ses clichés.

Bref, il y aura surement des déçus (des mécontents, peut-être) mais je ne peux que vous encourager à retenter votre chance l’an prochain car, comme vous allez le voir, le classement est loin d’être redondant et beaucoup de nouveaux noms ont pris la place des gagnants des éditions précédentes. La concurrence est rude, en somme.

Un grand merci en tout cas à toutes et tous pour vos participations souvent très enjouées et, je le répète mais ce fut très touchant, merci pour vos petits mots et remerciements dans vos mails ! Allez, arrêtons de vous faire languir, en route pour les résultats de cette édition 2016 !

Les résultats

1ère place : Johanna C.

Comme en 2015 c’est encore un nouveau nom tout en haut du podium ! Après une 4e place en 2014 et une 10e place l’an dernier, Johanna C. remporte l’édition 2016 grâce à deux clichés qui ont séduit les jurés. Ses photos mettent à l’honneur One Piece (Glénat) et Run Day Burst (Ki-oon), soit un manga hyper populaire (qui a inspiré plein de monde cette année) et un autre malheureusement trop méconnu. Chacun remporte autant de votes que l’autre : shooter un blockbuster ne fait donc pas tout, tant mieux ! Ces photos sont joliment travaillées, chaque élément est à la place parfaite et la gestion des ombres et lumières est splendide… Bravo !

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Johanna C. remporte donc : 1 LN au choix, 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix et un autre tome 1 de manga au choix, un des book au choix, 1 sac au choix et 1 goodies au choix ! Encore bravo, on compte sur elle prochain pour défendre son titre !

2e place : Vi T.

Gagnante du concours en 2012,2013,2014, Vi avait un peu séché l’an dernier en finissant 9e, mais elle montre qu’il faut toujours compter avec elle avec une seconde place cette année. Elle nous a envoyé deux clichés mais c’est vraiment sa photo de Food Wars (Tonkam-Delcourt) qui a fait l’unanimité, classé en première position chez 3 jurés ! Il faut dire qu’elle a été shootée sur le vif, chapeau !

vi-toan-food-wars

Vi remporte, selon ce qu’aura choisi Johanna : 1 LN au choix, 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix, un des book au choix, 1 sac au choix et 1 goodies au choix !

3e place : Maiwei

Encore une petite nouvelle, qui frappe fort pour sa première participation ! Plébiscitée par 5 jurés ( qui l’ont tous mis dans dans leur top 5 !), Maiwei a séduit avec deux clichés. C’est sa photo d’Arte (Komikku), mignonne et colorée (comme son héroïne qui a inspiré beaucoup de participants), qui lui vaut la majorité des votes. Cela dit, son cliché Space Brothers (Pika) joliment mis en scène avec un peu de poésie, a touché deux autres jurés également. Je vous laisse les découvrir :

 maiwei-arte  maiwei-space-brothers

Maiwei, selon les choix précédents, remporte : 1 LN au choix, 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix, un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

4e place : Laura C.

Une habituée du concours qui vient encore tutoyer les premières places ! Laura C. a trouvé son style l’an dernier, qui mixait couv de manga et petits personnages en papiers très expressifs, et elle nous en a proposé toute une sélection cette année. Six jurés ont voté pour ses photos, et plus précisément pour 3 d’entre elles de One Piece (Glénat) et Naruto (Kana) sur la petite dizaine proposée. Il faut dire que ces photos sont pleine d’humour et collent bien à ces protagonistes que l’on connait tous. La seule chose qui lui a peut-être fait perdre des points c’est que plusieurs clichés sont sans manga, certains jurés les ont donc vus comme un léger hors sujet au vu du thème du concours. J’ai laissé l’appréciation libre à chacun des jurés en tout cas. D’autant que je me suis bien marré en regardant les dites photos, jugez plutôt :

 laura-c-Naruto laura-c-One Piece

laura-c-One Piece

Laura C., selon les choix précédents, remporte: 1 LN au choix, 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

5e place : Anna Ys

Une fois de plus, voici une nouvelle qui arrive d’emblée dans les premières places. Cinq jurés ont voté pour sa photo du manga Père et Fils (Ki-oon). La photo est nickel sur le plan technique mais c’est surtout la composition que je trouve magnifique, et totalement en symbiose avec ce titre qui a inspiré vraiment beaucoup de monde cette année.

anna-ys Pere et Fils

Anna Ys, selon les choix précédents, remporte: 1 LN au choix, 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

6e place : Margaux L.

Six jurés ont voté pour les photos des Gouttes de Dieu (Glénat) ou de Cesare (Ki-oon). La première est efficace, avec une bonne composition, et j’ai eu un coup de cœur pour la rose ensanglantée de la seconde.  Les voici :

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Margaux L. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

7e place : Myss Tik’s

Encore une nouvelle au classement, qui nous apporte une touche de jeu vidéo dans ce classement, grâce à son cliché de Résident Evil, le manga de Kurokawa, qui a plu à 5 de nos jurés. La photo est super clean il faut dire, avec des accessoires de collectionneurs :

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Myss Tik’s remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

8e place : Mélanie M.

Autre série populaire cette année : Assassination Classroom (Kana) ! Mais si Mélanie M. est dans le top 10 c’est aussi grâce à une photo réussie de collection, dédiée à Naruto. Une mise en scène sympa et une photo parfaitement ordonnée, c’est le combo qui a donc fait mouche auprès de 4 jurés !

 melanie-Naruto melanie-Assassination Classroom

Mélanie M. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

9e place : Julie R.

Je me rends compte que nous n’avons que des demoiselles dans ce classement jusqu’ici ! Coïncidence ou pas c’est avec deux shôjos géniaux que Julie R. séduit elle aussi 4 jurés et se hisse à la 9e position : Switch Girl (Akata-Delcourt) et Orange (Akata) sont dans la place et Julie a donné de sa personne pour ce concours !

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Julie R. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

10e place : Agathe D.

Encore une nouvelle participante, mais pas n’importe laquelle puisque c’est à elle que j’ai donné mes 10 points de juré, sur un manga que je connais pourtant assez mal, Mon Histoire (Kana). Sa photo de manga en vrac, bien travaillée et assez drôle a aussi fait rire tout ceux qui ont une tonne de lectures en retard. En tout cas un très joli travail post-photo, bravo !

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Agathe D. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

11e place : Laëtitia C.

Plusieurs photos de Laëtitia on tapé dans l’œil du jury : son cliché appétissant des Gouttes de dieu (Glénat), l’amusant escalier de One Piece (Glénat) et une composition de circonstance pour Re Life (Ki-oon). Voici le trio :

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Laëtitia C. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

12e place : Maryse Inyzant

Simple et bien pensée, cette photo de One Piece qui sent bon les vacances et le farniente a visiblement fait envie à deux jurés qui l’ont mis respectivement première et 4e de leur top.

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Maryse remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix, 1 sac au choix ou 1 goodies au choix !

13e place : Missino

J’ai tout de suite flashé sur cette photo de The Ancient Magus Bride, qui est une série de Komikku qui donne lieu a de superbes photos cette année comme ce fut le cas dans le concours 2015. L’autre juré séduit par le travail de Missino a lui flashé sur le cliché de Welcome to the Hotel Williams Child Bird (Taifu) que je trouve là aussi pleine de charme. Pour moi c’est l’un des concurrents qui pourrait vraiment rentrer dans le top 5, il ne lui manque pas grand chose !

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Missino remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix !

14e place : Olivier B.

Un habitué du concours que l’ami Olivier B. qui a tenté cette année le pari de cuisiner en s’inspirant des mangas, Chocola & Vanilla et les Petites Fraises édités par Kurokawa. Le résultat est certainement encore meilleur que la photo. Olivier l’an prochain, envoie des parts des gâteaux aux jurés et on te met premier direct ! 😉

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Olivier B. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

15e place : Justine M.

Sixième de l’édition 2015 (c’était même mon coup de cœur de l’an dernier !), Justine se classe à nouveau dans le top 20 grâce au vote de 4 jurés avec le seul cliché monochrome du top 20 (entre sépia & NB ici), dédié à Tokyo Ghoul (Glénat). L’accord manga-café-photo est juste nickel.

Tokyo Ghoul Justine

Justine M remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

16e place : Théa

Deux jurés ont été séduits par le cliché d’Alice (Ki-oon), et il a même été le coup de cœur de l’un d’entre eux. Il faut dire qu’on a de chouettes couleurs là-dedans !

Théa Alice

Théa remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

17e place : Gé rome

Le 3e participant masculin de l’édition nous a envoyé un florilège de photos soit très classes, soit très drôles. C’est un peu des deux qui a été apprécié, comme en témoigne les deux photos qui ont recueilli des suffrages :

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Gé rome remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

18e place : Zaher

En voilà un drôle de pseudo ! Comme Théa, c’est un coup de cœur d’un juré qui lui a permis d’être dans le top 20, pour cette photo de One Piece. En même temps la photo est nickel et le moment des plus touchants, non ?

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Zaher remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

19e place : Perrine A.

La 20e de l’an dernier gagne une nouvelle place en reprenant la thématique musicale de l’an dernier, et en la dédiant cette fois-ci à Your Lie in April (Ki-oon). Quel manga musical aura les honneurs de passer sous son appareil l’an prochain ? Ah et big up Basse-Normandie au passage, si vous permettez !

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Perrine A. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

20e place : Marie V.

Ah ça me fait plaisir que My Hero Academia (Ki-oon) arrive à faire partie des gagnants de cette édition. Merci à Marie V. pour sa photo toute simple mais amusante, qui ne se prend pas au sérieux, comme le manga.

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Marie V. remporte, selon les choix précédents : 1 manga double ou tome 1-tome 2 au choix ou un autre tome 1 de manga au choix ou un des book au choix.

Et c’est ainsi que se termine la liste des 20 gagnants de ce concours. Je les contacte la semaine prochaine par mail pour l’organisation de l’expédition des lots.

Je tiens quand même à rajouter quelques félicitations pour certains participants qui ne sont passés vraiment pas loin de ce top 20, à un point près bien souvent : Sylvie B., Johanna G, Alyssia, Céline G., Mylena G, Exil, Marine G, Isabelle B, Mélanie K, Isabelle A, Jenny L, Sara S, Fanny, Julie G, Damien C, Virgine P, Emilie P, Boul Seb, Tomy Tito, Adelaide M et Nadège… Plusieurs d’entre-eux étaient classés dans le top 20 les années précédentes, donc j’espère que vous retenterez l’an prochain, vous avez vos chances !

Merci enfin à tous nos participants, malgré les photos floues, mal cadrées ou un peu répétitives, nous en avons eu pour tous les goûts et surtout en quantité ! Venez faire un dernier tour dans l’album photo sur notre page Facebook, et d’y laisser vos commentaires.

Rendez-vous dans quelques jours pour le retour des chroniques manga (il y avait beaucoup de bonnes choses à lire en cette rentrée) et je compte sur vous l’an prochain pour un autre concours photo, ce sera avec plaisir 🙂

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